Pour beaucoup de jeunes landais, décrocher un logement relève aujourd’hui du parcours du combattant. L’appartement rêvé se transforme en mirage dès qu’on pousse la porte des agences : loyers exorbitants, offres trop grandes ou trop loin, et une marée de locations saisonnières qui grignotent le parc à l’année. Sur la côte, certains finissent par dormir chez un ami, un cousin ou dans leur voiture entre deux contrats. Dans les terres, d’autres jonglent entre alternance et double résidence, payant deux loyers pour ne jamais être vraiment chez eux.
La crise du logement, longtemps cantonnée aux grandes métropoles, s’invite désormais jusque dans les bourgs landais. Les plateformes de location touristique ont trouvé là un nouvel eldorado, raréfiant les studios et petits T2 à l’année. Résultat : les jeunes se retrouvent “hors sol”, condamnés à vivre chez leurs parents plus longtemps qu’ils ne l’auraient souhaité. Pour beaucoup, l’accès à l’autonomie se heurte à un mur de briques tarifaires et à une offre qui ne correspond plus à leurs besoins.
Des chiffres qui donnent froid dans le dos
Un diagnostic commandé par l’État, le Département et la CAF, et mené par l’Union Régionale pour l’Habitat des Jeunes (URHAJ NA), vient confirmer cette impression. Sur les près de 60 000 jeunes âgés de 15 à 30 ans que compte le département, soit 13,1 % de la population, plus de 3 000 éprouvent de réelles difficultés à se loger. Autrement dit, 5 % d’entre eux sont sans logement, hébergés chez un tiers ou vivent à plus de 100 km de leur lieu d’étude ou de travail.
Certains cumulent les galères : stages éloignés, emplois précaires, double loyers, faibles revenus. Et si la jeunesse landaise affiche un revenu médian un peu supérieur à la moyenne régionale (17 822 € par an), elle reste enfermée dans une typologie de logements inadaptée. Les petits logements manquent, les loyers s’envolent et le parc social n’a pas les clés pour ouvrir davantage de portes.
En 2024, seules 12 % des demandes de HLM déposées par des moins de 30 ans ont été satisfaites. Résultat : 2 242 dossiers sont restés sans réponse, soit deux fois plus qu’en 2017. Un peu plus d’un jeune sur deux (54 %) vit encore chez ses parents, souvent contraint, faute d’alternative viable. Et pour 12 % d’entre eux, l’enjeu dépasse la simple question d’un toit : ils ont déjà un enfant à charge, dont près de 900 familles monoparentales.
Les Landes posent la première pierre d’une réponse collective
C’est dans ce contexte tendu que s’est tenue, mardi 14 octobre à l’Hôtel du Département, la Conférence départementale de l’habitat. Instance de pilotage du Plan départemental de l’habitat (PDH), elle réunit l’ensemble des acteurs du logement landais : État, Département, EPCI, Banque des Territoires, bailleurs sociaux, CAF, Action Logement Services et associations.
Co-présidée par le préfet des Landes, Gilles Clavreul, et le président du Conseil départemental, Xavier Fortinon, la rencontre avait un objectif clair : partager les diagnostics, fixer les priorités et définir les nouveaux chantiers d’une politique de l’habitat plus inclusive. Et, surtout, replacer les jeunes au cœur du dispositif.
La grande annonce de la journée n’a pas manqué de faire réagir. Le préfet a révélé le lancement d’un appel à projets pour la création de 200 places en résidence Habitat Jeunes, soutenu par le Département. Ce dispositif, pensé pour favoriser l’autonomie et l’émancipation, proposera un accompagnement personnalisé à ses résidents. Il sera déployé en deux temps : 100 places dès 2026, puis 100 autres en 2027.
Cette initiative a été saluée par Xavier Fortinon comme « une bonne nouvelle », alors même qu’était présenté le diagnostic sur le logement des jeunes landais. Pour lui, c’est une réponse concrète à un problème devenu structurel.
“Tout faire pour faciliter la production de logements sociaux”
Lors de la conférence, les deux présidents ont tenu à rappeler que le logement des jeunes conditionne leur insertion, leur mobilité et leur ancrage territorial. Ils ont lancé un appel clair :
« Chacun des acteurs de la chaîne de l’habitat et du logement doit fournir un effort de régulation du marché immobilier, même si ce n’est pas facile et même si la loi du marché n’encourage pas ce phénomène », ont déclaré le président du Département et le préfet des Landes, d’une même voix.
Et de poursuivre : « Il faut tout faire pour faciliter la production de logements sociaux afin de répondre aux besoins des jeunes, notamment compte tenu des différences très marquées dans les territoires. »
Un appel à la solidarité et à la coordination, dans un marché où les murs se vendent plus vite que les politiques publiques ne se construisent.
XL Adapt’ : quand les aînés rénovent pendant que les jeunes cherchent un toit
La Conférence départementale de l’habitat a aussi permis de dresser le bilan d’un autre programme : XL Adapt’, lancé début 2025. Ce dispositif, piloté par le Département avec l’Anah, l’État, la MLPH et Procivis, aide les seniors et les personnes handicapées à adapter leur logement.
Depuis son lancement, les chiffres témoignent d’un vrai engouement : 400 contacts, plus de 200 visites, 142 dossiers déposés dont 75 déjà accordés. Le montant moyen d’aide atteint 4 706 € par dossier, pour un coût de travaux moyen de 8 610 €, soit 55 % de subvention. Un programme qui prouve que, lorsqu’on met les moyens, les murs peuvent bouger.
Mais pendant que les aînés adaptent leur habitat, les jeunes, eux, peinent encore à trouver leur pied-à-terre. Entre logement inabordable et précarité locative, le rêve d’un “chez-soi” reste pour beaucoup une maison sur plan.
Si le Département veut bâtir une politique du logement solide, il sait qu’il devra d’abord poser les fondations de la jeunesse. L’appel à projets pour les résidences Habitat Jeunes est une première brique. Reste à trouver le ciment : celui d’un engagement collectif, à la fois public et privé, capable d’offrir à chaque jeune un toit à la hauteur de ses rêves, ou au moins à la taille de ses moyens.
Sébastien Soumagnas
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