Et si les citoyens devenaient acteurs de leur propre transition énergétique ? Ce pari, encore minoritaire en France, est pourtant une réalité en Allemagne, où près de la moitié des capacités renouvelables sont détenues par des particuliers et des agriculteurs. Inspiré par ces modèles européens, un collectif citoyen a vu le jour en 2021 dans le Pays Adour Landes Océanes. Son nom ? ALOé, pour Adour Landes Océanes Énergie. Son ambition ? Développer des centrales photovoltaïques locales, financées par et pour les habitants.
Derrière cette initiative, une conviction : chaque geste compte, et la transition énergétique doit être l’affaire de tous. Comme le précise François Le Frêche, président de la coopérative, chacun peut consacrer un peu de temps et d'épargne pour le développement des énergies renouvelables. Depuis sa création, ALOé a déjà fédéré plus d’une centaine d’actionnaires et levé 94 000 € de capital, prouvant que l’envie de changer le modèle énergétique est bien réelle.
L’électricité par les citoyens et pour les citoyens
ALOé fonctionne comme une société coopérative, où chaque actionnaire détient une voix, quel que soit le montant de son investissement. L’épargne citoyenne permet de financer l’installation de centrales photovoltaïques sur des bâtiments publics. L’électricité produite est ensuite revendue à EDF ou à Enercoop, garantissant un revenu stable pour développer de nouveaux projets.
Outre les citoyens, le collectif compte sur le soutien d’acteurs institutionnels comme Énergie Partagée Investissement et les collectivités locales. La Communauté de communes Maremne Adour Côte-Sud (MACS) s’est engagée jusqu’en 2027 à financer 10 % de chaque projet, tandis que l’ADEME et la Région apportent des subventions. Ce montage financier solide permet à ALOé de multiplier ses installations sans dépendre des grands investisseurs privés.
Dans les Landes, le potentiel solaire est énorme. Mais plutôt que d’artificialiser des terres agricoles ou de rogner sur la forêt, ALOé a fait un choix clair : ses panneaux photovoltaïques seront installés uniquement sur des espaces déjà construits. Écoles, centres de loisirs, parkings… ces surfaces inutilisées deviennent des mini-centrales électriques, sans altérer le paysage.
Les premiers projets ont vu le jour dès 2022 avec l’école de Josse, suivie en 2023 par le centre de loisirs de Seignosse. D’autres réalisations ont suivi, notamment à Saint-Geours-de-Maremne. L’enthousiasme grandissant pour cette approche a inversé la dynamique : alors qu’au début, ALOé devait démarcher les communes, ce sont désormais elles qui sollicitent le collectif pour installer des centrales solaires.
Production locale pour résilience énergétique
ALOé ne se contente pas d’installer des panneaux solaires : elle cherche à favoriser une consommation énergétique plus locale et plus résiliente. L’électricité produite est injectée en circuit court, permettant de sécuriser l’approvisionnement des territoires en cas de crise énergétique.
Ce modèle séduit notamment les petites communes, souvent boudées par les grands investisseurs. ALOé leur propose un service clé en main : du montage financier à l’exploitation des installations, en passant par les études techniques et administratives. Une prise en charge complète qui garantit la viabilité des projets à long terme.
Au-delà de la production d’énergie, ALOé mise sur la sensibilisation des citoyens. En installant ses centrales solaires sur des écoles et des médiathèques, le collectif veut faire de chaque projet un outil pédagogique.
Des ateliers sont régulièrement organisés avec le FabLab L’Établi de Soustons pour éveiller les enfants aux enjeux de la transition énergétique. Des animations autour de la Fresque du Climat sont également en préparation pour impliquer les adultes dans cette dynamique. L’objectif ? Transformer la production d’énergie en une aventure collective et éducative.
Vers l'autoconsommation collective
ALOé ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. À partir de 2025, le collectif ambitionne de développer des projets d’autoconsommation collective. Cette approche consiste à relier directement les producteurs et les consommateurs d’électricité renouvelable à l’échelle locale, réduisant ainsi la dépendance aux grands réseaux nationaux.
Un premier projet verra le jour à Angresse, où la commune a mis à disposition les toitures des écoles maternelle et primaire pour l’installation de 900 m² de panneaux photovoltaïques. Cette centrale devrait couvrir les besoins énergétiques d’environ 83 habitants. Une réunion publique sera organisée au printemps 2025 pour informer la population sur les bénéfices de cette nouvelle dynamique énergétique.
ALOé prouve qu’il est possible de concilier écologie, économie et solidarité. En misant sur l’épargne locale, l’intelligence collective et un modèle démocratique, le collectif réinvente la production d’énergie dans le Pays Adour Landes Océanes.
Loin des grands discours, cette initiative citoyenne montre que chacun peut être acteur du changement. À l’heure où la transition énergétique devient un enjeu crucial, ALOé trace une voie lumineuse : celle d’une énergie propre, locale et partagée. Et si, à l’avenir, chaque toit devenait une source d’électricité ?
Sébastien Soumagnas
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