Le musée des Beaux-Arts de Pau est un lieu incontournable pour les amateurs d'art et les curieux. Il offre une occasion unique de découvrir des œuvres majeures et de se plonger dans l'histoire de l'art. Il abrite des chefs-d'œuvre de l'art européen, de Rubens, El Greco, Véronèse ou encore Ribera. Le XIXe siècle est également bien représenté, avec des toiles de Delacroix, Corot, Courbet et Boudin.
En poste depuis le 2 janvier, le conservateur du patrimoine de 38 ans revient sur son parcours, ses passions et les projets qui l’occuperont à ce nouveau poste.
Comment est née votre passion pour la conservation du patrimoine ?
Fabien Leclerc - Dès l’école primaire, j’ai été naturellement attiré par l’histoire et l’archéologie. Au moment de choisir ma voie professionnelle, j’ai pris rendez-vous au Centre d’Information et d’Orientation, qui m’a proposé trois métiers en fonction de mes intérêts : archéologue, historien et conservateur du patrimoine. J’ai étudié l’histoire de l’art et l’archéologie à l’école du Louvre, avant de réaliser un master pro en muséologie un Master 2 en Histoire à Paris-Sorbonne. Ça m’a permis de rassembler mes passions pour l’histoire et l’archéologie.
Quel est le rôle d’un conservateur de patrimoine ? Qu’est-ce qui vous passionne dans ce métier ?
F. L. - Le grand public a construit un imaginaire autour des conservateurs, comme le professionnel qui réalise des expositions et qui est un peu dans le marché de l’art. Oui, ces différentes tâches font partie du travail, et heureusement, car c’est le côté un peu sympa. En réalité, ce grade regroupe plusieurs métiers différents : on est aussi chef de service, avec un volet encadrement d’équipe et ressources humaines, il y a aussi un aspect de gestion des finances et de la gestion administrative, qui occupent en général environ 80% de notre temps. La partie que j’affectionne le plus, c’est notre rôle de chef de projet d’équipe : quand on monte une exposition, il faut choisir l’artiste, gérer la communication, l’accrochage et les conditions de conservation des œuvres, faire attention au volet financier…Chaque exposition est un projet en soi et je trouve très intéressant de pouvoir organiser et travailler en équipe pour monter une exposition. On a aussi la chance de contempler des chefs-d ’œuvres exceptionnels.
Quelles sont les spécificités du musée des Beaux-Arts ?
F. L. - Ce musée a été construit dans un style art-déco à la fin des années 1920. L’ensemble du bâtiment a été spécifiquement pensé pour accueillir les collections, avec des salles longilignes, un atrium central, de la lumière zénithale idéale pour éclairer les collections… Il sert d’écrin aux œuvres. En général, c’est le contraire : neuf fois sur dix, les musées se trouvent dans d’anciennes bâtisses historiques, classées au patrimoine national.
Comment sont gérées les collections ?
F. L. - Nous avons entre 4.500 et 5.000 items [NDLR : les œuvres et les objets de collection], parmi lesquels de grands noms, tels que Rubens, Degas. Mais la majorité des œuvres ne sont pas montrées au public. Il existe plusieurs statuts : il y a des œuvres qui appartiennent en propre à la ville de Pau, certaines sont données ou léguées par des particuliers, d’autres sont achetées par la société des Amis des arts de Pau, ou avec nos propres fonds après avis favorable de l’État. Il y a aussi des prêts d’autres musées, qui sont temporaires, et des dépôts qui durent plusieurs décennies. À noter que les musées ou l’État peuvent également faire des dépôts d’œuvres dans d’autres musées. Ce système s’est bien développé aux 19e et 20e siècles, en particulier de collectivité à collectivité.
Aux Beaux-Arts, à côté des collections permanentes, on réalise des expositions temporaires, durant trois ou quatre mois. Jusqu’au 23 mars, il s’agit de l’exposition « Trésors graphiques », qui recèle de véritables pépites restaurées ou nettoyées et montrées pour la plupart la première fois. C’est l’occasion de découvrir ou redécouvrir certaines oeuvres oubliées, parmi lesquelles : des estampes de Matisse et Cézanne, des dessins de Toulouse Lautrec ou Kees Van Dongen, des lithographies de Suzanne Valadon, Utrillo ou encore Soulages. Une exposition sur le photographe Robert Doisneau débutera fin juin jusqu’à fin septembre.
Quels sont les grands projets pour ces deux musées ?
F. L. - La rénovation du musée Bernadotte va nous occuper encore pendant quelques années. Nous avons aussi le projet de créer une réserve mutualisée entre Bernadotte et les Beaux-Arts. Le bâtiment est inscrit au titre des Monuments historiques sous contrôle de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac). Même si les collections et la bâtisse seront les mêmes, avec l’importance de ces travaux, les visiteurs vont pouvoir découvrir un tout nouveau musée Bernadotte. C’est un projet structurant, autour de la vie passionnante d’un personnage historique. Par ailleurs, nous avons aussi le projet de créer une réserve mutualisée entre Bernadotte et les Beaux-Arts. Les réserves de ce dernier doivent être rénovées pour être en adéquation avec les normes actuelles pour améliorer la conservation et le rangement des collections. Même si le public ne s’en apercevra pas, c’est un projet important pour ces deux musées.
On verra ensuite ce qu’on pourra faire au niveau des Beaux-Arts, peut-être travailler sur une nouvelle muséographie et scénographie, avec la rénovation de certains aspects, notamment la partie musée. Nous aimerions développer davantage nos conditions de conservation, afin de faire des demandes de prêts à des institutions nationales, comme le musée d’Orsay et celui du Louvre. Enfin, je dois me pencher sur la rédaction du projet scientifique culturel du musée des Beaux-Arts. Ce document a pour mission de définir l'identité et les orientations du musée pour cinq ans. Il faut avoir une certaine antériorité dans le service avant de pouvoir le rédiger selon moi, car il faut connaître en profondeur la vie du musée. Il doit être validé en conseil municipal, puis auprès de la Drac.
Une collaboration entre les musées béarnais est-elle envisagée ?
F. L. - Oui, bien entendu. Lorsque j’étais à Tarbes, je travaillais par exemple avec le musée de Salies-de-Béarn pour le prêt d’œuvres. Je viens d’arriver, je n’ai pas encore rencontré tous les acteurs, mais l’idée est de travailler en transversalité avec les autres services patrimoniaux du territoire et de découvrir ce qu’ils ont dans leurs fonds. On collabore déjà avec les archives municipale et départementale, le réseau des médiathèques… On aura de belles choses à exposer, et pas que dans la peinture ! Un artiste est souvent un touche à tout : un sculpteur peut aussi être médailleur, ou un peintre s’intéresser à la gravure. Faire un exposition sur un artiste peut être l’occasion de montrer l’étendu de son talent.
Certains musées utilisent les nouvelles technologies pour attirer un plus large public. Qu’en pensez-vous ?
F. L. - Je considère qu’il n’y a pas de meilleure médiation que la médiation humaine. La présentation des œuvres par des personnes passionnées est une plus-value. Nous avons un service de communication qui est très actif sur les réseaux sociaux et nous avons aussi la chance d’avoir un site internet sur lequel on peut mettre en ligne nos œuvres, ce qui n’est pas systématique pour les musées. D'autre part, des bornes explicatives vont être mise en place au musée Bernadotte. Mais, selon moi, la réalité augmentée et les hologrammes ne se prêtent pas au musée des Beaux-Arts : cette technologie est utilisée par d’autres musées avec un patrimoine historique ancien, ce qui n’est pas notre cas. Quant aux visites virtuelles, c’est encore trop laborieux et la différence de qualité est énorme entre ce qu’on regarde sur un écran et la réalité.
Aujourd’hui, on a un musée qui fonctionne bien : l’an dernier, le musée des Beaux-Arts a attiré environ 31.000 visiteurs, de bons chiffres par rapport à l’avant-covid. Pour élargir notre public, nous allons plutôt miser sur la qualité de nos expositions et de nos visites guidées. À nous d’être pertinent sur nos propositions. Le service communication a aussi un rôle important.
Un souhait ?
F. L. - Les gens oublient souvent que le musée peut être visité gratuitement (hors visites guidées). Tout le monde peut y entrer et flâner entre les œuvres. J’invite les Palois à venir, par goût pour l’art ou simplement par curiosité. Beaucoup de travail m’attend, je vais découvrir le territoire et ses acteurs au fur-et-à-mesure.
Propos recueillis par Noémie Besnard
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