En fait, la citoyenne du bourg de Ségézy (Sud Aveyron) n’apprécie pas du tout la connotation trop souvent accrochée aux basques des « artistes ». Une marginale ? une originale ? « Je déteste ces qualificatifs. Je suis libre, oui. J’ai vécu des expériences très variées et improbables. Mais, je suis fondamentalement classique et les pieds sur terre. La peinture fait totalement partie de moi, même si j’ai d’autres activités qui me permettent de ne pas m’enfermer dans cette seule forme d’art ». Styliste en vêtements puis décoratrice d’intérieur, Sophie de Vergnette a aujourd’hui choisi le couteau pour s’exprimer avec passion à travers ses toiles.
Pas étonnant que le bleu, le ciel et la mer l’inspirent particulièrement, avec une enfance marquée par des séjours inoubliables chez son grand-père, Paul Bastié, au Modern Hôtel de Saint-Jean-de-Luz (désormais rebaptisé Grand Hôtel). Ce joyau de la Belle Époque, dominant le Nord de la baie, a été reconstruit en 1904 par son grand-oncle sur les cendres de l’Hôtel de la Plage, avec une centaine de chambres. « J’ai gardé des souvenirs extraordinaires de cette période. Mes grands-parents avaient leur appartement au rez-de-chaussée. Nous étions au cœur de la vie de cet hôtel magnifique et de son restaurant avec 30 personnes en salle et 30 en cuisine ». Sophie a vécu 8 ans à Pau, en partie au Gassion, avant de rejoindre le berceau familial de Toulouse.
À bâtons rompus…
D’où vient le virus de la peinture ?
Sophie de Vergnette – De naissance ou presque. La famille a compté plusieurs peintres et artistes. Ma mère peignait aussi beaucoup, pour le plaisir, et m’a poussé plutôt vers la sculpture. Avec sa forte personnalité, peut-être ne voulait-elle pas, inconsciemment, que j’empiète sur son territoire [rires]. En fait, j’ai toujours peint. Au début, j’étais dans le figuratif, c’était timide, un peu timoré, classique.
Et depuis ?
S. V. – Je n’ai jamais cessé, mais je ne m’y suis mise plus sérieusement depuis 4 ans. Je suis passée de la peinture acrylique, qui ne me convenait pas, à l’huile. Ma stimulation est venue d’amis qui aiment l’art, des personnes compétentes avec une belle sensibilité artistique. Puis, j’ai commencé à vendre quelques tableaux. Via Instagram, j’ai été approchée par des galeries, notamment : deux à Madrid, une en Crête, et une à Paris dans le Village Suisse (ils voulaient m’exposer à Tokyo). Pour le moment, je n’ai travaillé qu’avec celle de Madrid. Mais, ces premiers contacts m’ont motivée pour aller plus loin. Actuellement, j’expose à la Thomson Galerie en Suisse (photo ci-contre). Je fais aussi des ventes privées à Londres, Paris, Toulouse et Saint-Jean-de-Luz.
Et le couteau, alors…
S. V. – Quand tu peins, tu donnes ta force intérieure. Le couteau s’est imposé à moi. Rien à voir avec le pinceau, mais il permet de faire mille choses. Si je suis malade ou fatiguée, je n’arrive pas à peindre. Je l’ai mesuré à plusieurs reprises avec mes couteaux. Peindre, c’est exprimer sa force et sa personnalité.
Une œuvre doit parler ?
S. V. – Absolument. Pour qu’une personne aime ta peinture, il faut d’abord que ça lui parle, comme un roman. Chacun peut y trouver des choses différentes, parfois inattendues. Ainsi, à Londres quelqu’un m’a acheté une peinture plutôt abstraite parce qu’elle lui rappelait une rivière dans laquelle il se baignait dans sa jeunesse. Souvent, il y a un petit déclic par rapport à un vécu : ça c’est très intéressant.
Vous aimez beaucoup le bleu…
S. V. - J’adore peindre le bleu et découvrir de nouvelles nuances. Plus globalement, j’aime cette couleur. J’ai rénové une bâtisse du 17e siècle à Ségézy, que j’ai baptisée « La Maison Bleue ». Ceci dit, j’essaye de sortir de ma zone de confort. Par exemple, j’ai constaté que certaines de mes toiles avec des couleurs plus vives se vendaient bien. Cela ne me pose aucun problème de chercher aussi des créneaux qui plaisent. Cela permet d’évoluer dans d’autres directions, de se remettre en cause.
L’inspiration ?
S. V. - C’est très compliqué d’avoir l’inspiration. C’est pour ça qu’il faut savoir s’isoler pour pouvoir se concentrer pleinement. Comme pour un écrivain, ce que tu peins est une construction mentale. Personnellement, j’ai besoin d’une direction. Je puise des idées un peu partout, en observant, à partir de photos que j’ai prises, de publications… J’ajouterais que pour peindre, il faut être libre, il faut se lâcher : très important, mais difficile. Pour sortir quelque chose de bien, il faut vraiment le sentir.
Comment travaillez-vous ensuite ?
S. V. - Je me bagarre. Avec parfois des états d’âmes contradictoires. Quand je ne suis pas sûre de la direction prise, j’envoie mon travail à 2 ou 3 personnes en qui j’ai confiance, ils me disent franchement leur ressenti. J’ai besoin de ces avis qui me stimulent. Et quelque part, l’attention qu’ils portent à mes sollicitations est une forme de reconnaissance, précieuse. Techniquement, j’utilise souvent une application sur mon portable, qui me permet de travailler à partir d’une photo de la peinture en cours : je redessine dessus, je change les couleurs, j’ajoute des lignes…
Pourquoi le qualificatif d’artiste ne vous plaît pas ?
S. V. – Tous simplement parce qu’un artiste est souvent vu, même inconsciemment, comme un marginal. Du coup, pour moi, c’est loin d’être un compliment. Plus globalement, je me sens surtout l’âme d’une créatrice, j’ai toujours fait de la création, d’une manière ou d’une autre. Par exemple comme styliste en vêtements, comme décoratrice d’intérieur ou dans la restauration de maisons. Devant une vieille ferme, je vois immédiatement ce que l’on peut en faire, comment la transformer, les couleurs à choisir… Quand je réalisais des vêtements, c’était pareil. A partir d’un tissu, je vois immédiatement la forme à donner au vêtement et à qui ça va aller ou pas. Au début, je ne m’en rendais pas compte. Je pense que ce sont des qualités innées.
Vous vous évadez avec d’autres activités ?
S. V. – Heureusement. Il est très important pour moi de faire autre chose, ne serait-ce que pour prendre de la distance. Ainsi, m’occuper de mes gîtes et chambres d’hôtes m’oblige à sortir de la seule peinture.
Des ambitions… d’artiste ?
S. V. – Des ambitions de… peintre, mais pas seulement. La peinture me rend la vie merveilleuse. J’ai un objectif tout le temps. Bien entendu, j’espère franchir un cap, faire reconnaître mes créations, et réussir à aller le plus loin possible. Mais, je prends les choses comme elles viennent. L’inspiration est un pur bonheur. Et plus j’évolue, plus ce bonheur est fort.
Pour suivre Sophie de Vergnette et découvrir ses peintures, c’est sur Instagram
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