Ouf ! On l’a échappé belle ! À la question : « Le président français est-il un ami, ou un ennemi ? », la nouvelle Première ministre britannique, Liz Truss, après avoir botté en touche et assuré que « le jury est toujours en train de délibérer », vient finalement de pencher pour la solution calinothérapie : « Oui, c’est un ami » vient-elle de lâcher du bout des lèvres. D’où vient cette réticence ? Mystère et boule de gomme. Dans ce cas, décryptage.
En fait, rien ne laissait supposer un tel dédain. L’époque de Jeanne d’Arc, de Fachoda et de Mers-el-Kebir appartient au passé, la France est une béate adulatrice des Stones, des Beatles, de l’ours Paddington, des chocolats After Eight et de la sauce Worcestershire, et a pleuré en ses chaumières sur le sort – assez enviable convenons-en – de feu la Queen. Irréprochables, nous sommes. Emmanuel Macron en avait ajouté une couche, en déclarant que « Nous vivons dans un monde compliqué (…) Si on n’est pas capable, entre Français et Britanniques, de dire si on est amis ou ennemis – le terme n’est pas neutre – on va vers de sérieux problèmes. »
Rassurons-nous, le pire est donc évité et la canonnière est restée à bon port. Liz a mangé son chapeau melon, un geste que son idole la pousse au crime (remember les Malouines ou la grève des mineurs en 1984) Margaret Thatcher n’aurait jamais commis.
Liz a une façon très personnelle et très percutante de se mettre tout le monde à dos : l’Australie, qui l’accuse de faire des commentaires « déments » sur le risque potentiel d’agressions militaires chinoises dans le Pacifique ; Bruxelles, qui tique lorsqu’elle soutient la révision unilatérale du protocole sur l’Irlande du Nord. La France, enfin, car on y vient, accusée d’avoir agi de manière inacceptable durant le litige de pêche à Jersey. Aussi, alors ministre, fit-elle envoyer deux patrouilleurs dans les eaux jerseyennes, afin de montrer ses biscottos, alors que l’île n’est qu’une dépendance de la Couronne et ne fait ni partie du Royaume-Uni, ni de l’Union européenne. En réponse, la France avait menacé de couper l’accès de l’île au réseau électrique français, lui fournissant 95 % de son électricité. De là peut-être sa réaction assez inamicale envers notre président, donc contre nous ?
Bof, tout cela fait déjà partie du passé. Liz doit aujourd’hui se débattre dans un marigot où elle a plongé la tête la première, avec sa décision de supprimer la tranche supérieure d’impôt sur le revenu, une mesure touchant les Britanniques gagnant plus de 170 000 euros/an. Soit une perte de 50 milliards pour le Trésor public et une colère considérable dans les classes populaires. On pensait qu’avec Boris Johnson, l’Angleterre avait touché le fond. Pas sûr, l’amie !
Dominique Padovani
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