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EXCLUSIFRencontre avec Louis-Vincent Gave

« Le Biarritz Olympique Pays basque doit devenir le meilleur club formateur de France »… Le jeune entrepreneur donne sa vision pour le BO de demain ; il a également confié à PresseLib’ un éclairage sur son parcours personnel…
GAVE ALDIGE 0

Comme nous en avons déjà parlé Louis-Vincent Gave a décidé d’apporter un soutien majeur au BOPB avec sa société internationale, Gavekal. Après avoir injecté 1,5 million d’euros, il y a quelques mois, il s’est engagé à investir 3 millions supplémentaires pour sauver le club d’une relégation en Fédérale 1 et pour lui donner les moyens de nouvelles ambitions.

PresseLib’ est donc allé à la rencontre de ce chef d’entreprise, très attaché à ses racines familiales dans la région, pour en savoir plus sur ses motivations, ses projets pour le BOPB. Mais aussi pour permettre aux lecteurs de découvrir qui est réellement Louis-Vincent Gave.

Quelle est la motivation principale qui vous guide pour réaliser un tel investissement dans le Biarritz Olympique Pays Basque ?

Louis-Vincent Gave – Tous les matins depuis un mois, ma femme me pose la même question. J’ai essayé une dizaine de réponses différentes, et aucune ne l’a véritablement convaincue… Blague à part, la raison la plus évidente, c’est ma passion pour le rugby. Un sport que j’aime et qui m’a beaucoup apporté. Après tout, comme le disent si bien les anglo-saxons : « Jusqu’à 18 ans, le rugby bâtit le caractère ; après 18 ans, il le révèle ». Et je pourrais en rester là.

Mais, j’aimerais aller un peu plus loin. Quand je regarde le BOPB, je vois tout d’abord cent ans d’histoire. Et un siècle d’histoire, ça ne se résume pas à une série de trophées, à des coupes, et des vieilles photos. Cent ans d’histoire, pour moi, c’est une institution qui s’est bâtie petit à petit. Cent ans d’histoire, c’est aussi différentes associations de supporteurs qui se sont crées au fil des années et qui, par leur implication, permettent au club de survivre. Cent ans d’histoire, ça veut dire un centre de formation qui s’est perfectionné sans relâche. Cent ans d’histoire, ce sont les partenaires locaux qui répondent présents avec une grande fidélité…

Or aujourd’hui, le risque est simple : à cause d’un trou financier, ces cent ans d’histoire peuvent être balayés d’un seul coup. L’entreprise BOPB, qui s’est remarquablement développée au fil des générations, est tout simplement menacée de disparition. Cela mettrait en danger 70 emplois, ce qui veut dire aussi 70 foyers dans l’incertitude.

Jusqu’à présent, vous n’avez pas été ménagé…

L-V. G. – Effectivement. Dans la presse, on m’a sévèrement attaqué. On m’a même traité de « ultra-liberal trash », pour reprendre l’expression d’un de vos confrères, ou encore de « facho » (soit-dit en passant, il y a là une énorme contradiction. Libéral ou facho ? Difficile d’être les deux en même temps !). Oublions ! La réalité est ailleurs : je suis profondément attachés à deux choses : la formation et le maintien du patrimoine français et basque.

Vos valeurs ?

L-V. G. Pour rester sur le projet du BOPB, je retrouve ces deux axes qui me tiennent à cœur. Tout d’abord, le maintien du patrimoine ; car pour moi, en amoureux du rugby, le BOPB fait partie de notre patrimoine culturel basque et français.

Ensuite, la formation : en accompagnant ce club historique, j’ose espérer que je me donnerai les outils nécessaires pour aider des tas de jeunes, que je ne connais pas encore, mais qui demain peut-être réussiront à passer un cap grâce au travail fourni par toute l’équipe du BOPB…

J’ai eu beaucoup de chance dans ma vie. Beaucoup de personnes m’ont aidé en chemin. Mon entreprise se développe dans un système économique mondial souvent critiqué. Mais, selon moi, le système capitaliste dans lequel nous vivons n’a de sens et ne peut fonctionner que si ceux qui ont connu un minimum de réussite (j’utilise ce mot avec précaution, car je suis bien conscient que ce que j’ai accompli pour l’instant dans le monde des affaires reste très modeste comparé à tant d’autres) se retournent pour aider les plus jeunes à gravir, eux aussi, une marche supérieure. C’est ma philosophie !

Comment cela peut-il se traduire au niveau du BOPB ?

L-V. G. – Avec le BOPB, j’ose croire que nous allons pouvoir bâtir du solide, à partir de tout le travail réalisé par nos ainés, et mettre en place un club qui - je l’espère ! -, d’ici dix ans, sera reconnu comme le meilleur club formateur de France. Un club qui puise ses forces vives dans toute une région… Et je suis convaincu que notre terroir est assez riche en culture rugbystique pour permettre de réussir dans l’élite avec un club réellement bâti sur des fondements locaux. D’autant plus en s’appuyant sur les valeurs basques, que ce soit la force et la solidité de la maison familiale, de l’etche, ou que ce soit l'ouverture d'esprit sur l'innovation en s'appuyant sur les bases historiques.

Quelle est votre relation personnelle avec le rugby ?

L-V. G. - J’ai commencé à pratiquer le rugby quand j’avais 8 ans. J’en ai aujourd’hui 44 et je joue toujours (mais rarement plus d’une mi-temps…). Chaque année, le chiffre que je porte dans le dos à tendance à diminuer… je me retrouve désormais au poste de talonneur ou de pilier. Un très mauvais choix de vie ! Heureusement, le rugby au Canada et à Hong Kong est moins « viril » que dans nos divisions régionales françaises. A Hong Kong, on est quasiment chez les Bisounours… ce qui permet de prolonger une carrière somme toute peu glorieuse !

Mais, je ne fais pas que jouer. J’ai été président du plus grand club de Hong Kong avec 800 gamins, 6 équipes masculines et 2 équipes féminines. J’ai aussi passé mon diplôme d’entraineur IRB-L1 (pas très compliqué) et d’arbitre…

Vous avez connu Jack Isaac comme coach de l’équipe à Hong Kong. Que retirez-vous de cette expérience ?

L-V. G. - Jack est un ami. Pas un copain. Un ami. Jack a dit des choses très gentilles sur moi dans la presse. Et de mon côté, j’ai envie d’en dire autant le concernant. J’irai, moi aussi, à la guerre avec Jack. Evidemment, c’est un peu lui qui m’a embarqué dans cette bataille du BOPB. Et au début, j’y suis allé avec beaucoup de réticence.

Néanmoins, je suis convaincu que, sur le long terme, nous pourrons écrire tous ensemble une belle page d’histoire au BOPB. Nous sommes prêt à partir au combat pour le drapeau du club et du territoire, tout en respectant nos adversaires, dans l’esprit basque.

A Hong Kong, j’ai vu Jack travailler avec notre équipe et la faire passer à un niveau supérieur. Lors de sa seconde saison, notre équipe n’a perdu qu’un seul match : du jamais vu dans la ligue hongkongaise.

Vous avez commencé par investir à Bordeaux. Etes-vous toujours actionnaire de l’UBB ?

L-V. G. - Laurent Marti est un ami proche. Et j’ai beaucoup appris à ses côtés. Très honnêtement, je crois qu’il y a peu de clubs français aussi bien gérés que l’Union Bègls-Bordeaux. Pour moi, l’UBB est un modèle de ce que l’on peut accomplir avec un budget limité, mais avec beaucoup de travail et une grande connaissance du monde du rugby. Si on arrive à faire, ici à Biarritz, la moitié de ce que Laurent a accompli avec l’UBB, alors nous aurons réussi.

C’est pourquoi je suis triste que mon association avec l’UBB se termine. En effet, je crois qu’il n’est pas souhaitable d’être actionnaire et intervenant, dans deux clubs à la fois. J’en ai parlé avec Laurent, évidemment. Et je vais céder mes parts dans l’UBB.

Un des objectifs avec l’UBB était d’ouvrir le club vers l’Asie. Est-ce aussi une perspective pour le BOPB ?

L-V. G. - Sans aucun doute. Et là, il y a tant de choses à faire, que ce soit sur le plan commercial, ou au niveau de la formation et du volet sportif. Le rugby est en pleine croissance en Asie. Evidemment, l’IRB-sevens est une excellente locomotive. Mais, il y a aussi la Coupe du monde 2019 au Japon (pour laquelle, soit-dit en passant, Hong Kong peu encore espérer se qualifier !) qui va booster l’ovalie dans cette partie du monde.

Il faut savoir également que la Chine investit beaucoup sur les sports collectifs afin notamment de compenser les effets nocifs de la politique de l’enfant unique (générant un égoïsme surdimensionné chez les gamins qui grandissent sans frères, sans sœurs et sans cousins…). Autre facteur positif, les franchises de Super-rugby jouent de plus en plus de matches à Hong Kong et à Singapour.

Dans ce contexte porteur, pourquoi ne pas essayer de positionner le BOPB comme l’une des marques phares du rugby français ? C’est également une opportunité majeure pour promouvoir notre territoire qui, touristiquement parlant, a tant à offrir ?

Comment allez-vous organiser votre agenda d’entrepreneur international et de président du BOPB ?

L-V. G. - Les Américains disent toujours : « Si vous voulez que quelque chose soit fait, dites à la personne la plus occupée de le faire ». En gros, plus on est occupé, plus on est efficace. Ceci étant dit, j’ai la chance d’être très bien entouré, à la fois dans mes affaires et - j’en suis convaincu -, au BOPB avec un bel esprit d’équipe autour de Nicolas Brusque et Jean-Baptiste Aldigé.

La façon dont je conçois l’organisation du BOPB est simple : ma première tâche sera de délimiter des cadres d’actions très clairs et de définir les différentes missions. Une fois ces cadres mis en place, les responsables concernés auront des moyens et une latitude totale pour accomplir leurs missions. Nous dévoilerons le nouvel organigramme avec les responsabilités de chacun, lors de l’Assemblée Générale début juillet.

Votre ambition pour le BOPB ? Le retour en Top 14 ?

L-V. G. - Je suis conscient du fait que les supporteurs, les joueurs, les bénévoles et surtout les partenaires veulent que nous annoncions un retour en Top 14 ; voire même mieux. Mais très honnêtement, ce n’est pas mon ambition première.

J’insiste, l’ambition prioritaire est ailleurs. Elle est de faire en sorte que le BOPB soit reconnu comme le meilleur club formateur de France. Si nous atteignons ce but, alors tout naturellement, le BO sera durablement parmi les vingt meilleurs clubs de France. Ce qui veut dire que, peut-être, nous pourrons remonter. Ou rester sur le haut du tableau de Pro D2. Mais, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Une remontée en Top 14 sera le résultat d’une politique solide au niveau de la formation et non un but en soi. Pour moi, il y a autant d’honneur à défendre nos couleurs contre Aurillac que contre Clermont.

Quel positionnement pour le club ? Visez-vous une mobilisation des entreprises du Pays basque ? Comment ?

L-V. G. - Notre priorité aujourd’hui, c’est le passage devant la DNACG pour rester en Pro D2. Ceci étant dit, nous nous devons de passer à l’attaque sur plusieurs fronts en même temps. Bon, je sais que je joue première ligne. Alors, comment faire ? Ou bien je cours, ou bien je passe le ballon. Mais si je dois passer le ballon, alors je ralentis… Heureusement, nous avons aujourd’hui dans notre équipe des anciens arrières, comme Nicolas Brusque et Jean-Baptiste Aldigé, qui ont été formé à une époque où on savait encore courir et passer en même temps…

Donc, nous allons commencer à attaquer le commercial très rapidement. Et là, je ne cache pas que nous avons besoin de toutes les bonnes volontés pour passer la vitesse supérieure. Regardons la réalité en face : le club a vécu des mois très difficiles, qui ont entaché « le produit » BO. Aujourd’hui, en sponsoring local, le BO est, en gros, à la moitié de là où il était l’an dernier. Trois mois précieux ont été perdus.

Il nous faut donc mobiliser tous les relais possibles sur la région pour rebondir positivement. Aujourd’hui, sur ce dossier, la situation est bien plus tendue que je ne le craignais lorsque je me suis engagé dans cette bagarre.

Je demande donc à tous les partenaires locaux de venir vers nous. Ma porte est grande ouverte. Mon email est simple : louis@gavekal.com. Je dois cependant souligner que certains ont déjà pris contact avec moi. C’est une marque de confiance et d’amour pour le BOPB que je n’oublierai pas. Etre présent dans les moments difficiles, c’est ça la fidélité.

Allez-vous rechercher un ou plusieurs grands partenaires nationaux ?

L-V. G. - Oui. Bien sûr. Et même au-delà. Le Biarritz Olympique Pays Basque a tous les atouts pour devenir une marque internationale.

« Biarritz Pays Basque » est l’une des 19 marques retenues par Atout France pour promouvoir la France dans le monde. Comptez-vous inscrire le BOPB dans cette démarche ?

L-V. G. - Il ne manque qu’un seul mot ! On va faire du lobbying auprès d’Atout France pour qu’ils rajoutent « Olympique » entre Biarritz et Pays Basque… Et le tour est joué !

Une ouverture vers le Pays Basque Sud ?

L-V. G. - Oui. Il y a, au-delà de la Bidassoa et des Pyrénées, un véritable marché pour nous, au niveau du commercial, de la formation et du sportif… Vous le savez comme moi, le rugby se développe significativement sur la Péninsule ibérique. L’Espagne est passée à deux doigts d’une qualification pour la Coupe du Monde 2019. Quoi de plus naturel pour le BOPB que de chercher à croître au-delà d’une frontière qui aujourd’hui, n’en est quasiment plus une ?

Quelles sont les grandes lignes de votre stratégie pour l’entreprise BOPB ?

L-V. G. - Pour l’instant donc, un seul objectif : recapitaliser le BO afin de convaincre la DNACG. Une fois ce cap franchi, nous présenterons aux actionnaires un grand plan d’actions, lors de l’Assemblée Générale prévue qui se déroulera début juillet 2018.

Sur le plan sportif, vous pensez donc privilégier la formation et l’éclosion de jeunes talents. Quid des stars ?

L-V. G. - Nous voulons des stars. Mais des stars formées ici ! Je ne compte pas recruter à gros coups de chéquiers des stars en provenance de l’Hémisphère Sud. L’argent que j’injecte dans le club servira principalement à la formation. Et là, je voudrais insister sur deux choses. Tout d’abord, il faut saluer le travail de fourmis réalisé par les nombreux éducateurs et bénévoles du BOPB qui, année après année, ont accompli des miracles avec des moyens limités. Ensuite, j’ose croire qu’avec des moyens plus conséquents, et une véritable politique axée autour de la formation, le BOPB pourra gravir des échelons qui nous tendent les bras !

Votre point de vue sur l’éternel débat concernant les relations entre le BOPB et l’Aviron Bayonnais ?

L-V. G. - Lorsque je suis arrivé à Hong Kong, j’ai commencé à jouer pour le Valley RFC. Un club qui évolue en rouge et noir. A 800 mètre de notre terrain, on trouve le Hong Kong Football Club, notre grand rival. Le HKFC joue en bleu et blanc. J’aurais préféré me couper le bras droit plutôt que d’enfiler un maillot bleu et blanc. Je comprends donc les passions autour de la rivalité avec l’Aviron Bayonnais, un club qui lui aussi a une belle histoire. Pour moi, ces rivalités sont saines. Elles font la force du rugby.

Je sais qu’aujourd’hui il est de bon ton de croire qu’une fusion permettrait la naissance d’un grand club basque, avec des moyens financiers conséquents. Cela repose sur l’idée que le Pays Basque est trop petit, économiquement parlant, pour soutenir deux clubs. Je n’adhère pas à cette vision. Pour moi, la solution ne doit pas être tirée vers le bas, notamment par une fusion de deux clubs ayant du mal à survivre financièrement. La solution doit être une sortie par le haut. Ceci veut d’abord dire que, s’il n’y a pas assez de sponsors au Pays Basque, il faut aller les chercher au niveau national et international. Ensuite, à nous de mettre une équipe sur le terrain dans laquelle le pays entier se retrouve, et ainsi remplir le stade !

Comment voyez-vous les relations avec les autres clubs du bassin de l’Adour ?

L-V. G. - Ceci est peut-être la question la plus importante de tout cet entretien. En effet, si nous voulons réussir notre pari sur la formation, nous nous devons d’établir les meilleures relations possibles avec tous les clubs de la région. Il faut qu’ils nous perçoivent comme étant une ressource pour leurs jeunes, pour leurs entraîneurs, voire même pour leurs joueurs. Ceci veut dire que nous devons être à l’écoute de tous ces clubs, que nous devons les aider autant que possible : séances d’entraînement communes, proposition de programmes sportifs, etc. Il faut que les clubs de la région se sentent sereins quand ils nous envoient leurs meilleurs jeunes, et qu’ils sachent que le BOPB ne viendra pas les piller.

Donc pour répondre à votre question de manière plus précise, je souhaite que nos relations avec les clubs avoisinants soient d’abord basées sur l’écoute et sur le don. Je crois que le BOPB pourra beaucoup leur offrir et, ce faisant, bâtir de vraies relations de confiance et d’entre-aide.

Votre famille à des attaches fortes dans le Sud-Ouest. Pouvez-vous nous en dire plus ?

L-V. G. - Oui ! Je ne suis pas que un « Hong-Kongais » qui vient pour délocaliser le club en Chine du Sud… ou pour faire jouer trente Chinois dans notre équipe ! Maman est avant tout Béarnaise, de Pau, par son père, qui était agriculteur et qui, lui-même, jouait pilier à la Section Paloise. Ma grand-mère maternelle était Espagnole et, comme beaucoup à cette époque, avait fui la guerre civile pour venir dans le Sud-Ouest.

Du côté de mon père, les attaches de la famille sont en grande partie dans le Gers et dans le pays toulousain. Mes grands-parents habitaient Auch, avant d’acheter une maison et de prendre leur retraite au sud de Toulouse, à Carbonne, où j’ai passé tous les étés dans ma jeunesse.

Quant à mes parents, ils se sont rencontrés à Pau où mon père était en pension pendant sa scolarité. Ils sont ensuite partis pour la fac de Toulouse, où ils ont fait toutes leurs études. Je suis moi-même né à Toulouse, tout comme ma grande sœur et ma petite sœur. Et je me suis marié à Auch. Autre exemple de nos racines familiales, une de nos ancêtres était l’épouse du fondateur de la Maison Izarra, au début du siècle dernier, le botaniste et pharmacien Joseph Grattau.

Votre regard sur la ville de Biarritz et le Pays basque ? Coup de cœur ?

L-V. G. - Evidemment. C’est sûr qu’il était plus simple de convaincre ma femme sur un projet rugby à Biarritz que sur un projet rugby à Aurillac, Oyonnax ou Clermont. Et de toute façon, ça tombe bien car ces grands clubs se débrouillent parfaitement et n’ont absolument pas besoin de mon aide.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ? Vos débuts dans la vie professionnelle ?

L-V. G. – Après mon service militaire, j’ai rejoint la banque Paribas à Paris. A l’époque, elle faisait des investissements conséquents sur l’Asie et le fait que je parlais anglais et chinois couramment les intéressait. Après une période de formation, Paribas m’a envoyé à Singapour, puis à Hong Kong. Mais très vite, la crise asiatique a sévi et les investissements de la banque sur la zone commencèrent à la fragiliser. Paribas fut ainsi la cible d’une OPA et d’une bataille farouche entre la BNP et la Société Générale.

C’est à ce moment là que j’ai décidé de quitter Paribas afin de créer, avec mon père et un ami, Anatole Kaletsky, un cabinet de conseil. Les premières années ont été des années de vaches maigres. J’avais l’impression de travailler trois fois plus que mes amis qui étaient restés dans la banque, pour un quart ou moins du salaire. Mais on s’est accroché. De mon côté, étant alors célibataire, j’avais finalement besoin d’assez peu pour vivre.

Vers 2003, la Chine a commencé à décoller, et nous avons réussi à surfer sur cette vague. Tout d’un coup, un grand nombre d’entreprises ont compris l’importance de l’arrivée de la Chine sur la scène internationale. Elles recherchaient donc des conseils pertinents sur la meilleure manière d’approcher ce nouveau marché.

En 2005, nous avons re-investi nos (nouveaux) profits, renforcé notre équipe et commencé des opérations de gestion. Aujourd’hui, nous gérons environ 1,6 milliard d’US dollars de fonds, principalement pour le compte d’institutionnels sur l’Asie, ainsi que 2,2 milliards de dollars pour des particuliers, principalement américains, à partir de notre bureau de Seattle.

Comment a été créé Gavekal à Hong Kong ? Dans quel esprit et avec quel positionnement spécifique ?

L-V. G. Très honnêtement, nous avons eu beaucoup de chance, avec Gavekal : à partir de 2003, nous avons été au bon endroit au bon moment ! La création de Gavekal relève plus d’un concours de circonstances que d’autre chose. Comme je viens de le dire, à la fin des années 1990, j’ai souhaité quitter Paribas, car l’ambiance était pénible avec cette guerre entre la BNP et la Société Générale pour en prendre le contrôle. Chacun vivait dans la peur du lendemain, ce qui ne constituait pas un environnement propice à la performance (je sais : on pourrait faire un parallèle avec le BO de ces derniers mois).

De son côté, mon père avait vendu son affaire et pris sa retraite. Mais, il s’embêtait fermement au grand dam de ma mère qui répétait avec humour qu’avoir un mari à la retraite, c’était de loin la pire des situations : moins d’argent et plus de mari !

Alors, on s’est lancé dans l’aventure en se donnant deux ans pour décoller. Très vite, on a été rejoint par mon ami Anatole, qui sortait d’un combat contre une leucémie et cherchait un style de vie différent, moins boulot-métro-dodo…

Notre positionnement était simple. Nous sommes partis du principe que Napoléon avait vu juste : « quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera ». Pour nous, en l’an 2000, il était évident que la Chine arrivait au bout d’un long sommeil…

Votre entreprise est devenue une référence au niveau international. Pouvez-vous nous en dire plus sur Gavekal ?

L-V. G. – Je crois que nous sommes une référence sur une petite niche, très spécialisée. Les gens qui travaillent dans la finance nous connaissent souvent. Mais en dehors de ce monde, nous sommes de grands inconnus. Ceci étant dit, Gavekal est une société qui a son siège à Hong Kong, mais aussi un bureau à Pékin et un autre à Seattle. Nous avons environ une centaine de collaborateurs entre ces trois sites.

Notre objectif depuis le début est de développer une société qui nous survive. Ainsi ces dernières années, Gavekal est passée de trois associés a sept qui, ensemble, détiennent 85% du capital. Les 15% restants sont détenus par tous les collaborateurs. Chaque année, leurs participations augmentent et chaque employé(e) qui est avec nous depuis au moins deux ans devient actionnaire. Un jour, je l’espère, les employés de Gavekal seront les actionnaires majoritaires.

Nous ne faisons pas cela par charité. Notre vision est très simple : un collaborateur qui est aussi actionnaire travaille mieux et plus dur, qu’un employé qui ne touche « que » un salaire.

Qu’est-ce qui vous passionne dans ce métier ? De nouveaux projets ?

L-V. G. – Les relations avec les autres. En effet, la finance est un milieu passionnant où on a la chance de rencontrer des gens qui viennent de partout, avec des points de vue différents. C’est un milieu où on ne cesse d’apprendre et où l’on doit toujours se remettre en question. C’est un métier qui vous apprend rapidement l’humilité, du moins, si vous voulez survivre !

Pas de nouveaux projets aujourd’hui. De toute façon, sur l’année qui arrive, je crois que je vais déjà avoir assez de pain sur la planche avec le BOPB !

Vous êtes installé avec votre famille au Canada. Pour quelle raison ?

L-V. G. – Mon épouse est américaine. Après quasiment vingt ans à Hong Kong, elle voulait rentrer vivre aux Etats-Unis, principalement pour être plus proche de sa famille. De mon côté, j’ai beaucoup d’admiration pour les Etats-Unis, mais je craignais que, si nous nous y installions, mes quatre enfants deviennent complètement américains ; la culture américaine étant tellement englobante. Or, le Canada est très différent des Etats-Unis, notamment par sa culture bilingue (même si l’accent québecquois que prennent mes fils coince un peu avec mes parents !).

Nous avons donc trouvé un compromis : le Canada permet à ma femme d’être proche de sa famille, et à mes enfants de grandir dans une culture qui est plus proche de la mienne. Un exemple tout bête : au Canada, je peux continuer a jouer au rugby (avec les Squamish Axemen, la ville dont est issu Jamie Cudmore) ainsi que mes deux fils et mes deux filles. Aux Etats-Unis, cela aurait été beaucoup plus compliqué.

Cela veut dire que je fais pas mal d’aller-retour entre le Canada et Hong Kong. Mais bon, comme disent les Anglais : « happy wife, happy life ».

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Clin d’œil d’André Daguin

Figure emblématique du Grand Sud-Ouest, André Daguin a voulu faire un clin d’œil pour saluer l’arrivée de Louis-Vincent Gave en soutien du Biarritz Olympique Pays Basque.

« Le BO a la chance d’avoir su convaincre Louis-Vincent de s’intéresser au club. Je connais très bien et depuis longtemps, la famille Gave. Au-delà de leur très brillante réussite professionnelle, je les apprécie particulièrement sur le plan humain. Louis-Vincent est un mec sympa, et il est important d’être sympa dans le rugby. Il aime le rugby, il le connaît, il le sent et il ne le dénature pas, jamais. Il est clair que le BO peut faire totalement confiance à quelqu’un comme lui. Il fera du bien, comme sait le faire quelqu’un de grande qualité. Si un jour, il avait l’idée de s’intéresser à Auch, ce serait un vrai bonheur pour nous. Je lui souhaite le meilleur avec Biarritz et je suis sûr que tous ceux qui aiment le BO seront derrière lui ».

Propos recueillis par François Loustalan

Photos BOPB - Bernard

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