C'est avec sa casquette de représentant de la filière du BTP 64 que Sébastien Labourdette a accepté de revenir avec nous sur la situation très difficile de sa filière. En effet, depuis le début du conflit russo-ukrainien, le secteur du bâtiment voit ses coûts s'envoler, alors qu'il n'y a pas de pénurie de stock. Une situation alarmante à laquelle la Fédération du BTP 64 apporte des solutions à ses adhérents...
Pour que l'on comprenne bien la gravité de la situation, est-ce que vous pouvez nous expliquer quel est l'impact de la guerre en Ukraine sur vos activités ?
Sebastien Labourdette : Tout d'abord, il faut savoir que le secteur du BTP est sur un niveau d'activité soutenu. Le plan de relance s'est parfaitement inscrit dans nos activités, donc nous avons de très nombreux chantiers en cours, avec un rythme proche de ce que nous avions avant la Covid.
Mais à cause de ce qu'il se passe en Ukraine, les marchés financiers sont complètement déréglés, notamment en ce qui concerne les énergies (gaz, carburants, etc.) et les matières premières qui sont produites là-bas, comme l'acier. Les grands industriels augmentent leurs prix, et comme ils sont au départ de la chaîne, toute la filière se voit impactée. Cela crée une pénurie qui n'existe pas, et ça se répercute à la fin sur le client.
C'est une hausse significative ?
S.L. : Très. Pour vous aider à comprendre, imaginons qu'une tonne d'acier coûtait 500 euros avant, elle est aujourd'hui à 1500 euros... La fluctuation n'est pas une nouveauté, il y en a toujours eu et il y en aura toujours, mais d'habitude on s'y attend, on s'y prépare. Cette fois-ci, ça a été très rapide et très fort. Et comme le prix d'un chantier c'est environ 50% de matière première, les coûts décollent pour les clients...
Beaucoup d'acteurs de la filière ont manifesté leurs inquiétudes, vous le premier, mais vous restez tout de même optimiste.
S.L. : Il le faut, car c'est notre nature et les outils pour y parvenir existent. Par exemple, la théorie de l'imprévision. Cela nous permet de réviser les prix des chantiers, car un chantier qui coûtait avant 100.000 euros, coûte aujourd'hui 200.000 euros. Et vous comprenez bien qu'une entreprise ne va pas facturer 100.000 euros un travail qui coûte le double.
Comment est-ce que vos clients prennent cette révision des prix ?
S.L. : La très grande majorité comprend mais tous ne veulent ou ne peuvent pas répondre à nos sollicitations. Nous prenons donc le temps de discuter avec eux et de leur faire comprendre que le but n'est pas que l'on se fasse de l'argent, mais bien que l'on soit juste par rapport au marché actuel. C'est d'ailleurs la même chose pour les clients publics comme pour les clients privés. Ils savent que l'on est les premières victimes de l'affolement de ces marchés, et que l'on subit, comme eux.
D'autres actions plus concrètes sont-elles mises en place ?
S.L. : Comme je vous l'ai dit, on dialogue beaucoup. On cherche des solutions, et on peut reconsidérer un chantier avec d'autres moyens techniques, avec des matériaux qui ne subissent pas la même hausse de prix.
C'est important de trouver des solutions, car il y a de gros besoins, et les chantiers d'aménagements sont nombreux. Avec l'augmentation du prix des énergies, le BTP prend encore plus de sens, car une bonne construction réduit drastiquement la consommation d'énergie.
Toutes ces actions sont-elles propres à chaque entreprise, ou elles sont portées par la Fédération du BTP 64 ?
S.L. : Ce sont des actions collectives portées individuellement. Nous [la Fédération du BTP 64 NDLR.], nous apportons les méthodes, les outils, les solutions. Ensuite, les entreprises les appliquent selon leurs besoins, leurs spécificités.
Est-ce que vous avez une idée de quand la situation pourra se décanter, ou est-ce que comme la hausse des prix, leur chute viendra subitement ?
S.L. : Honnêtement, je ne sais pas quand ça se terminera. J'espère qu'une économie de marché viendra réguler toute la situation, et que de nouvelles solutions viendront nous aider. J'ai tout de même un sentiment d'amertume envers les gros industriels qui ne jouent pas le jeu, et qui se font une marge importante sur les matières premières. Ils prennent en étau les entreprises de la filière pour leur profit, et créent une crise.
Et si les clients ne sont pas réceptifs et que vos solutions ne fonctionnent pas...
S.L. : Nous demanderons aux entreprises d'arrêter les chantiers. En temps normal, la marge n'est déjà pas énorme, puisqu'elle est de 3 à 4% sur le prix du chantier. Plus la hausse des coûts est importante, moins il y a de marges, et cela devient très vite un gouffre financier. Donc il vaut mieux arrêter pour sauver les entreprises. Là aussi, des solutions existent, mais je suis persuadé que nous n'en arriverons pas là. Bien au contraire, on s'en sortira, je vous le promets.
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