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LA MINUTE POLITIQUECongrès des maires, épisode 2

Michel Gabas, maire d’Eauze dans le Gers, est intervenu au cours d’une table ronde sur l’accès aux soins lors du Congrès des Maires de France, pour évoquer la problématique des déserts médicaux qui touchent de plus en plus les petites communes. Exemple à l’appui.
Un médecin prenant la tension a un patient
Eauze, 4 300 habitants, cinquième commune du Gers. Il y a quelques années, six médecins y étaient installés. En 2018, quatre d’entre eux ont souhaité prendre leur retraite. Et le casse-tête a commencé pour Michel Gabas, pharmacien et premier édile, bien décidé à trouver une solution malgré une situation devenue ubuesque.

« Mon intervention est liée au fait que je fais partie de la commission Santé de l’Association des Maires de France. En tant que professionnel de santé et en tant qu’élu local, je fais doublement face à cette pénurie, tout comme de nombreux maires y compris dans des villes que l’on ne soupçonnerait même pas ! » précise le maire d’Eauze.

Sachant à l’époque que seuls deux médecins allaient rester en activité, il part à leur rencontre et leur propose de travailler sur une maison de santé pluridisciplinaire, au sens de l’ARS, portée obligatoirement par un praticien.

« J’ai senti qu’ils étaient épuisés, et ne souhaitaient pas s’engager dans pareil projet. J’ai dû trouver une autre solution, en faisant construire un centre médical sans aucun budget de l’ARS. Puis, j’ai fait une chose qui est contraire à ma vision de la médecine : j’ai fait appel à un chasseur de têtes, pour aller chercher des médecins à l’étranger ».

Ils viendront finalement d’Espagne, pays proche de la région, avec quelques conditions pour leur installation (utilisation du centre gratuit pendant les premières années, prime de 5 000 € pour l’achat de petit matériel, un an de loyer offert). Ils ont depuis été rejoints par deux autres médecins, un ophtalmologiste, et le maire a conclu un accord avec l’hôpital de Mont-de-Marsan pour bénéficier de disciplines hospitalières en consultation avancée sur la maison médicale deux ou trois jours par mois.

D’après lui, pourquoi en est-on arrivé là ?

« Dans d’autres pays d’Europe, il faut 6 à 7 ans d’études pour devenir médecin ; en France, il va en falloir 10. On fait donc venir de ces pays des praticiens qui ont le droit d’exercer. De plus, il y a une trentaine d’années, l’État a instauré un numerus clausus à l’entrée des facultés de médecine, car on disait « Au bout du stylo du médecin, il y a le déficit de la Sécurité Sociale ». Ce numerus clausus a été transformé en 2019 en numerus apertus, c'est-à-dire que l’on définit le nombre de passages en deuxième année non pas en fonction des besoins des territoires et des populations, mais en fonction des capacités d’accueil des facultés, ce qui n’est pas la même chose ! ».

Pourtant, l’augmentation de l’espérance de vie suppose d’avoir assez de médecins pour maintenir la population en bonne santé. Mais pour le maire d’Eauze, le problème en territoire rural va plus loin, et concerne un sujet tabou, qu’il n’a pourtant pas hésité à mettre sur la table lors de son intervention.

« Il s’agit des licences. Lorsqu’un pharmacien, un infirmier, ou même un notaire cherche à s’installer, il doit racheter une licence à un professionnel qui prend sa retraite. Mais pour un médecin, ça n’existe pas, on parle de “coercition”. Il faut réfléchir à une redistribution des praticiens en fonction des besoins de la population. L'État finance les études des professionnels, il est normal d'avoir un retour pour la population. J’ai donc officiellement demandé à Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée à la Santé qui était présente, de fixer un numerus clausus et d’installer selon les besoins des territoires ».

Cette intervention a été vivement applaudie, certains maires ayant même remercié Michel Gabas « d’avoir dit ce que tout le monde pense sans oser le dire ».

Marielle Fourcade

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