Stéphanie Barneix, l'initiatrice de ce projet fou, Alexandra Lux, Emmanuelle Bescheron, Margot Calvet, Marie Goyeneche et Itziar Abascal, en tout quatre landaises et deux basques, se préparent physiquement et mentalement pour avaler au mois de janvier 2023 pas moins de 8000 km à la force des bras en 90 jours. Oui ! À la force des bras ! Une aventure à la Jules Verne avec comme moyen de transport un simple paddle.
Presselib : Pourquoi traverser les océans en paddle ? D'où vous est venue cette idée ?
Alexandra Lux : Tout simplement parce que nous sommes toutes issues du sauvetage sportif et que le paddle board est une des disciplines du sauvetage. Nous sommes toutes quasiment issues du même club de sauvetage de Capbreton, Itziar était en équipe nationale espagnole et nous étions en équipe nationale française. On s'est ainsi rencontrées sur les compétitions internationales.
L'idée, c'est Stéphanie qui l'a eue. Il faut savoir que nous n'en sommes pas à notre premier essai puisqu'en 2009 nous avions déjà réalisé la traversée de l'atlantique. La toute première fois, c'était pour réaliser le rêve de Steph qui était tombée malade du cancer. À cette époque-là dans son entourage, ils étaient plusieurs à être touchés par le cancer et elle est à la seule à avoir gagné ; les autres sont tous décédés. Elle avait un peu son papa spirituel qui lui avait dit « si tu as des rêves, réalise-les tant que tu peux ». Elle avait donc ce rêve fou de traverser l'océan en paddle board. Donc nous sommes parties sur l'Atlantique, on est passées par le Cap Horn et là, on a voulu se relancer un défi pour l'association Optimist et pour les enfants malades du cancer.
P.L : Comment préparez-vous pour ce prochain défi de 8000 km ?
A.L : Nous sommes toutes des athlètes confirmées, on a quand même un bagage physique que l'on entretient avec des entraînements sportifs. Nous sommes notamment suivies par le CERS (Centre Européen de Rééducation pour les Sportifs) de Capbreton pour la prévention au niveau des épaules et du dos, afin d'éviter les blessures. Ensuite on nage, on va courir, on fait du vélo et on a surtout une grosse préparation mentale menée par une équipe de préparateurs mentaux qui nous suivent individuellement parce que l'on a chacune des besoins différents. Puis ensuite on a également un travail collectif.
Lors de la traversée de l'atlantique nous avions mis 54 jours pour parcourir 4830 km. Mais cette fois-ci, la préparation est différente parce qu'aujourd'hui on est 3 mamans, donc nous avons moins de temps pour les entraînements. En juin dernier nous avons effectué un test entre Athènes et Monaco : 1800 km en 14 jours, une sorte de répétition générale avec notre capitaine, notre ostéopathe et notre skipper .
P.L : En quoi réside la difficulté de cette traversée ?
A.L : Sur le parcours que nous allons faire, la plus grosse difficulté sera due aux fortes chaleurs puisqu'on est sur le Pacifique Sud entre le Pérou et la Polynésie française. Il va donc falloir se protéger du soleil, penser à bien s'hydrater et aussi se prémunir de la faune marine parce que nous serons dans une zone assez poissonneuse notamment en requins. Donc tout ça on le prépare tant en équipement de sécurité ainsi que des protocoles mis en place que sur un point de vue mental.
P.L : Pouvez-vous nous donner la journée type d'une waterwoman ?
A.L : La traversée se déroule en relais. Nous sommes 6 waterwomen, on va ramer chacune 1h en se relayant. Notre bateau d'assistance est là pour notre sécurité, il a toujours un contact visuel avec nous, des membres de l'équipage étant dédiés à cette tâche. Ils nous donnent également le cap. Sur ce navire on va pouvoir manger, se reposer et toutes les heures on va se relayer. On va donc ramer 4h par jour chacune, jour et nuit. Et l'une des difficultés que l'on aura, c'est que sur cette zone géographique de notre parcours on va avoir 12h de nuit. Et c'est très difficile de ramer la nuit parce qu'on a plus le visuel, on ne peut pas anticiper les mouvements de l'eau, ce qui va en fonction de chacune, nous donner le mal de mer, nous rendre malades. En rajoutant les anxiétés que l'on peut avoir de ramer la nuit, les craintes remontent un petit peu.
P.L : Comment vous êtes-vous prémunies face à la problématique des requins ?
A.L : Nous avons mis en place des équipements pour notre sécurité concernant les requins. Nous avons un système qui s'appelle le Shark Shield qui est positionné sous la planche. C'est comme une électrode alimentée par une batterie qui va émettre un champ électromagnétique dans l'eau afin d'éloigner les requins ou tout du moins les dissuader de s'approcher de la planche. Il y a aussi tout le temps quelqu'un sur le pont du bateau qui scrute l'environnement. Nous avons rencontré des spécialistes qui nous ont expliqué un peu les comportements que pouvaient avoir les requins, démystifier un petit peu les craintes que tout un chacun a sur le sujet. Nous avons mis en place un protocole et en fonction de la distance du requin, s'il s'approche, le bateau va couper sa route, se rapprocher de la rameuse afin de perturber le requin et ainsi lui permettre de remonter à bord.
P.L : Qu'en est-il de vos moments de repos et de votre alimentation ? Suivez-vous un régime nutritionnel ?
A.L : Concernant le repos, cela dépend de chacune. On a une grosse dormeuse, mais quoiqu'il en soit cela s'effectue par petits bouts. Nous dormons environ 3h à 4h peut-être 5 si on arrive à vite s'endormir.
Au niveau de l'alimentation, nous n'avons pas vraiment de régime nutritionnel. De plus nous sommes de bonnes vivantes, on aime manger. On garde évidemment une alimentation équilibrée, on se supplémente de vitamines et minéraux puisque nous n'allons pas pouvoir avoir du frais tout le long de la traversée. Donc pour éviter des carences, nous avons ces apports nutritionnels, des protéines en shaker pour la récupération et les besoins du corps en apport protéinique. Mais dans l'ensemble, l'alimentation reste normale avec bien sûr quelques produits lyophilisés, plus pour le volume que pour autre chose, quelques cuisses de canard, du confit parce qu'on est quand même landaises...
P.L : Quid de l'entraînement physique ?
A.L : On ne va pas faire nécessairement de longues sorties, pas forcément beaucoup ramer parce qu'on va suffisamment ramer par la suite. Nous faisons pas mal de vélo pour garder le cardio, on fait des courses nage-courses (nager et courir) et des élastiques pour la prévention des épaules pour éviter les blessures ou les tendinites. Nous avons de toutes façons à bord un kiné-ostéopathe et une infirmière anesthésiste si jamais le besoin s'en faisait sentir.
P.L : Utilisez-vous un type de matériel particulier ?
A.L : Nos planches sont shapées exprès pour nous en Australie. C'est une marque de Paddle Board, de la marque Deep, modifiées pour apporter des éléments de sécurité comme un compas pour pouvoir garder le cap. Sur certaines planches, nous avons fait une trappe de survie dans laquelle on met des fusées de détresse, valise de détresse, ration de survie ainsi qu'une vhf. Puis nous avons fait poser des bandes réfléchissantes pour la nuit et un design avec des rayures en dessous pour les requins.
P.L : Quel objectif temps vous êtes-vous donné ?
A.L : On se donne 90 jours maximum pour boucler les 8000 km. En effet, nous sommes toutes salariées et ce n'est pas notre job de traverser l'océan. Nous avons donc pris des dispositions avec nos employeurs. Donc au bout de 90 jours, si nous ne sommes pas arrivées, à moins d'être à 200 km du but, on stoppe et on fera notre relevé kilométrique.
J'aimerais rajouter que si vous voulez aider ce projet, que vous soyez investisseurs ou bien particuliers, vous pouvez acheter des kilomètres. Il y a aussi la possibilité de faire des dons libres de la somme que vous désirez. Concernant les dons de 100 euros et plus, vous pourrez gagner au tirage au sort 2 billets d'avion pour Tahiti pour assister à notre arrivée.
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Sébastien Soumagnas
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