Apprendre une langue, c’est bien. La parler dans la vie de tous les jours, c’est mieux. Et pourtant, pour de nombreuses familles du Pays basque, pratiquer l’euskara hors des salles de classe reste un défi. Famili’in Egonaldia, un projet porté par plusieurs associations basques, ambitionne de relever ce défi en proposant des séjours immersifs destinés aux familles. Une initiative soutenue par les collectivités locales et transfrontalières, qui vise à renforcer la place du basque dans le quotidien des foyers.
Comment encourager une pratique plus spontanée de la langue basque ? La question anime depuis longtemps les militants linguistiques du Pays basque nord. Car si les chiffres montrent un intérêt croissant pour l’euskara, notamment via la scolarisation bilingue, la transmission familiale reste un maillon fragile. Trop souvent cantonnée à l’école ou aux formations pour adultes, la langue peine à se faire une place dans la sphère domestique. C’est justement pour combler cette lacune qu’a été imaginé Famili’in Egonaldia.
Un séjour pour casser les barrières linguistiques
Le concept est simple : deux sessions immersives de cinq jours, en avril et en mai, ouvertes aux familles de tous niveaux. Chaque matin, les adultes suivent des cours de langue, tandis que les enfants participent à des ateliers ludiques. L’après-midi, place aux activités communes, où l’usage de l’euskara se fait naturellement, au fil des échanges et des découvertes.
Les séjours auront lieu dans différents territoires du Pays basque, avec une approche transfrontalière assumée : la première session se déroulera entre Baigorri (Basse-Navarre) et Lesaka (Navarre), et la seconde entre Arbona (Labourd) et Orio (Gipuzkoa). L’objectif ? Encourager la rencontre entre familles bascophones de divers horizons, et surtout, décloisonner les usages de la langue.
Il s’agit d’apprendre l’euskara et de le pratiquer dans un cadre naturel, explique Mikel Pomadère, l’un des coordinateurs du projet. Parce qu'en effet, la langue est la plupart du temps réservée aux écoles ou institutions. Alors que ce séjour veut démontrer qu'il peut aussi s'intégrer au quotidien de tout un chacun, que cela soit au travers de discussions, de partages ou encore du jeu.
Un soutien institutionnel pour un projet innovant
Le projet Famili’in Egonaldia bénéficie d’un soutien financier notable. La Communauté d’agglomération Pays basque (CAPB) et l’Eurorégion Nouvelle-Aquitaine – Euskadi – Navarre ont respectivement alloué 15 000 et 30 000 euros pour cette première édition. Le gouvernement de Navarre et la Députation de Guipúzcoa apportent également leur appui.
Cette initiative s’inscrit dans une dynamique plus large de revitalisation linguistique, alors que les disparités territoriales dans l’usage du basque restent marquées. Si en Soule et en Basse-Navarre près de 47,5 % de la population parle basque, la proportion tombe à 23 % en Labourd et à seulement 8,4 % dans l’agglomération bayonnaise. Mathieu Berger, élu régional en charge de l’Eurorégion, précise que pour faire vivre la langue, il faut innover.
Des séjours sur mesure
Chaque session du programme Famili’in Egonaldia a été pensée pour s’adapter aux besoins et aux niveaux des participants. Deux formules sont proposées :
Une immersion de cinq jours et quatre nuits pour les adultes de niveau avancé (B1-B2), entre Baigorri et Lesaka.
Un stage intensif de cinq jours avec une nuitée pour les adultes de niveau intermédiaire (A2), entre Arbona et Orio.
Loin des cours magistraux, l’apprentissage repose sur une approche dynamique et participative. Les familles sont logées dans des centres adaptés, où elles sont encadrées par des professionnels de l’enseignement et de l’animation en basque. Le programme comprend des cours, des activités culturelles, du sport et des soirées festives en immersion totale.
Pour Eneko Gorri, du collectif Plazara, il s’agit avant tout de rendre l’euskara accessible et vivant. En effet, beaucoup de parents n'osent pas converser en euskara avec leurs enfants par manque de confiance concernant leurs compétences. Ces séjours servent donc à les encourager à faire le pas d'intégrer la langue dans leur vie de tous les jours.
Un premier pas vers un réseau bascophone familial
Au-delà de l’apprentissage linguistique, Famili’in Egonaldia ambitionne de tisser des liens entre les familles. À terme, les organisateurs espèrent créer un véritable réseau de parents bascophones, où les échanges et les rencontres permettront de maintenir l’usage de la langue sur le long terme.
Selon Joseba Erremundeguy, élu bayonnais, le but recherché est de réinsérer le basque naturellement dans la vie quotidienne, et de l'intégrer partout où il n'est guère plus utilisé. Cela permet de garder cette langue vivante, de la développer plutôt que de la voir disparaître.
Les inscriptions pour cette première édition sont ouvertes jusqu’au 15 mars auprès de AEK. Si l’expérience est concluante, d’autres sessions seront organisées en 2026, avec des formules enrichies et élargies à de nouveaux territoires.
L’euskara a traversé l’histoire en s’adaptant aux défis de chaque époque. Aujourd’hui, Famili’in Egonaldia veut lui redonner sa place dans le quotidien des familles, là où toute transmission commence.
Sébastien Soumagnas
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