Car, comme on a pu le constater, la longue crise de la Covid-19 a eu comme effet indirect de faire affluer, en particulier sur ces trois régions, nombre de citadins plus nordistes, en majorité à l’aise financièrement, qui ont à la va-vite acquis un peu n’importe quoi, sur le littoral et dans l’arrière-pays, quelquefois même sur catalogue, sans la moindre visite de l’appartement, ou de la maison « sweet home et si typique, dans son jus, ma chère ». D’où deux effets : le premier veut que nos côtes sont en voie de se transformer en villages de vacances, ou en résidences secondaires aux volets clos dix mois par an. Le second, que nos salariés sont de plus en plus contraints de s’éloigner de leur lieu de travail, et que les jeunes générations ne trouvent plus à se loger à des prix décents, face à l’explosion des prix du foncier et l’envolée de ceux des loyers. « Herrian lan eta bizi – Vivre et travailler au Pays » était un slogan qui couvrait déjà les murs d’Euskadi dans les années 70. Rien de nouveau donc, sinon que le phénomène s’est accentué pour constituer une réelle préoccupation et que la formule est en train de devenir « Vivre et se loger au Pays. »
Et plus on construit, plus les loyers et le prix du m² augmentent. De 20 % entre 2015 et 2018. L’an dernier, le marché immobilier au Pays basque n’en a pas fini de grimper. Ainsi sur Bayonne, en moyenne 4 476 euros/m² pour un appartement, 4 839 pour une maison. Sur Biarritz, on fait dans l’opulence, avec un prix moyen de 8 186 euros/m² (+16 % en un an et +64 % sur cinq). Saint-Jean-de-Luz fait presque figure de parent pauvre, avec ses 6 920 euros de prix médian (hausse sur un an de 15 %). Même Sare, délicieuse mais loin de tout, n’est pas épargnée, avec ses 3 077 euros, mais une hausse de seulement 4 %.
Bien sûr, la grogne, voire la révolte, gagne du terrain. En Corse, en 2014 déjà, la revendication de réserver le foncier aux seuls résidents, a fait l’objet d’un vote de l’Assemblée de l’île, voulant qu’une personne ne puisse accéder ici à la propriété que si elle y réside depuis au moins cinq ans. Une décision jugée inconstitutionnelle, au motif du droit à la propriété fondé sur les artricles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme, entraînant ipso facto l’officialisation de l’immobilisme. Ce qui ne satisfait personne, hormis les agents immobiliers.
Faut-il se résigner, baisser les bras et émigrer en Creuse ou en Seine-Saint-Denis, deux des départements les plus pauvres de France, et au foncier attrayant, quoique côté boulot, l’avenir y soit un peu bouché ? L’an dernier, la municipalité de Saint-Pierre d’Irube avait fait preuve d’imagination, en émettant un avis défavorable sur le PLH proposé, suivi d’arguments assez pertinents. Car la production envisagée était de 2 656 logements par an et ne correspondait qu’à 29 % aux besoins des ménages locaux. D’où la proposition de baisser la construction de logements neufs à 2 000 résidences ; de porter la part de location et l’accession sociale de logements neufs à 55, voire 60 %, au lieu de 45 %. Et de diviser par cinq le nombre annuel de résidences secondaires , qui tomberait de 892 à 178… On contournerait ainsi le statut controversé de résident.
Naturellement, on attend encore la réponse. Mais l’urgence est là. C’est une question de vie. Au pays.
Dominique Padovani
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