À Saint-Palais, le patrimoine ne se contente pas de dormir derrière les vitrines : il dialogue avec le présent, il raconte, il respire. Après huit mois de travaux, le site culturel Bideak a rouvert ses portes le 23 août dernier, transformant l’ancien couvent franciscain en un véritable carrefour de mémoire et de culture. Ce lieu unique accueille désormais, dans une scénographie revisitée, les collections du Musée de Basse-Navarre et du musée des Chemins de Compostelle, dans un parcours immersif où chaque salle évoque une facette de l’histoire basque et navarraise.
À l’image de son nom, bideak signifiant « chemins » en basque, le lieu se veut une invitation au voyage. Voyage à travers le temps, avec des pièces rares et chargées d’histoire. Voyage au cœur d’une identité culturelle, celle de la Basse-Navarre, longtemps carrefour d’échanges et de passages. Voyage enfin, sur les pas des pèlerins de Compostelle, qui depuis des siècles foulent le pavé de Saint-Palais, étape incontournable sur la voie de Saint-Jacques.
Un parcours entre mémoire et modernité
À l’intérieur, l’ancien cloître s’ouvre désormais sur un parcours muséographique fluide et harmonieux. Les visiteurs sont accueillis dans la salle Chemins de Navarre, où se succèdent les portraits des rois et reines de Navarre. Le temps d’un regard, on replonge dans l’époque où Saint-Palais rayonnait à travers son Hôtel de la Monnaie, dont un mur rappelle les plus de trois siècles d’activité. Face à lui, la majestueuse porte en chêne de l’ancienne prison du XIXe siècle impose sa présence, témoin muet d’un passé parfois austère.
La seconde salle prend le contre-pied avec une ambiance colorée dédiée aux arts. Puis la déambulation autour du cloître ouvre une autre dimension : là, se dressent des stèles discoïdales venues des villages alentours, des linteaux sculptés issus de maisons illustres et des bornes frontières qui rappellent l’ancien royaume de Navarre.
Un moment fort attend le visiteur dans la salle dite « Chemin du temps », où une fresque signée du dessinateur Guillaume Trouillard déroule en bandes dessinées les grandes heures de l’histoire locale. Entre humour graphique et puissance évocatrice, cette fresque traverse l’espace comme une passerelle entre le passé et notre présent. Dans les vitrines, quelques pièces remarquables du docteur Clément Urrutibehety (fondateur du Musée de Basse-Navarre et pionnier du renouveau du pèlerinage de Compostelle) rappellent combien l’histoire de ce territoire a été façonnée par des passionnés de transmission.
La plus vaste salle, consacrée à l’etxe (la maison basque en euskara) plonge le visiteur dans l’intimité du quotidien : objets usuels, meubles, outils racontent la vie de tous les jours. Enfin, une quatrième salle se tourne vers les traditions populaires : pelote, danse, force basque… autant de pratiques qui constituent l’ADN culturel de la région. « Ce musée reflète l’identité de la Basse-Navarre, avec des objets authentiques qui parlent à tous », souligne Alain Zuaznabar, responsable de Bideak.
Plus qu’un musée, un carrefour culturel
Le renouveau de Chemins-Bideak ne se limite pas à ses salles d’exposition. Le site s’est doté d’atouts supplémentaires : un auditorium rénové, un jardin remarquable où se côtoient de nombreuses essences, une salle d’exposition temporaire et même un gîte pour les pèlerins de Compostelle. C’est donc un lieu de vie à part entière, où habitants, visiteurs et marcheurs de passage peuvent se croiser et échanger.
Cette transformation s’inscrit dans un projet culturel plus large, en partenariat avec le Musée Basque et de l’Histoire de Bayonne et l’association des Amis du Musée de Basse-Navarre. Comme le rappelle Jean-René Etchegaray, président de la Communauté Pays Basque, Bideak s’intègre dans une dynamique de musées de société de territoire, avec des antennes à Mauléon ou Bayonne. « L’inauguration a marqué un nouvel élan pour les collections », insiste Annie Sabarots, présidente des Amis du Musée de Basse-Navarre, en saluant la mise en valeur d’un patrimoine longtemps resté discret.
Pour Charles Massondo, maire de Saint-Palais, ce nouvel aménagement est aussi un levier d’attractivité : Saint-Palais, l’une des cinq Petites Villes de Demain, devient un carrefour patrimonial et culturel, ouvert à ses habitants comme aux voyageurs.
Invitation à la découverte
En franchissant les portes de Bideak, on ne visite pas seulement un musée : on part en voyage. Chaque salle est une étape, chaque objet une halte sur ce chemin où se croisent la mémoire des rois, la foi des pèlerins et la force des traditions populaires. Dans l’ancien couvent franciscain, les murs portent encore les traces du temps, mais c’est un présent vibrant qui s’offre désormais aux visiteurs.
Ce renouveau muséographique est une manière de rappeler que le patrimoine n’est pas figé : il évolue, se réinvente, s’ouvre à la modernité pour mieux transmettre. Et Saint-Palais, au cœur de la Basse-Navarre, prouve ainsi que la culture peut être une invitation permanente au voyage et au partage.
Sébastien Soumagnas
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