À Losse, un village niché dans la Communauté de communes des Landes d’Armagnac, une initiative unique prend forme sur les terres de David Laborde, agriculteur passionné et engagé. Depuis près de vingt ans, il cultive ses champs au rythme des saisons, mais ces derniers mois, son quotidien a pris un tournant novateur : il s'est lancé dans l'agrivoltaïsme. Ce concept, qui combine culture agricole et production solaire, pourrait devenir un modèle clé pour l'agriculture du futur, en apportant des réponses aux défis environnementaux et économiques actuels.
L’idée de l’agrivoltaïsme germait depuis quelque temps dans l'esprit de David, préoccupé par les conséquences du réchauffement climatique et la raréfaction des ressources agricoles. Il a ainsi décidé de consacrer deux hectares, initialement dédiés à la culture du maïs, à cette expérimentation pionnière. Conduit par l'opérateur en énergies vertes Valorem, le projet Dem&Ter a officiellement démarré au début de l’année 2024. En septembre, l’installation de 450 panneaux solaires marquait une étape clé : ce parc photovoltaïque, d’une puissance de 248,6 kWc, est conçu pour produire jusqu’à 310 MWh d’électricité par an. Cette production sera vendue pendant vingt ans au Groupement Les Mousquetaires, assurant une source de revenus durable et stable pour soutenir l’initiative.
Nouvelle dynamique pour l’agriculture landaise
Le projet Dem&Ter n'est pas seulement axé sur la production énergétique. Il abrite également un volet agronomique ambitieux, visant à expérimenter la culture de plantes locales sous les panneaux solaires. Trois variétés ont été retenues pour leur adaptabilité aux changements climatiques et leurs débouchés régionaux : la luzerne, les framboises et les asperges. Pour ce volet de recherche, Valorem s'est associé avec l’Inrae et Invenio, deux instituts agronomiques renommés, pour mesurer l'impact de l’ombre projetée par les panneaux sur le rendement des cultures. L’Inrae se concentre sur l’analyse des performances de la luzerne, tandis qu’Invenio surveille le comportement des framboises et asperges sous cette couverture solaire.
Chaque plante a été choisie pour ses qualités spécifiques et son potentiel à s’intégrer dans ce système innovant. La luzerne, par exemple, est une culture fourragère largement consommée dans la région, mais elle est souvent importée, notamment d’Espagne. Produire localement cette plante, déjà bien adaptée aux sols landais, pourrait constituer une alternative plus durable. La framboise, quant à elle, se relocalise peu à peu dans le Sud-Ouest, une tendance que Dem&Ter entend soutenir. Enfin, l’asperge, emblématique de la région, bénéficie d’un microclimat propice, qui pourrait être amélioré par la présence des panneaux.
Les panneaux solaires permettent en effet une modulation de l’ensoleillement, essentielle pour protéger les cultures contre les coups de chaleur estivaux et le gel hivernal. En parallèle des cultures sous panneaux, une zone témoin, sans couverture solaire, a été mise en place pour établir des comparaisons rigoureuses. Cette zone permet d’évaluer, de façon scientifique, les bénéfices concrets de cette nouvelle configuration.
Un modèle de cohabitation et d’adaptation
Dem&Ter a également été pensé pour offrir aux agriculteurs un environnement de travail optimisé. Avec un espacement de 10 mètres entre chaque rangée de panneaux et une hauteur de 2,20 mètres, l'agriculteur peut se déplacer avec son tracteur entre les cultures et les panneaux sans difficulté. David Laborde témoigne que l’adaptation à cet aménagement particulier a nécessité un apprentissage progressif, mais que la disposition des panneaux et les technologies de contrôle à distance mises en place par Valorem facilitent grandement son travail au quotidien. Des applications permettent, par exemple, d’ajuster l’inclinaison des panneaux pour moduler l’ombre portée, une flexibilité qui améliore le confort de travail et la productivité des cultures.
La dimension communautaire du projet n’a pas été négligée. Les Landais eux-mêmes ont pu participer à cette aventure via trois campagnes de financement participatif, ayant recueilli au total près de 500 000 euros. Cette mobilisation a attiré 559 prêteurs, prouvant l’intérêt des habitants pour ce modèle durable. Par son approche participative et son ambition, Dem&Ter incarne une nouvelle dynamique pour l’agriculture locale et démontre la capacité d’un territoire à innover en s’appuyant sur les ressources et la solidarité de ses habitants.
Les données recueillies au cours de cette phase d’expérimentation, prévue pour durer trois ans, alimenteront le pôle national de recherche sur l’agrivoltaïsme de l’Inrae. Avec le soutien des collectivités et de ses partenaires, Valorem entend démontrer la viabilité de ce modèle à l’échelle nationale et internationale. Dem&Ter s’inscrit ainsi dans une démarche à long terme, visant à promouvoir un agrivoltaïsme scientifique, où chaque décision est documentée et chaque choix optimisé. En intégrant les résultats de cette expérimentation, les experts espèrent affiner les conditions de microclimat idéales pour les cultures, tout en validant un environnement de travail adaptable pour les agriculteurs.
À plus grande échelle, Dem&Ter pourrait inspirer d’autres territoires agricoles à adopter cette approche hybride, conciliant productivité agricole et énergie renouvelable. Ce projet est un exemple concret d'innovation durable, où l'agriculture se conjugue avec la technologie pour mieux résister aux contraintes environnementales de demain. La transition énergétique et agricole s’opère dans les Landes, sous le regard curieux des élus et des acteurs du secteur, qui espèrent voir fleurir d’autres projets de ce type dans les années à venir. En alliant agriculture et énergies renouvelables, Dem&Ter symbolise une réponse locale aux enjeux globaux du XXIe siècle.
Sébastien Soumagnas
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