Si ce n’est le plus relevé du monde, le tournoi d’échecs des candidats est sans conteste celui dont l’enjeu est le plus important : il donnera la possibilité à son vainqueur de disputer le prochain championnat du monde contre Magnus Carlsen, tenant du titre depuis 2013. Un titre que le jeune champion norvégien a déjà défendu 3 fois avec succès en 2014, 2016 et 2018, et qu’il remettra en jeu au second semestre, attendant tranquillement de connaître le nom de son adversaire. C’est l’une des spécificités du monde des échecs : le plus grand de ses tournois se déroule toujours sans le plus grand de ses joueurs.
Ce tournoi des candidats, qui s’est ouvert en début de semaine, est l’un des rares événements d’importance du calendrier sportif mondial à avoir été maintenu en dépit de l’épidémie de coronavirus. « C’est une décision certes étrange de ne pas l’avoir reporté, et l’on a déjà assisté à des scènes assez surréalistes, comme toute cette foule au moment de la cérémonie d’ouverture », explique Laurent Fressinet, qui assure depuis chez lui, à Paris, les commentaires en français des retransmissions mises en place par la plateforme web Chess24.
Voir notre entretien avec Laurent Fressinet de décembre 2018 – cliquez ici
Un Français pour défier le champion du monde ?
Ce tournoi a cependant bel et bien lieu, et l’on aurait tort de ne pas en profiter. Notre grand maître d’échecs dacquois, double champion de France et encore vice-champion l’an dernier, animera jusqu’à 7 ou 8 heures de direct quotidien pour chacune des 14 rondes du tournoi. Chaque joueur affronte en effet deux fois les 7 autres candidats en partie longue, une fois avec les pièces blanches et une autre avec les pièces noires. L’événement se tient sur 3 semaines, jusqu’au 5 avril prochain, avec heureusement quelques journées de repos entre les rondes pour les joueurs… et le commentateur.
Alors que la France est confinée chez elle, on aura compris que l’occasion est idéale de s’intéresser au roi des jeux de société, de se divertir intelligemment et de mieux cerner la richesse et la complexité du haut niveau échiquéen. Laurent Fressinet commente les parties en direct à partir de midi, et anime, chaque soir à 20h30, un debriefing sympathique et éclairé des 4 parties jouées. Avec forcément un intérêt plus prononcé pour l’une d’entre elles, car ajoutons que parmi les 8 candidats en lice cette année, il y a… un Français, notre numéro un national Maxime Vachier-Lagrave, qui a intégré le tournoi in extremis après un désistement, mais qui pour tous les experts est loin d’avoir volé sa place. Un signe du destin ?
« Fabiano Caruana me semble un ton au-dessus des autres candidats, mais Maxime reste l’un des tout meilleurs joueurs du monde et il aurait tort de ne pas croire en ses chances », confirme Laurent Fressinet, qui voit tout de même bien le joueur américain affronter encore une fois Magnus Carlsen à la fin de l’année, même si « à ce stade, après seulement trois rondes, tout reste très ouvert ». Et bien sûr, on n’est jamais à l’abri d’une surprise.
L’autre favori du tournoi, Ding Liren, l’un des deux Chinois de la compétition, semblait par exemple en mauvaise posture avec deux défaites lors des deux premières rondes, « un handicap difficile à remonter à ce niveau ». Il s’était d’ailleurs incliné mercredi dernier contre notre représentant Français, qui n’a pas eu à trop forcer son talent. Et le lendemain, le Chinois s’est pourtant un peu rattrapé en battant… Fabiano Caruana. À sa décharge, Ding Liren a connu récemment deux séjours consécutifs en quarantaine, dans son pays et en Russie. Preuve que ce coronavirus pimentera d’une façon ou d’une autre l’atmosphère déjà fort spéciale de ce tournoi des candidats.
Quelle que soit l’issue de la compétition, Laurent Fressinet en profite pour nous le confirmer : il continuera bien de seconder Magnus Carlsen lors du prochain championnat du monde. Tout cela est encore très hypothétique, mais il pourrait donc bien y avoir un peu de notre douce France des deux côtés de l’échiquier à l’automne prochain…
On l’espère évidemment, ne serait-ce que pour accroître la reconnaissance dans l’Hexagone de ce vrai sport de combat que sont les échecs.
En tout cas, il est déjà certain qu’un Landais sera encore un peu de la partie !
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