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GENS D'ICINicolas Daban nous sonne les cloches !

À Bourdettes, près de Nay, les Sonnailles Daban sont l’un des derniers ateliers de fabrication de cloches en France. Les troupeaux d’estives ont aussi leur musique caractéristique…
Quelques modèles de sonnailles fabriqués par les Sonnailles Daban, une entreprise familiale installée à Nay.

L’été, un concert unique se joue dans la montagne pyrénéenne. Une mélodie atypique que seuls les randonneurs et touristes qui s’engouffrent dans les sentiers montagnards peuvent entendre. Il ne s’agit pas là d’un quelconque festival humain, mais plutôt animal. Un son irrégulier, mais entêtant, un son… de cloches.

Que les néophytes se rassurent, il indique simplement qu’un troupeau de moutons, brebis, vaches ou chevaux est en train de paître paisiblement non loin de là. Lors des estives, les éleveurs accrochent des sonnailles (des cloches) à leurs bêtes pour pouvoir plus facilement les retrouver dans la montagne. Ce qui lui donne une atmosphère très particulière d’ailleurs : éloignés de toute forme de civilisation (route goudronnée, 4G, wifi…), les randonneurs sont seuls face à la montagne, qui semble jouer un air de musique singulier, rien que pour eux.

Cette « chansonnette », on la doit à Nicolas Daban et à sa famille. En 1795, Jean-Bernard Daban a fondé Les Sonnailles Daban. Mais ce savoir-faire transmis de génération en génération remonterait bien plus loin d’après l’actuel gérant. « Nous avons retrouvé des traces dans notre arbre généalogique d’un ancêtre qui exerçait le métier de laboureur-forgeron en 1660 à Orthez. Ma famille s’est ensuite installée à Nay pour se rapprocher de la matière première : les mines d’argent et l’argile ».

Les sonnailles sont inscrites dans la tradition pastorale du Béarn depuis le 17e siècle. La marche des troupeaux se fait toujours sous au tempo des sonnailles qui permettent de donner le pas pendant la transhumance. Les éleveurs ont cheminé à travers les plaines et les montagnes.

Aujourd’hui, plus de 200 ans après, l’entreprise familiale est la dernière à fabriquer les véritables sonnailles béarnaises en France. Son savoir-faire d’excellence lui a valu d’être inscrite sur l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel du ministère de la Culture et d’être labellisée « Entreprise du Patrimoine Vivant » en 2006.

Nicolas Daban dans son atelier

Une transmission ininterrompue de père en fils. Nicolas Daban incarne ainsi la dixième génération de sonnaillers, toujours sous l’œil averti de son père Maurice Daban, qui, bien que retraité, continue de transmettre son savoir-faire.

Après des études en informatique et un travail dans le secteur de la gestion client, Nicolas Daban décide en 2002 de rejoindre l’entreprise de son père pour faire perdurer la tradition familiale. Son expérience antérieure lui permet d’avoir une approche différente de ce métier très physique et artisanal. Il gère ainsi la comptabilité, la gestion des stocks, la trésorerie, les statistiques, mais aussi l’emboutissage des pièces, le marquage et la découpe, la cuisson au four, etc.

« Je suis comme Obélix, j’y suis tombé dedans quand j’étais petit », plaisante Nicolas Daban avant de poursuivre « plus sérieusement, j’étais à un carrefour de ma vie et je ne voulais pas que l’entreprise familiale ferme. J’aime fabriquer des pièces uniques, utiles qui va rythmer la vie dans la montagne. Les sonnailles sont de véritables instruments de musique ».

Un savoir-faire ancestral

Dans l’atelier de 150 m² situé sur la commune de Bourdettes, près de Nay, Les Sonnailles Daban fabriquent entre 8.000 et 9.000 sonnailles par an. « Nous avons toutes sortes de clients : des éleveurs bien entendu, mais aussi des chasseurs, des revendeurs et des particuliers », précise Nicolas Daban.

« Le processus se fait essentiellement à partir de plaques de fer façonnées à la main. Les coups de marteau, la façon dont le laiton pénètre la taule et le façonnage final de la pièce, leur donne un son unique et très caractéristique. La tonalité sera sensiblement la même, mais nous jouons avec les graves et les aigus pour les différencier », souligne le patron de 45 ans, qui arrive à reconnaître à l’oreille son travail lorsqu’il fait une randonnée estivale dans les Pyrénées.

Nicolas Daban, devenu gérant en 2006, et ses deux employés répètent les mêmes gestes ancestraux. « Les esquires sont faits à partir de plaques de tôles brasées au four en vase clos, façonnées et accordées entièrement à la main avec patience. Le four destiné à cuire les pains d'argile a été reconstruit, pièce par pièce, à l'identique, pour perpétuer la tradition ».

Pour valoriser son métier et afin de s’adapter à l’évolution de la demande et aux exigences du 21e siècle, Nicolas Daban a mis en place un nouveau système de personnalisation des sonnailles. Les plaques sont marquées de dessins d’animaux ou autres réalisés par informatique puis collés sur la plaque. Ces dessins sont ensuite mis en relief lors du façonnage de la pièce. Les clients ont ainsi la possibilité de personnaliser leurs sonnailles ce qui est de plus en plus demandé. « L’enjeu actuel pour l’entreprise est de se moderniser et rester dans l’air du temps tout en préservant notre métier traditionnel ». C’est pourquoi l’entreprise familiale pense à réaliser des marquages personnalisés, afin d’ajouter une nouvelle corde à son arc. Ou l’art d’avoir plusieurs sons de cloches !

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