Les Landes ne sont pas qu’une terre de pins et de gastronomie. À Saint-Martin-de-Seignanx, une petite révolution industrielle est en marche. Portée par Needle Concept, elle pourrait bien redonner à la France une part de souveraineté dans la production d’aiguilles médicales. Si ce territoire n’est pas historiquement une terre d’industrie lourde, il abrite pourtant des entreprises audacieuses qui osent innover. Needle Concept en est un parfait exemple.
Grégory Djiane, cofondateur de l’entreprise en 2008, ne s’est pas contenté de suivre les tendances du secteur médical. Il a voulu aller plus loin : maîtriser l’ensemble de la chaîne de production, de la conception à la fabrication, pour réduire la dépendance aux importations. L’idée a germé à Biarritz, avant de prendre racine dans les Landes. Aujourd’hui, avec une usine dernier cri et des perspectives prometteuses, Needle Concept prouve que la réindustrialisation n’est pas qu’un concept théorique.
Période Covid, l’innovation devient virale
L’histoire de Needle Concept commence dans un domaine où la précision est reine : la médecine esthétique. L’entreprise s’est d’abord spécialisée dans la fabrication de canules et d’aiguilles destinées aux injections de produits de comblement. Mais très vite, l’opportunité d’élargir son champ d’action s’est imposée. En 2013, elle rachète Biophymed et acquiert un précieux savoir-faire autour du pistolet injecteur U225, un appareil électromédical de référence.
Ce tournant marque l’entrée de Needle Concept dans l’univers médical au sens large. L’entreprise ne se contente plus de fournir des dispositifs aux dermatologues et chirurgiens esthétiques, elle ambitionne de proposer des solutions pour le secteur hospitalier. En 2020, cette vision prend une ampleur inattendue : la crise du Covid accélère les besoins en dispositifs médicaux. Needle Concept se retrouve en première ligne.
Mars 2020. Alors que la pandémie bouleverse le monde, Needle Concept reçoit une demande cruciale : Santé publique France lui confie la production de huit millions d’aiguilles pour la vaccination. L’entreprise n’a d’autre choix que de s’adapter à une montée en puissance immédiate. Si ce défi aurait pu piquer au vif n’importe quel industriel, Needle Concept y voit une confirmation : sa capacité à produire en France et à répondre à des besoins d’urgence est bel et bien une réalité.
Forte de cette expérience, l’entreprise décroche le label « Première usine » dans le cadre du programme France 2030. Cette reconnaissance institutionnelle lui permet d’accélérer un projet déjà dans les cartons : l’implantation d’une unité de production sur le sol français, avec une capacité de fabrication capable de rivaliser avec les standards asiatiques.
Relocaliser pour mieux se différencier
À Saint-Martin-de-Seignanx, Needle Concept ne s’est pas contentée d’empiler des machines et des lignes de production. L’usine a été pensée pour conjuguer productivité et confort de travail. Sur deux étages, elle accueille des bureaux baignés de lumière naturelle, un patio dédié aux pauses et des espaces conçus pour la formation continue des collaborateurs.
L’objectif est clair : attirer et fidéliser les talents en proposant un environnement de travail stimulant. Car au-delà des machines, c’est bien l’humain qui fait la différence. Une soixantaine de postes sont ouverts dès la mise en route, et l’entreprise mise sur la formation pour monter en compétence et assurer une production de haute précision.
Fabriquer en France a un coût, mais Needle Concept a trouvé la parade : optimiser chaque étape de la production pour rester compétitive. En repensant la conception des aiguilles et en limitant les différenciations tardives dans la chaîne de fabrication, l’entreprise parvient à proposer des prix alignés sur ceux de ses concurrents asiatiques.
La relocalisation, c’est aussi un engagement sur la qualité. L’entreprise ne veut pas seulement produire en France, elle veut produire mieux. Chaque aiguille est conçue avec des matériaux rigoureusement sélectionnés et des procédés de fabrication garantissant une précision extrême. Ce savoir-faire, Needle Concept entend bien le défendre à l’échelle européenne.
De fil en aiguille...
Avant de conquérir le marché, encore faut-il décrocher les précieuses certifications. La norme ISO et les agréments nécessaires pour vendre des dispositifs médicaux ne sont pas qu’une formalité. Ils conditionnent la mise sur le marché et la reconnaissance de la qualité des produits. Needle Concept le sait : l’avenir de son usine repose en partie sur ces sésames administratifs.
Si tout se passe comme prévu, la montée en puissance devrait s’amorcer d’ici 2028. Un pari ambitieux, mais cohérent au vu de la trajectoire de l’entreprise.
Avec une capacité de production projetée de 500 millions d’aiguilles par an – soit 3 % du marché européen – Needle Concept voit grand. Mais l’entreprise ne compte pas s’arrêter là. La flexibilité de son outil industriel lui permet d’envisager d’autres développements, notamment en partenariat avec des acteurs du secteur pharmaceutique.
Un projet d’envergure est déjà sur les rails : une collaboration avec Unither Pharmaceuticals pour développer des dispositifs d’injection unidose optimisés. Cette alliance franco-française illustre la volonté de Needle Concept de s’inscrire dans une dynamique industrielle nationale, tout en apportant des solutions innovantes aux professionnels de santé.
D’ici quelques années, il y a fort à parier que les aiguilles signées Needle Concept piqueront bien au-delà des Landes.
Sébastien Soumagnas
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