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    Publié le Mis à jour le

    Je dis ça je dis rien...

    La faute de l'écrivain

    Vous vous souvenez des 60 journalistes qui bossent au service "Je dis ça, je dis rien" de PresseLib ? Eh bien, figurez-vous que je me demande s'ils ne m'ont pas entourloupée !

    Je vous laisse seuls juges, mais un je-ne-sais-quoi me dit qu'ils ont été payés cette semaine à rien glander et à aller enfiler les bibines au bistrot du coin (si vous les avez croisés, n'hésitez pas à les dénoncer ici, je me charge du châtiment exemplaire) au lieu de bosser.

    Ce qui me titille le neurone de la suspicion ? Juste le fait qu'ils m'aient dit qu'ils se mobilisaient toutes et tous (pas de sexisme à la rédac') sur les plus éminentes fautes de nos non moins éminents écrivains français, ce qui au départ, convenons-en, nécessitait bien l'investissement de l'équipe au grand complet, pensais-je.

    Mais voilà-t-y-pas…

    les plus jolies fautes_G.inddMais voilà-t-y-pas qu'ils me rendent le boulot, et qu'en feuilletant le bouquin de Anne Boquel et Etienne Kern paru aux Editions First, "Les plus jolies fautes de français de nos grands écrivains", je constate que tout y était déjà compilé.

    Feignants mes scribouillous mal payés ? Oh comment vous y allez, je ne vous permets pas ! Non, je préfère croire qu'ils auront prêté leur travail d'investigation à Anne et Etienne, les fourbes en ayant profité. Hum... Bon en attendant, c'est fait, c'est fait, donc on ne va pas gâcher (citation empruntée à Guy Roux, dans les Guignols de l'Info en 199... enfin y a longtemps).

    C'est parti, accrochez-vous, votre admiration pourrait en prendre un coup. Quoique... On aurait dû avoir la puce à l'oreille quand, le 10 décembre 1913, le critique littéraire Paul Souday s'en prit à Marcel Proust pour les trop nombreuses fautes de conjugaison parsemant son ouvrage à peine connu "Du côté de chez Swann". Il écrivit alors : "Visiblement, les jeunes ne savent plus du tout le français. La langue se décompose, se mue en un patois informe et glisse à la barbarie."

    Ayons une pensée émue pour tous les admirateurs du grand Marcel qui viennent de se prendre un petit coup au moral, eux persuadés de défendre la fine fleur littéraire. Tu me diras, déjà qu'il était supra chiant à lire, Marcel, si en plus il était nullasse en conjugaison, alors il reste quoi ? J'y vais fort ? Hey, je dois connaître dans mon entourage le plus érudit, à peu près deux personnes qui sont arrivées au bout de "À la recherche du temps perdu..." (pourtant le titre nous mettait sur la voie de sa grande mission originelle, retrouver le temps qu'on allait perdre à lire le bouquin...). Toutes les autres de mes connaissances remplacent le Lexomil par Proust, en cas de panne de médocs', c'est quand même un super somnifère, non ? NON ?

    Bon mais, gardons des cartouches pour les suivants, parce que par exemple, dans le bouquin officiel de Anne et Etienne, professeurs de lettres tous deux, (officiel, parce que officieusement, mes journaleux ont bossé comme des fous, suivez un peu !), celui qui prend cher, c'est Balzac, désigné "cancre officiel" dont les plus critiques jureront qu'il méritait un livre à lui seul, ohhhh !

    De fait, filons relever quelques bourdes, ça soulagera tous les cancres actuels de l'écriture et Dieu sait s'il y en a... Oh my God, j'ai écrit ça ? J'ai vraiment écrit la dernière phrase ? Allo, la censure, ouais, vous pourriez zigouiller ma phrase sur les cancres actuels de l'écriture siouplait, je redoute les problèmes.... Euh non, non, j'ai pas cité de noms, mais j'ai pensé si fort, vous ne croyez pas que... ??? Gaffe hein, le pressleaber est perspicace, j'ai le gratin du lectorat, savez... Non, sûr et certain ? Bon, si vous le dites, alors on laisse... Donc, où en étions-nous ? Ah oui, au coeur de meule de notre démonstration du jour, c'est parti...

    Voltaire, Correspondance :

    "Mon cher philosofe..., je m'imagine que le termomètre de votre apartement est comme le mien, tout près de l'eau bouillante."

    Persso, je vois pas où est le probblème, mais bon, je vais rellire au cas où...

    Balzac, Un début dans la vie,

    "Dans dix ans, j'aurai la plus belle clientelle de Paris"

    Ainsi c'était vrrai ! Tu es un cancrre, Honorré !

    Lamartine, Jocelyn

    "Un jeune montagnard, près d'une jeune fille, sur la même racine étaient assis tous deux"

    Alors, dans l'écriture en dix leçons pour les nuls, on t'expliquera, mon Alphonse, que tu choisis un sujet et tu le lâches plus jusqu'à la fin de ta phrase, ok ? Je sais c'est dur, mais faut t'y faire. Parce que sinon, tes phrases, ça devient du grand n'importe quoi... Ouais, c'est pas faux, maintenant, tu t'en fous un peu...

    Maupassant, Un réveillon

    "Nous allions nous mettre à table devant le grand feu de la haute cheminée où rôtissaient un râble de lièvre flanqué de deux perdrix qui sentaient bon."

    Là, perso, c'est le choc. Mon chouchou entre tous, le grand Guy, qui me fait une "biscoueyte" pareille... Mais bon, c'est plutôt un problème mathématique que littéraire, là. Ou de gourmandise. Donc, Guytou, on reprend : si t'as UN râble de lièvre, quand il rôtit, ça finit pas pareil que s'il y en avait dix, d'accord ? Allez, tu PEUX le faire...

    Balzac, La Vieille fille

    "Le souvenir de ses tripotages dans les gouvernements républicains lui nuisirent..."

    Ainsi, c'est donc vrai que tu es un gros naze ! Tu parles d'un scoop ! Tu peux me refaire, viteuf, la conjugaison du verbe "nuire", steup ? "Je nuisire, tu nuisires, il nuisire, nous nuisirons, vous nuisirez, ils nuisirent..." Ok, vu comme ça, je comprends mieux. Rendors-toi, Honoré, rendors-toi...

    Camus, La Peste

    "Il est distrait au volant de son auto et laisse souvent ses flèches de direction levées, même après qu'il ait effectué son tournant."

    Allez, celle-là, ils la font tous, mon Bébert. Mais désolée de te l'apprendre, c'est la Gagadémie française qui le dit, "après que" est suivi du présent de l'indicatif, obligatoirement. Donc il fallait écrire "après qu'il a effectué son tournant". C'est moche, mais c'est comme ça... Que je ne t'y reprenne plus...

    Camus, La Peste

    "Dans toutes les armées du monde, on pallie généralement au manque de matériel par des hommes."

    Oh non, encore toi ! Et autant je pouvais pardonner la bourde précédente, autant celle-là, elle m'énerve ! C'est donc de ta faute (!!!) si tous les journalistes du monde (et surtout des télés en boucle, pardon d'information continue qu'il faut dire) nous la font à toutes les sauces ! Donc, on réképépétte depuis le bédut : on pallie le... et on remédie à... Tu me le recopieras cent fois, d'accord ?

    Baudelaire, Le Cygne

    "Eau, quand pleuveras-tu ?"

    Charleeeessssssssssss, au pied, avec Honoré, plus vite que ça... Conjugue-moi le verbe pleuvoir au futur... J'attends... "Je pleuverai, tu pleuveras, il pleuvera, nous pleuvererons, vous pleuvererez, ils pleuvereront". Oui, non, vu comme ça, je comprends mieux...

    Duras, Les Petits chevaux de Tarquinia

    "Une fois les poissons ramenés dans la barque, il s'en distraya"

    Eh beh, ma guiguitte, moi qui allais m'emballer sur l'absence de femmes dans cette compilation de bourdes, qu'est-ce qui t'a prend... euh, prisa... euh... prendez... Ouhhhh, je m'y perds avec vos conneries, là !

    Hugo, Dieu

    "Jusqu'à ce qu'il s'en aille en cendre et se dissoude."

    Ah non, pas toi, pas Totor ! Et qui a dit "dissoude" c'est pas cher ? Je suis déçue, moi, déçue, déçue, Victor qui dissoude à fond les ballons... Boh boh boh, tout fout le camp, té.

    Balzac, L'Interdiction

    "Quelle joie de voir une pervenche poindant sous la neige !"

    Et ma main qui poinde vers ta tronche, tu la vois venir avec joie ou pas ? Tu me fatigues, Honoré, quand je pense qu'on nous a traumatisés tout le second cycle d'enseignement littéraire avec des "Balzac par ci, Balzac par là", ben franchement, ça me déglingue. Et le pire, c'est que c'est pas fini, regarde...

    Balzac, Eugénie Grandet

    "La compatissance et la tendresse d'une jeune fille possèdent une influence vraiment magnétique."

    Ma compatissance a des limites, Nonor, je t'aurai prévenu !

    Balzac, Le père Goriot

    "Le père Goriot regarda tristement son ouvrage d'un air triste..."

    Non, non, me fais pas le coup du "pour renforcer l'idée de tristesse, j'ai utilisé la redondance", ça marche pas ! Dis plutôt que, grosse cosse que tu es, t'avais la flegme de te relire, voilà tout...

    Stendhal, Le rouge et le noir

    "C'est ce que je demande, s'écria-t-elle, en se levant debout."

    Chacun sa gymnastique littéraire, mais quand je pense qu'on continue de tester tes capacités littéraires au Bac de français en te collant "Le rouge et le noir", ben franchement, j'ai envie d'entrer en grève de la faim. Euh non, pas grève de la faim, faut pas pousser, les fêtes approchent, les huîtres, la langouste, le foie gras, tout ça. Vais pas non plus me punir pour les conneries de Stendhalou, à finir alitée debout !

    Gide, Robert

    "Nos discussions portaient surtout au sujet de l'éducation de nos enfants."

    Oui, duquel dont on se demandait ce qu'il allait en devenir, n'est-ce pas, Dédé ?

    Balzac, Une ténébreuse affaire

    "Le bruit du galop de son cheval, qui retentit sur le pavé de la pelouse, diminua rapidement."

    Encore toi ? Avoue, t'as toujours pas relu ton manuscrit, pas vrai ? Note, c'est moins pire que "sur la terre du béton", ou "le ciment des plates-bandes", et poétique avec ça. Tatatata, bien sûr que non, que t'as pas fait exprès. À d'autres, hein, ces conneries...

    François Mauriac, Les Anges Noirs

    "De nouveau, elle leva un bras qui ne semblait pas faire partie de son corps : un reptile hésitant dont la main eût été la tête."

    Bah, bah, bah, pas toi, François ! "Eût été la tête" ? Mais non, mais non, mais nonnnnnn ! Tu m'énerves ! À cause de toi, je ne regârderai (!!!) plus jamais Malagar du même oeil de la bouche.

    Dumas, Le Collier de la Reine

    "- Ah ! dit Don Manoël en portugais."

    Rires, on a gardé la plus cocasse pour la fin. Dis donc, ma guiguitte, comment tu dis "Ah" en portugais, allez, vas-y, j'attends... Je suis impatiente...

    Finalement, il est plutôt rassurant ce billet, on se dit qu'un jour, peut-être, dans quelques siècles, des crétins et crétines qui n'ont rien d'autre à foutre éplucheront nos lignes en disant : "Oh punaise, la Toy, elle te faisait de ces fautes quand elle écrivait, sais pas si c'est elle ou ses 60 nègres qui déconnaient, mais quand je pense qu'on se la cogne chaque année au bac de philo, y a de l'exagération hein..."

    Le plus optimiste de cette phrase étant de songer qu'alors, le bac de philo existera toujours...

    Enfin, bon, moi j'dis ça, j'dis rien...

    Gracianne Hastoy

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