Depuis quatre ans, L’Hermione navigue en eaux troubles. La réplique de la célèbre frégate de La Fayette, achevée en 2014 après près de vingt ans de reconstruction, est immobilisée au port de Bayonne, à Anglet, depuis septembre 2021. Diagnostiquée en mauvais état, sa coque a nécessité une réparation d’envergure, un chantier titanesque estimé à 10 millions d’euros. La moitié a déjà été financée, mais l’autre moitié reste à assurer : un défi aussi monumental que le navire lui-même.
L’association Hermione - La Fayette, qui porte le projet depuis ses débuts, a poursuivi coûte que coûte la restauration, épaulée par des bénévoles et les premiers mécènes. Mais la tempête financière est telle qu’elle a dû entrer en procédure de redressement judiciaire, avec une période d’observation décidée le 18 septembre 2025. Une mesure qui, loin d’être un naufrage, permet à l’équipe de reprendre son souffle et d’espérer de nouveaux soutiens.
La frégate n’a toutefois pas perdu ses défenseurs. Pour Marc de Briançon, président de l’association, l’enjeu est vital : « La coque de l’Hermione est réparable et réparée à plus de 50 %, il n’est pas imaginable que le travail réalisé par nos artisans français ne soit pas reconnu et que ce chef d’œuvre de notre patrimoine maritime disparaisse ; j’appelle tous les marins, amoureux du patrimoine maritime et entreprises du secteur de la mer à se mobiliser le plus vite possible. »
Un message d’urgence assumé. Cette année, l’appel aux dons prend la forme d’un visuel “MAYDAY MAYDAY MAYDAY”, une manière d’alerter sans détour sur la situation du navire et d’inviter chacun à embarquer dans l’aventure.
Rappel du parcours d’un géant des mers
L’Hermione, c’est avant tout une histoire de renaissance. Née dans les années 1990 d’un rêve un peu fou, à savoir reconstruire à l’identique le navire qui mena La Fayette aux États-Unis en 1780, elle a été imaginée comme un symbole de l’alliance franco-américaine, mais aussi comme un ambassadeur du savoir-faire maritime hexagonal.
De 1997 à 2014, des charpentiers de marine, artisans, gabiers et passionnés ont œuvré sans relâche à Rochefort pour lui redonner vie. Avec son gréement spectaculaire, ses ponts en chêne et son allure inimitable, L’Hermione a très vite conquis les foules. Jusqu’à sa nouvelle avarie en 2021, qui l’a contrainte à rejoindre Anglet pour un carénage mondialement suivi.
Abandonner le chantier aujourd’hui reviendrait à laisser se dégrader un demi-siècle d’efforts : des années de bénévolat, des milliers d’heures de travail, une somme considérable d’investissement public et privé. « Une cathédrale des mers », selon l’association, qui mérite la même mobilisation qu’un monument historique.
Un cap à tenir pour ne pas laisser filer l'histoire
Un point que rappelle également Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine : « Je salue le travail de l’Association qui s’applique à redonner vie à cette magnifique aventure en conjuguant savoir-faire, formation et innovation. La Région Nouvelle-Aquitaine est fière de soutenir ce projet. J’invite donc tous les acteurs néo-aquitains qui le peuvent à se rapprocher de l’Association, il en va de notre patrimoine régional vivant. »
Depuis la publication du Manifeste pour sauver L’Hermione, la mobilisation s’intensifie. Plus de 4 000 signataires, plus de 500 000 € récoltés en trois mois, une fréquentation estivale en hausse sur le chantier d’Anglet, des marches organisées par les bénévoles dans plusieurs grandes villes françaises et même aux États-Unis : l’élan existe, mais le temps presse.
À Rochefort, Sylvie Marcilly, présidente du Département, rappelle l’attachement historique : « Le Département de la Charente-Maritime a accompagné l’association Hermione – La Fayette depuis l’origine du projet. Nous espérons qu’une issue favorable pourra être trouvée, tant pour les entreprises impliquées dans la réparation du navire, que pour les salariés et bénévoles qui se sont investis dans cette aventure. »
Un appel partagé par Hervé Blanché, maire de Rochefort :
« Nous soutenons la restauration de L’Hermione et nous sommes très attachés à l’implication des centaines de bénévoles ; demain nous resterons aux côtés de l’Association mais nous avons besoin que de nouveaux partenaires nous aident dans cette opération de sauvegarde de notre patrimoine commun. »
Les prochains mois s’annoncent décisifs, et la campagne d’appel aux dons de fin d’année se présente comme une chance de remettre le navire dans le bon courant.
Anglet : les portes s’ouvrent au public
Pour raviver la mobilisation, l’association organise un week-end exceptionnel les 22 et 23 novembre. Le port de Bayonne, où la frégate repose depuis 2021, ouvrira gratuitement ses portes au public pour des visites libres.
Une occasion rare de s’approcher d’un chantier incroyable, où l’on peut mesurer l’ampleur des opérations sur la coque. Voir L’Hermione à nu, comprendre les techniques du XVIIIe siècle revisitées par les savoir-faire d’aujourd’hui, c’est approcher un patrimoine vivant.
Les après-midi seront rythmées par des animations musicales : le guitariste Maxime Diribarne, avec des chansons empreintes d’humour et de tendresse ; le DJ Fred KROM pour faire vibrer le chantier autrement
Une manière festive d’aborder une situation sérieuse : naviguer ensemble vers un même objectif.
En parallèle, Rochefort largue les amarres pour deux jours d’animations gratuites. L’espace exposition de L’Hermione, place Amiral Dupont, vivra au rythme de démonstrations de canons, d’expositions photos et d’animations culturelles.
On pourra notamment assister à la déambulation théâtrale du Marquis de La Fayette, portée par Philippe Couteau, alias Bilout, à un concert de la chorale L’Écume des mers, à une lecture de textes maritimes ou encore à une conférence passionnante : “Réparer L’Hermione au 18e et au 21e siècle”, suivie de la projection du documentaire L’Aventure Hermione.
Pour l’association, cette double escale Rochefort/Anglet est essentielle. C’est un moyen d’expliquer, de sensibiliser, mais surtout de fédérer : chaque visite compte, chaque billet de soutien aussi.
COUP DE POUCE
Aujourd’hui, l’Hermione est un navire réparé à plus de 50 %, mais toujours en attente des moyens de repartir vers le large. Le tribunal a laissé du temps. La mobilisation doit désormais remplir les voiles.
L’enjeu n’est pas seulement maritime : il est culturel, historique, humain. L’Hermione, c’est un symbole, un pont entre les époques et entre les peuples. Un chantier-école, un espace de transmission, un lieu de mémoire et d’innovation.
L'association Hermione - Lafayette mérite vraiment un coup de pouce de notre part. Comment ? Il suffit parfois d’un simple geste, le petit coup de pouce pour remettre un navire dans le sens du courant. L’Hermione a déjà traversé des tempêtes plus rudes, mais elle a aujourd’hui besoin d’un nouvel élan collectif pour éviter de rester à quai. Un don, une visite, un partage sur les réseaux sociaux… chaque action, même minuscule, contribue à remplir ses voiles et à soutenir ceux qui la restaurent jour après jour. Si vous souhaitez que la « cathédrale des mers » continue de transmettre, d’émerveiller et de naviguer entre les générations, c’est maintenant qu’il faut embarquer.
Sébastien Soumagnas






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