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RENCONTREFranck Laborde et les défis de la maïsculture française

Suite de notre entretien avec le nouveau président de l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM), dont le siège est à Montardon au Nord de Pau.
Franck Laborde, agriculteur à Préchacq-Navarrenx et nouveau président de l'Association générale des producteurs de maïs.
L’agriculteur de Préchacq-Navarrenx nous livre son regard sur quelques grands enjeux concernant cet or jaune dont 36 % des surfaces sont situées dans le Grand Sud-Ouest.

Après s’être confié sur son métier et son engagement dans différentes organisations professionnelles, Franck Laborde revient sur les défis majeurs que doit relever cette filière.

Avez-vous constaté des évolutions dans le métier d’agriculteur ?

Franck Laborde- Effectivement. Aujourd’hui, on parle beaucoup de transition, notamment agroécologique. En réalité, ce sont des choses que nous faisions déjà : au sortir de la guerre, nos grands-parents avaient pour mission de produire à tout prix, y compris au détriment de l’environnement.

Nos parents ont continué cela, mais avaient engagé, sans le savoir, une petite révolution verte de notre métier, que nous amplifions aujourd'hui. La technologie nous offre une meilleure connaissance des besoins des plantes et de la terre. On peut apporter exactement ce qu’il faut, là où il faut. Cette révolution ne fait que commencer !

L’agriculture de demain passera par l’innovation technologique et scientifique ?

F.L.- C’est une certitude. D’après certains instituts techniques, grâce aux avancées des technologies, dans les dix années à venir, nous allons pouvoir baisser de 80% la quantité de produits phytosanitaires utilisés. Cependant, c’est une trajectoire qui ne sera atteignable uniquement si les agriculteurs disposent de solutions alternatives réellement efficaces et économiquement viables.

Malgré tout, des outils sont aujourd’hui disponibles afin de mieux comprendre la plante, mais très coûteux pour les petits agriculteurs. Mieux la comprendre, c’est pouvoir répondre plus efficacement à ses besoins. Par exemple, l’innovation technologique nous aide énormément à mesurer la quantité d’eau présente dans le sol et nécessaire aux cultures. Cela nous permet d’irriguer nos parcelles de manière plus raisonnée.

Un autre exemple ?

F. L. - Des chercheurs ont découvert que certaines plantes envoient, malgré elles, des signaux à leurs prédateurs qui leur permettent de la localiser précisément. A contrario, d’autres plantes envoient un message négatif. S’ils arrivent à trouver le gène responsable de ce message et à le désactiver, ce sera très intéressant pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires pour les cultures. Mais, ces recherches ne seront pas abouties avant 2040.

A quels défis majeurs la filière est-elle confrontée ?

F.L.- Il y en a plusieurs. Premièrement, l’acceptabilité du maïs, qui sert à nourrir les hommes et les animaux. Cette plante est identifiée par la population comme la plante des multinationales, car c’est celle qui a le mieux réagi à l’hybridation dans les années 1970, multipliant par 3 en 20 ans le potentiel du maïs, uniquement par sélection naturelle. Avec l’arrivée des OGM à la fin du siècle dernier, des multinationales se sont emparées d’une partie importante su marché mondial du maïs.

La transition agroécologique est un autre enjeu crucial pour l’agriculture. Pour produire, il nous faut un minimum de moyens : fertilisants, produits de traitement et eau. Aujourd’hui, ces moyens nous sont confisqués. J’ai des collègues agriculteurs qui se font maltraiter par les riverains lorsqu’ils sortent avec le pulvérisateur. Il y a une tension très grande autour des produits phytosanitaires et il faut absolument la faire redescendre.

Qu'en est-il de l'eau ?

F. L. - Oui, c’est le troisième enjeu majeur. Une solution peut être mise en oeuvre à travers trois axes : son stockage, une utilisation efficiente et son multiusage (pour l’industrie ou la biodiversité par exemple). Globalement, il pleut entre 90 cm et 1m80 dans les Pyrénées-Atlantiques. Cette eau, abondante à certains moments de l’année, il faut absolument pouvoir la stockée pour ensuite l’utiliser de façon efficace.

Malheureusement, la législation n’est pas adaptée à ce type d’initiative. Derrière cette thématique, c’est notre indépendance alimentaire qui est en jeu. Car sans eau, nous ne pourrons pas produire suffisamment de nourriture et nous deviendrons de plus en plus dépendants de nos importations.

Image d'illustration

Le développement du label français « bas carbone » va également être une de vos missions…

F.L.- En effet. Créé par les producteurs et les éleveurs de grandes cultures, avec la collaboration du ministère de la Transition Ecologique ce label bas-carbone a pour objectif de contribuer à l’atteinte des objectifs climatiques de la France. Aujourd’hui, nous allons sensibiliser les exploitants locaux.

L’agriculture est une source de captation du carbone et donc de lutte contre le réchauffement climatique. Grâce à la photosynthèse, la plante capte le CO2 présent dans l’air, le stocke et l'utilise pour se développer, puis relâche l’oxygène dans l’atmosphère. L'avantage pour les agriculteurs, c’est d'utiliser moins d’engrais de synthèse pour cultiver leurs parcelles.

Vous revenez tout juste du Salon International de l'Agriculture, qu’est-ce que vous en retenez ?

F.L.-J’ai rencontré beaucoup de décideurs politiques et d’acteurs du monde agricole. J'ai eu des rendez-vous avec le président de la République, avec des députés, des présidents de régions ainsi que les ministres Bruno Le Maire (Economie) et Christophe Béchu (Transition écologique et Cohésion des territoires).

Je leur ai principalement parlé des sujets que nous venons d’aborder ensemble et je les ai sentis plutôt frileux au sujet des manques de moyens de production et des produits phytosanitaires. En revanche, et c’est une nouveauté, il y a une véritable écoute concernant la problématique de l’eau et sur le principe du stockage, de l’efficience et du multiusage de l’eau de pluie. J’en sors avec beaucoup d’espoir, même si je ne suis pas naïf.

Lire la première partie de l'interview : Franck Laborde, nouveau porte-voix des maïsiculteurs français.

Propos recueillis par Noémie Besnard

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