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Armagnac : les origines d'un patrimoine particulièrement riche

Comme tous les ans, cet or ambré sera célébré tout au long du mois de novembre, avec notamment la mise en route des alambics, et le parcours de la Flamme de l'Armagnac. C'est aussi l'occasion pour nous de se (re)plonger dans sa riche et longue histoire...
Une personne verse de l'Armagnac dans un verre.Photo : BNIA - Delord.
Étendue sur une zone qui se situe entre le Gers, les Landes, et le Lot-et-Garonne, cette eau-de-vie jouit d'une AOC, et d'une AOP. Elle a également rejoint, en 2020, l’inventaire du patrimoine culturel immatériel français.

Tous les ans, au mois de novembre, l'armagnac est au centre de l'attention. C'est la fin de la récolte, les alambics s'apprêtent à frémir, et une nouvelle cuvée de cette eau-de-vie si caractéristique de notre territoire s'apprête à naître. Un engouement rituel auquel on a tous assisté, de près ou de loin, personnellement ou par l'intermédiaire de proches, d'amis. Que ce soit au travers de repas, autour d'un alambic, lors de fêtes organisées au cœur de nos villages, ou lors de la visite de domaines qui ouvrent leurs portes pour dévoiler une partie de leurs secrets. Mais sait-on véritablement d'où vient cette dimension culturelle autour de ce breuvage ?

Pour la comprendre, il faut se replonger dans l'histoire. Direction l'époque romaine, période historique à laquelle on retrouve déjà des traces de vignes sur le territoire. Cependant, il n'est pas encore question d'armagnac, sinon simplement de vin. Il faudra attendre la conquête musulmane de la péninsule ibérique pour que l'on aperçoive les premiers alambics. Ces derniers servaient principalement à fabriquer des remèdes médicaux. Par exemple, sur le territoire de l'armagnac (qui est alors surtout entre Eauze et Saint-Mont), Vital de Four, un cardinal originaire de Bazas, rapporte dans un traité de médecine que l'eau-de-vie locale permettait de rendre son état normal à un membre paralysé, de supprimer les maux de tête, et de délier les langues.

Bien que ce traité fasse office, selon le Bureau national interprofessionnel de l'Armagnac (BNIA), d'acte fondateur de l'eau-de-vie en Armagnac, il faut attendre le XVIIe siècle pour que l'armagnac soit consommé en tant que tel. En effet, jusqu'alors, il est plutôt considéré comme un remède médicinal, notamment à cause du peu de goût qu'il présentait. Ce sont les hollandais, qui, s'installant dans le Sud-Ouest, développent les vignes et transforment ce qui se produisait déjà sur le territoire. De nouvelles techniques et de nouveaux outils permettent ainsi de créer un breuvage nettement plus goûteux.

Mais il faut encore attendre pour que l'on arrive à l'armagnac que l'on connaît plus ou moins aujourd’hui. Pour être plus précis, il faut attendre le XIXe siècle, et un enchaînement d'évolutions techniques. La première, impulsée par Antoine de Mélet, marquis de Bonas, permet d'élaborer une boisson encore plus agréable en bouche, et en plus grande quantité. En suivant, c'est Jacques Tuillère, un poêlier à Auch, qui met au point l'alambic à colonne. Une évolution elle-même évoluée, grâce à Alphée Verdier, producteur à Monguilhem, qui utilise un système qui porte aujourd’hui son nom, et qui est encore celui utilisé par les producteurs d'armagnac. C'est d'ailleurs également au XIXé siècle que l'on prend l'habitude de stocker l'armagnac dans des fûts en bois de chêne.

Photo : Domaine de Saint-Aubin.

L'armagnac était né et s'approchait de sa forme la plus évoluée, et la plus qualitative. Cependant, l'armagnac n'était pas encore à son apogée, puisque malgré une bonne réputation, il était tout de même considéré inférieur au cognac. Ce fut le cas jusqu'en 1879, date à laquelle le phylloxéra frappe les cultures de cognac, ce qui permet à l'armagnac de se développer grandement. Le Gers devient alors l'un des premiers départements viticoles français, avec plus de 100 000 hectares de vignes sur son territoire. Mais la maladie frappe à son tour l'armagnac, et oblige le remplacement des vignes, ce qui freine l'évolution de la boisson et de son économie.

La filière profite alors de sa relance pour se structurer. En 1909, on délimite une zone de production de l'armagnac, qui sera ensuite légèrement retouchée au début des années 2000. En 1936, l'armagnac est reconnu et obtient ses appellations contrôlées. Le BNIA est quant à lui crée en 1941, à Eauze, et en 1981 Condom accueille le Musée de l'Armagnac. Aujourd’hui, Labastide-d'Armagnac abrite un autre lieu culturel, puisqu'un écomusée y est implanté.

Aujourd'hui, l'armagnac n'est plus à son apogée d'antan, du moins en matière de production. La faute à l'Histoire, passée par là, notamment l'Occupation allemande qui aura causé une pénurie, mais aussi la faute à un changement des consommations, les producteurs enregistrant une baisse de la demande et préférant diversifier leurs vignes pour produire du vin. Cependant, la boisson reste renommée mondialement, et la marque laissée par son âge d'or reste très visible. Outre les sites évoqués ci-dessus, une confrérie existe depuis 1951 et rassemble près de 3 000 « mousquetaires » dans la Compagnie des Mousquetaires d'Armagnac.

De nombreuses fêtes sont également organisées entre le Gers, les Landes, et le Lot-et-Garonne, même si ce premier département est le plus actif. Le weekend dernier voyait par exemple une nouvelle édition d'Armagnac en Fête, à Labastide-d'Armagnac, rendez-vous qui fait office de coup d'envoi pour la mise en route des alambics, et qui lance également la Flamme de l'Armagnac, des flambeaux qui se promènent de domaine en domaine durant tout le mois de Novembre. Ça tombe bien, ça vient de commencer, et maintenant, vous avez même des anecdotes à raconter autour d'un bon verre d'armagnac, avec vos amis, et avec modération...

Timothé Linard

Plus d'informations sur le site de la Compagnie des Mousquetaires d'Armagnac

Mais... Ça vient d'où « armagnac » ?

L'eau-de-vie porte le nom de son territoire, lui-même intitulé après l'ancienne province nommée « Armagnac ». Pour retrouver un sens à ce mot, il faut faire un bond dans le temps, et revenir à l'époque des Francs. Herreman, un soldat, est alors nommé seigneur d'un fief gascon. Lors de l'arrivée des Romains, son nom est latinisé pour devenir Arminius. Le temps faisant son travail, et la langue gasconne passant par là, le mot devint "Armanhac", ou Armagnac.

Commentaires (1)


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Bernard Cazenave
il y a environ 1 an -
Adishatz et merci pour ce passionnant article.Pouvez- vous s'il vous plaît éviter le mot de "patois" pour désigner l'occitan ? J'en profite pour signaler qu'en orthographe occitane, Armagnac" s"écrit "Armanhac".

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