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DES HUMEURS ET DES JOURSRESISTANCES

Martí Bouet est de ceux qui aiment les résistances : aux généralités, aux modes, à l’obsolescence programmée des objets, aux smartphones, et aux voitures trop modernes…
Photo d'un téléphone fixe vintage
J’aime bien cette idée qu’il existe toujours, quelque part, un ilot de résistance à ce qui parait évident à tous.

Quel que soit l’objet de la résistance, du plus glorieux au plus minuscule, du plus nécessaire au plus dérisoire, du plus juste au plus douteux, la décision de résister est la marque d’une âme forte. Et en cela elle est admirable.

Voici trois petites histoires de résistance, comme des pieds-de-nez salutaires adressés à une société de gaspillage et d’inessentiel.

La première, c’est celle de Paul et Paulette. Il avait décidé d’offrir un téléphone portable en cadeau d’anniversaire à sa femme. Résultat : échec. Commentaire désabusé : « Socrate refusait l’écriture au V° siècle avant Jésus Christ, Byzance refusait les images au VIII° siècle, et voilà qu’aujourd’hui c’est Paulette qui refuse le Smartphone ! » Non seulement, j’éprouvais une jubilation inavouable à voir Paul encombré avec son inutile cadeau, mais je tenais enfin l’individu, la personne encore jeune pourtant, décidée à clamer son refus des échanges virtuels généralisés, prête à proclamer sa volonté de vivre sans portable !

Mais la résistance peut prendre d’autres formes, plus singulières encore.

J’ai en mémoire cet étrange couple que formait le maire d’un petit (et très beau) village béarnais, avec sa voiture. Une BX Citroën inusable. Lui et elle étaient toujours ensemble. Inséparables. Increvables. Lorsque je le rencontrais, je m’inquiétais de la santé de compagne automobile comme on parle d’une personne : « Comment va-t-elle ? Passe-t-elle bien l’hiver ?... » Et la BX d’aligner, année après année, les kilomètres sans jamais montrer de signes de fatigue. À 500 000, beaucoup pronostiquaient une fin prochaine. Erreur ! La BX sillonnait toujours aussi gaillardement les routes du département avec son maire-chauffeur au volant. C’est, je crois, aux alentours des 800 000 kilomètres qu’il fallut se résoudre à prononcer son oraison funèbre et voir notre élu local se déplacer dans une petite jeunette de voiture. Mais le charme était rompu. *

Il y a un cas de résistance plus étonnant encore. Il existe dans la caserne de pompiers de Livermore (Californie) une ampoule électrique qui brille sans discontinuer depuis 121 ans ! Elle éclaire – faiblement car sa puissance n’est que de 4 watts – la caserne des pompiers de la ville. L’ingénieur(e) qui l’a conçue en 1901, date de son installation, n’avait pas dû prendre de cours d’obsolescence programmée **, cette base des productions industrielles des objets qui forment notre quotidien aujourd’hui. L’ampoule fonctionne encore ! Une webcam permet de l’observer en direct.

* On a vu plus fort encore : le vendredi 27 mai dernier, une Peugeot 307 grise est accueillie sous les applaudissements à l’usine PSA de Trémery (Moselle). Son pilote, Fabrice Gommé, vient de réaliser un exploit : atteindre le million de kilomètres au compteur. Il est venu remercier ceux qui ont conçu son automobile. « Je voulais absolument voir les gens qui à cette époque-là avaient serré les boulons sur le moteur ».

** La loi sur la transition énergétique de 2015 intègre une décision sur l'obsolescence programmée : elle devient officiellement un délit (entraînant jusqu'à deux ans de prison et 300 000 euros d'amende pour un individu, et 5 % de son chiffre d'affaires annuel pour une entreprise contrevenante). Le législateur indique en outre que « L'obsolescence programmée se définit par l'ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d'un produit pour en augmenter le taux de remplacement. »

Martí Bouet

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