Abonnez-vous
Publié le

DÉCRYPTAGELes médecins généralistes en grève. Justifié, mais inopportun

Des médecins en grève, voilà qui n’est pas banal. C’est pourtant ce qui vient d’arriver durant deux jours la semaine dernière, sous forme d’un mouvement de ras le bol concernant tant la ponction portée, via le budget de la Sécu, à leurs bénéfices, que la réclamation d’une hausse de leurs tarifs et plus généralement, un manque de reconnaissance.
photo d'un médecin

Un arrêt de travail inédit depuis 2015 et la loi Touraine et sa généralisation du tiers-payant, suivi de 60 à 80 % par les toubibs libéraux, lancé avec comme mot d’ordre le passage de la consultatioin de 25 à 50 euros. Il est vrai que le moment est particulièrement mal choisi, en pleine période d’inflation, de hausse généralisée des prix et de menaces de coupures d’électricité. Comme plan de communication positive, on peut mieux faire. Ne connaissant dans notre entourage aucun médecin au SMIC, on frôle l’indécence. Après tout, le revenu moyen d’un généraliste s’élevait en 2020 à 89 700 euros/an… Sans compter le coût supplémentaire de 7 milliards d’euros que devrait subir la Caisse nationale d’Assurance-maladie, tout comme l’augmentation du prix des complémentaires santé, s’ils étaient entendus.

Certes, nos généralistes ont droit à toute notre considération. Ils sont de moins en moins nombreux, et disposent d’un temps de plus en plus réduit pour prendre soin de leurs patients, ce qui nuit à leur éthique et à la qualité de leur prestation. Et 50 euros correspondrait au juste prix de la consultation, en comparaison avec l’intervention d’un coiffeur ou d’un plombier ; comment leur donner tort ? Et si l’on compare avec nos voisins, ils sont moins bien payés que les toubibs d’Angleterre (de 50 %), ou d’Allemagne (de 75 %), la moyenne européenne se situant à 46 euros. Ce qui fait dire au Dr Jérôme Marty, le président de l’UFML-S qu’il faut « un choc tarifaire massif si on ne veut pas que notre système de soin ne s’effiondre. » Quant au sort des 11 % de Français ne disposant pas de généraliste, car vivant dans les fameux « déserts médicaux », on renvoie le problème zux calendes grecques. Ce n’est pas le sujet du jour.

En contrepartie, le Collectif Soignants pour la réforme de santé, à l’origine de la grève, propose que les généralistes assurent une permanence de soins ambulatoires, du lundi au samedi jusqu’à 20 heures, coordonnée par le conseil de l’ordre. Et que chaque médecin traitant ait la responsabilité d’un minimum de 1 200 patients (contre 1 000 en moyenne aujourd’hui), dans le but de mettre fin à la détresse de la population qui n’en trouve pas. Le gouvernement, sensible à ce trou dans la raquette, a d’ailleurs décidé d’ajouter une quatrième année d’internat pour les futurs généralistes, une mesure qui n’entrera en vigueur qu’en… 2027.

Ces deux jours de grève ne sont qu’un coup de semonce. D’ores et déjà, on parle d’une grève des gardes en décembre, puis une nouvelle fermeture des cabinets durant les fêtes de Noël et du Nouvel an, sous forme de « grève dure » comme annoncée par un autre collectif, Médecins pour demain. Côté exécutif, on botte en touche, avec la ministre déléguée aux Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, qui se contente de lancer : « Je ne suis pas sûre que ce soit populaire, ni que ce soit le bon moment. » Sur la forme, elle a très certainement raison. Mais quand va-t-on s’attaquer au fond ?

Dominique Padovani

Commentaires (1)


Réagissez à cet article

Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire

Arthur Lutringer
il y a plus d’un an -
89 000 € en moyenne avec 70h/semaine en moyenne, si on le ramène au 35 heures, 44500 € pour 10 ans d'études (bien difficiles et coûteuse comme les internes sont exploités) et une retraite privée à 2500/2000 € par mois après 65 ans. Un médecin généraliste ne peut pas se permettre d'embaucher une secretaire pour vous accueillir vous ces patients qui ralent de ne pas arriver à joindre votre médecin... Vous avez raison ne changez rien, Ce metier en souffrance où déjà aujourd'hui moins de 40% de diplômés refusent de s'installer pour continuer de vivre et ne pas tomber dans ce cercle vicieux où ils se sentent obligés de délaisser leur vie de famille pour pouvoir voir les patients malades jusqu'à pas d'heure... Ce n'est pas le moment ? 3 fois plus de suicides chez les médecins, tous les médecins se demandent si ils vont pas déplaquer... Et là vous ferez quoi?? Comparez ce qui est comparable svp, trouvez une personne au SMIC qui travaille 70 heures par semaine, qui a fait 10 ans d'études!

À lire aussi