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PARCOURSOlivier Alleman, un multi-passionné toujours à l’affût

Élu à Bayonne et au Département 64, cet ingénieur agronome est à la tête du très prisé et tentaculaire Concours général agricole. Le président de l’association Elgarrekin s’est aussi illustré dans l’univers des médias…
PARCOURS – Olivier Alleman, un multi-passionné toujours à l’affût
Olivier Alleman a toujours eu la fibre des terroirs et de la dimension environnementale. Il l’a vécue pleinement à travers des émissions de télévision, puis au cabinet du ministre de l’Agriculture, avant d’assurer des mandats liés au numérique et aux jeunes. Rencontre...

Vous êtes un pur produit basque ?
Olivier Alleman –
En quelque sorte. Je suis né à côté du stade Saint Léon, avec des attaches à Saint-Pierre-d’Irube du côté de mon père, et à Cambo-les Bains du côté de ma mère. J'ai fait mes études dans un rayon d’1 km autour de Bayonne : à l’école des Arènes en maternelle, puis au collège Marracq et au lycée René Cassin, avant de partir faire une école d’ingénieur à Strasbourg, l’École nationale du Génie de l’Eau et de l’Environnement qui dépend du ministère de l'Agriculture.
 
L’agronomie, hasard ou vocation ?
O. A. –
J’avais envie de me former à ces sciences, et je m’intéressais particulièrement à l'irrigation et à l'environnement. Depuis, j’ai toujours gardé une attache profonde pour ces thématiques. Au-delà de l’acquisition d’un bagage technique, ce fut pour moi un véritable choc culturel à tous points de vue : la rencontre avec des milieux différents, avec des éducations multiples dans cette place forte européenne, transfrontalière avec l’Allemagne. Une ouverture d’esprit et une expérience passionnante pendant 3 ans.
 
Votre première expérience professionnelle ?
O. A. –
Je suis revenu dans le Sud-Ouest, à Bordeaux, pour travailler dans l'hydraulique à la Lyonnaise des eaux. Je me suis occupé de traitement des eaux et d'assainissement pendant 2 ans et demi. Tout feu, tout flamme, je me sentais un peu frustré face à l'inertie que l’on peut rencontrer dans un grand groupe, avec une organisation très pyramidale. J'ai préféré rejoindre une entreprise régionale avec une dimension humaine forte, bien connue au Pays basque, le Groupe Etchart. À l’agence de Bruges dans l’agglomération bordelaise, je travaillais sur les réseaux d’eau potable et d’assainissement. J’ai quitté ce groupe auquel j’étais très attaché humainement en 2007, pour partir vers de nouvelles aventures dans les médias.
 
C’est-à-dire ?
O. A. -
Je m’était pris de passion pour la radio, avec des collaborations pendant mes temps libres d’abord avec Witt FM à Bordeaux, puis à RTL2 Sud Aquitaine… En 2007, j’ai participé à un casting jeunes talents, organisé par Patrick de Carolis pour France Télévisions, pour recruter de nouveaux animateurs. J’ai ainsi eu l’occasion de franchir le pas pour me plonger dans l’univers de l’animation d’émissions et de la production télévisuelle. Un vrai tournant dans ma vie.

Une émission vous a marqué particulièrement ?
O. A. -
« Les nouveaux voyages d’Ulysse ». On a fait le tour de la Méditerranée à la voile, avec comme fil conducteur le développement durable. Cette émission me permettait de rester connecté avec le volet agricole, l’eau, la dimension environnementale, mais aussi le sociétal, la technique et l’économie. On partait à la découverte d’expériences extraordinaires, comme une usine de désalinisation d’eau de mer à Gaza, la récupération et la transformation de la rosée du matin en Sicile, ou encore un système de toboggan pour refroidir l'eau des forages dans les pays du Maghreb. Au bout de 2 ans, l’émission a été arrêtée parce que trop chère.

Vous avez enchaîné de nombreuses expériences…
O. A. –
Oui. Par exemple, autour de la création de Campagnes TV. Pendant 5 ans, cette chaîne reliait tout ce que j'aime : l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, combinés avec l’art de vivre dans les territoires. J’ai aussi animé une émission sur Europe 1, avec Pierre Bonte : « Le Grand Direct des Régions. Ces expériences, comme beaucoup d’autres, m’ont permis de compléter un véritable maillage territorial, avec des rencontres, de la passion, de l’humain.

Changement de décor avec le ministère de l’Agriculture…
O. A. –
Totalement. J’avais eu l’occasion de faire la connaissance de Didier Guillaume et, en 2018, il m’a proposé de rejoindre son cabinet au ministère, pour m’occuper de la communication et de la presse. Ce fut une découverte avec des journées de folie : une véritable machine à laver. On est tout le temps en train de réfléchir, de produire… On apprend dans le dur, au cœur des rapports de force et d’un jeu de billard à 18 bandes dans lequel il faut apprendre à manœuvrer. Pendant 2 ans et 2 mois, j’ai vécu à quel point il s’agit d’un ministère de crise, de crises dans tous les sens : du sanitaire à l’économique, amplifiées par une très grande diversité des problématiques sur tout le territoire. En plus de travailler la communication de crise, j’ai complété ce maillage dans les régions qui me tient à coeur.
 
Comment vous êtes-vous retrouvé à la tête du Concours général agricole ?
O. A. –
C’est le successeur de Didier Guillaume, Julien Denormandie qui m’a nommé commissaire général pour 3 ans. C’était une chance pour moi, parce que cette mission faisait la synthèse de tout ce que j'avais réalisé jusque-là. Mon mandat a ensuite été renouvelé par le ministre actuel, Marc Fresneau. C’est passionnant !
 
Le CGA est une énorme machine…
O. A. –
C’est une organisation à la Miss France, avec des pré-sélections dans les départements, puis des finalistes qui viennent concourir à l’occasion du Salon international de l’agriculture à Paris. On doit sélectionner les meilleurs produits, les meilleurs vins et les meilleurs animaux de France métropolitaine et dans les territoires ultramarins pour décerner ce fameux sésame. Lors de cette dernière édition, 20.500 produits et 2.212 animaux, sélectionnés dans chacune des races et espèces, étaient en finale. Avec pas moins de 8.200 jurés mobilisés. La logistique est effectivement énorme. Pendant l’année, nous avons une dizaine de collaborateurs, pour les finales nous montons à 2.500. Chaque année, nous devons également relever le défi réglementaire (un document de plus de 400 pages), avec de nombreux critères qui changent, par exemple pour tenir compte du réchauffement climatique. C’est un gros chantier que nous menons avec les interprofessions et avec l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité)

Les étapes importantes ?
O. A. –
D’abord les pré-sélections qu’il faut organiser dans les départements. Il faut savoir que nous faisons, nous-mêmes, tous les prélèvements des échantillons chez les producteurs. Il y a ensuite la composition des jurys, avec autour de chaque table une moitié de professionnels et une moitié de consommateurs. Pour ces derniers, nous leur offrons une journée de formation sur les territoires dans la catégorie de produits sur laquelle ils auront à se prononcer. Enfin, après le concours, nous effectuons un vrai travail de contrôle dans les points de vente.
 
Il y a des fraudes ?
O. A. –
Hélas. Tout simplement parce qu'une médaille génère une augmentation de 18% à 40% de chiffre d'affaires. Donc, certains font apparaître de fausses médailles sur leurs étiquettes. Les contrôles se font avec Bureau Véritas et l’administration de Bercy, et j’ai un pouvoir d'amende, par délégation du ministre, pouvant aller jusqu’à à 18.000 €. L’année dernière, nous avons mis 266.000 euros d’amendes. C’est indispensable pour apporter une garantie au consommateur. Nous sommes le seul concours au monde à faire de tels contrôles. Je note que les jurés ont distribué moins de médailles cette année. Ils ont été plus exigeants. Moi, ça me va bien. Ça renforce l’image d’excellence pour les lauréats et pour le public.
 
Les objectifs du concours ?
O.A. –
Il répond à deux choses essentielles : la valorisation de l’excellence des productions des agriculteurs et la valorisation financière de leur travail. Ce sont leurs deux premières demandes. C’est un mandat qui me passionne parce que ça me permet de continuer à faire le tour des départements, à la fois pour les pré-sélections et pour les remises de prix qui se font sur place, chez eux, avec leur famille et dans leur environnement pour mieux les mettre à l’honneur. Humainement, c’est exceptionnel. Nous n’oublierons jamais l’accueil fou qui nous a été réservé dans les territoires ultramarins.
 
A découvrir sur France TV : Les Outre-mer, des terroirs en or

Deux mots sur la crise agricole actuelle ?
O. A. -
On a complexifié tous les dispositifs. Avec l’augmentation des charges et celle des temps administratifs, le ras-le-bol est monté d’un cran. La flambée des charges a mis le feu aux poudres. Je constate que l’on n’arrive pas à faire comprendre au consommateur qu’il n’a jamais payé le vrai coût des produits. Je reste persuadé que pour un agriculteur, le plus dur psychologiquement est de ne pas vendre au-dessus de son prix de revient, comme dans tous les autres métiers. Il est inacceptable pour eux que leur travail soit payé par des subventions et non pas par la valeur ajoutée. Personne d’autre n’accepterait cela. Je pense qu’il faut qu’on arrive à rémunérer, en plus, tous les services rendus à la nature. S’il n’y a pas d’agriculteurs, il n’y a pas d’aménagement des paysages, il y a moins de tourisme et moins de stockage de carbone.

Quand êtes-vous entré en politique ?
O. A. -
Je me suis présenté aux élections municipales de Bayonne en 2020 sur la liste de Jean-René Etchegaray. J’avais pris la carte de La République en Marche dès le début. Dans ma famille, ma mère avait plutôt une culture de gauche, et mon père était plutôt de centre droit. Personnellement, j’ai quitté le parti socialiste pour rejoindre Emmanuel Macron. Ce qui était assez cohérent avec cette culture familiale.
 
Vous êtes délégué à la « ville numérique et innovante »…
O. A. –
J’ai souhaité une délégation sur un sujet que je ne connaissais pas et qui me permettrait d’être transversal. Le maire de Bayonne a eu l’idée du numérique. Il m’a confié la même délégation à l’échelle de l’agglomération, ce qui permet d’avoir une transversalité complète sur le sujet et une efficacité plus importante. La priorité était de développer les infrastructures, pour l’installation de la fibre et de la 5G, et de prendre en compte l’inclusion numérique. C’est un peu plus long que prévu, on a du retard sur le déploiement avec notamment des problèmes d’adressage. On s’était engagés sur fin 2025, on y arrivera. C’est toujours trop long pour ceux qui ne l’ont pas. Ensuite, viendra la réflexion sur le développement des usages à proposer aux habitants du Pays Basque. Pour ce qui est de l’inclusion numérique, nous avons profité du plan de relance pour mettre en place 40 médiateurs numériques sur le 64.
 
Et pour les usages ?
O. A. -
On se structure au niveau de l’Agglomération pour les développer dans tous les métiers de services : ramassage des déchets, eau potable et assainissement, accès aux documents d’urbanisme, mise en ligne… en faisant en sorte que tout soit disponible en open data. Nous avons embauché un data scientist qui récupère la donnée générée pour préparer de nouvelles applications.
 
Vous travaillez aussi avec les entreprises…
O. A. –
L’idée est de faciliter l’éclosion des entreprises de ce secteur sur le territoire, y compris des sociétés inclusives. Il est important également d’encourager le dynamisme de structures qui peuvent accélérer ce développement, à l’image de la French Tech Pays Basque. Favoriser le numérique responsable est une vraie volonté. Avec le cluster Pays Basque Digital, l’enjeu est de diffuser les bonnes pratiques sur le territoire. Nous travaillons aussi à la création d’une école d’ingénieurs sur le numérique à la rentrée 2025. L’ambition est également d’attirer ici des grands acteurs du numérique.

Au Département, vous êtes en charge de la jeunesse…
O. A. -
J’ai été élu conseiller départemental en 2021, en binôme avec Christine Lauqué. J’étais déjà président de l’association Elgarrekin à Saint-Pierre-d’Irube qui est devenue un centre d’animation inclusif et qui accueille des enfants en situation de handicap. Depuis 2022, elle est le pôle ressource dans le département pour toutes les structures accueillant des enfants. C’est nous qui formons des animateurs à l’accueil inclusif. Là, on s’occupe des 0-17 ans. Avec la délégation au Conseil départemental, je peux suivre les jeunes au-delà de 17 ans et jusqu’à 25 ans.
 
Vos premières actions ?
O. A. –
Nous avons commencé par faire le tour des 27 cantons avec la vice-présidente, Annick Trounday-Idiart. Nous avons rencontré 1230 jeunes dans les différents établissements à l’École de la 2e chance, dans les clubs de sport, dans les MJC et les Foyers jeunes travailleurs… Nous les avons écoutés pour identifier leurs besoins. De nombreux dispositifs existent pour le logement, la mobilité, l’alimentaire… mais, ils sont souvent mal connus et il reste quelques trous dans la raquette, notamment sur le médical. Du coup, nous avons lancé une large consultation, couplée avec des questions sur le numérique. Plus de 6.000 jeunes ont répondu sur le net. Forts de ces retours, nous avons créé un groupe d’ambassadeurs dans les 27 cantons pour co-construire avec nous des mesures complémentaires. Nous faisons le point avec eux tous les 6 mois pour les associer et faire évoluer les mesures. Ils participent ensuite à leur diffusion à travers leurs réseaux. Certains ont même accepté d’être des figures de proue pour la communication dans les réseaux sociaux, sur les affiches…
 
D’autres outils ?
O. A. –
Oui. Par exemple, la Boussole des jeunes a été lancée en octobre dernier. Il s’agit d’une plateforme numérique où le jeune peut exprimer ses besoins : une aide pour le permis de conduire, des interrogations sur son avenir professionnel, un problème de logement, etc. On écoute puis on l’oriente vers un dispositif existant et/ou vers les aides complémentaires mises en place par le Département.

Et le Volontariat rural ?
O. A. –
Il fonctionne très bien. Le but est de soutenir les petites communes de moins de 1500 habitants qui n’ont pas les moyens de s’organiser pour mener à bien certaines actions. Nous définissons d’abord, avec le maire et le conseil municipal, des besoins qui pourraient être confiés à des jeunes. Le Conseil départemental sélectionne les jeunes, s’occupe des contrats et des relations humaines, les encadre et assure le suivi. Pour cela, nous avons embauché 7 jeunes qui sont dédiés à cette démarche. Le village s’occupe de l’hébergement, tout le reste est pris en charge par le Département.
 
Souhaitez-vous continuer en politique ?
O. A. –
Oui, si je sens que je suis utile. La politique ne se justifie que si l’on fait avancer les dossiers, si l’on fait bouger les lignes. Les mandats sont finalement assez courts, car quand on prend une initiative il y a souvent une grande inertie. Il faut une très forte volonté pour obtenir des résultats concrets dans des temps courts. Ça me va bien.

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