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Au pied du boulevard des Pyrénées, les Rives du Gave se précisent

Le projet est situé sur les communes de Pau, Bizanos, Gelos et Mazères-Lezons, entre le quartier de la gare et le Stade des Eaux vives.
CONCERTATION PUBLIQUE – Autour du futur quartier Rives du Gave
Cette friche industrielle va être profondément transformée en un lieu multi-usage végétalisé et veut relever de nombreux défis.

Ce secteur méconnu du grand public est situé à proximité du centre-ville de Pau, tout en bénéficiant de plusieurs espaces naturels. Pour assurer sa croissance démographique tout en respectant la réglementation de zéro artificialisation nette (ZAN) à l'horizon de 2050 (de la loi "Climat et résilience" du 22 août 2021), la Ville de Pau projette ainsi de réhabiliter les friches, plutôt que de construire une « ville sur la ville ».

« C’est une étape très importante pour son développement urbanistique, économique, écologique et architectural. Le quartier Rives du Gave n’est pas le premier projet à s’intéresser à cet emplacement. Une réflexion autour de cette zone avait été faite bien avant nous, débouchant parfois sur des impasses ou des projets avortés », présente François Bayrou, le maire de Pau.

C’est le studio d’architecture parisien Chamss Arouise, connu des Palois pour travailler en parallèle sur la réhabilitation du projet des anciennes Galeries Lafayette de Pau (lire notre article) qui s’occupe de la maîtrise d’ouvrage de ce nouveau quartier, qui verra le jour d’ici 20 à 25 ans.

Pour s’assurer que les cahiers des charges seront respectés lors des différentes étapes, un plan guide de 120 pages détaillant l’ensemble du programme urbanistique a été créé. « Nous nous sommes rendus sur place et le constat est assez alarmant : nous avons trouvé un ensemble de malheurs, les uns sur les autres, un chaos assez important, du négatif sur du négatif et surtout, un patrimoine qui s’évapore au fil du temps. C’est le site qui est le plus pollué et le plus désartificialisé ».

L’équipe de Chamss Arouise s’est beaucoup intéressée à la friche Dehousse et ses quatre grandes halles de l’ancienne usine Freinrail. Malgré son fort potentiel (35 hectares aujourd’hui inutilisés), son urbanisation présente toutefois de fortes contraintes : en plus d’être située en zone inondable, son sol est pollué, des lignes à haute tension défigurent le paysage et la voie ferrée la coupe en deux.

L’architecte a cependant souhaité redonner vie à ces quatre halles pour des usages qui restent encore à définir, mais en conservant les voûtes et volumes originaux.

Chamss Arouise

Un projet au fil de l’eau

Dans ce plan guide, l’aménagement et l’ouverture sur les rives du Gaves, de l’Ousse et de l’Heïd sont centraux. Il y a 50 ans, le gave de Pau était directement en contact avec la ville. Mais la naissance de la gare et de son chemin de fer a séparé celle-ci du gave.

« Pour nous, ce projet est l’occasion de fédérer et tisser des liens entre les communes impliquées. Le gave de Pau a deux visages pour moi : celui d’un espace boisé, classé et sauvage, rare dans une ville et qu’il faut préserver ; mais aussi celui d’un site très intense, sportif et où l’on peut avoir beaucoup de gens, avec le stade des Eaux vives. Ce double visage est la source de sa richesse et c’est primordial que la population redécouvre ce gave et ne lui tourne plus le dos », ajoute Chamss Arouise.

D’autre part, le réaménagement des berges de l’Ousse apportera une continuité à la promenade aménagée depuis le pôle multimodal de la gare et prévoit de condamner une partie des bâtiments de la Forge Moderne pour en faire un lieu de promenade renaturé et adapté aux différents usages. Pour lutter contre le risque d’inondation, une zone d’expansion des crues est prévue le long de l’Ousse.

Enfin, le canal Heïd sera mis en lumière, grâce à la création d’une grande esplanade de 17 m de large, pensée comme la « Porte des Pyrénées » et faisant la liaison entre Pau, Bizanos et Gelos. Elle sera constituée d’espaces ouverts ou clôturés, de rivages ou de quais, de lieux sportifs, de places et de ponts.

Un quartier en lien avec son environnement

« Pour moi, c’est l’un des plus beaux paysages du monde, qui ouvre la voie à l’aménagement. Mais notre priorité est que celui-ci s’intègre dans cet environnement et ne le dénature pas », confie le maître d’œuvre.

Afin de désartificialiser les sols, le plan guide prévoit la végétalisation de plus de 84.000 m2 (soit plus de la moitié de la surface totale du projet) et la plantation de 2.205 arbres. Cette étape permettra de lutter contre les îlots de chaleur, d’améliorer le bilan carbone et d’apporter un cadre de vie agréable aux futurs usagers. Grâce à ce nouveau quartier, l’espace naturel par habitant va doubler sa superficie à Pau (il est actuellement de 100 m2).

Ce nouveau quartier devrait donc mettre l’accent sur la dimension de « ville-nature » de Pau. Ce dernier s’est inspiré de plusieurs éléments pour les dessins de ses nouveaux bâtiments. À commercer par les toits pentus des clouques (ou glousses), ces maisons à l’architecture singulière évoquent l’image de la mère-poule couvrant sa nichée de ses deux ailes. La travée centrale, fortement dressée, est flanquée de deux ailes qui s’allongent en pente douce. Les Pyrénées et l’architecture du boulevard des Pyrénées et de la place Gramont, très structurées ont également été une source d'inspiration.

Pour les constructions, le cahier des charges insiste sur plusieurs points en faveur de l’environnement : le choix et la teinte des matériaux répondent aussi à une ambition pour lutter contre les îlots de chaleur, pour baisser le bilan carbone et assurer une pérennité des aménagements. L’utilisation de la pierre naturelle, de la brique, des pavés, du stabilisé, des joints enherbés, du bois dans les espaces publics sont autant d’éléments favorables à l’environnement. Le choix de la couleur claire, même pour les enrobés, va également dans le sens de la limitation des impacts sur l’environnement. Résultat ? Des bâtiments parfaitement intégrés au paysage et se fondant dans la végétation.

… et multi-usage

Ce projet d’envergure permettra des usages mixtes (commerce, espaces publics, habitations, bureaux, locaux associatifs…) et offrira une vue « exceptionnelle à 360° » sur le boulevard des Pyrénées, le gave et les Pyrénées en toile de fond.

« Aujourd’hui, on constate que beaucoup de quartiers se spécialisent. Et je le regrette. Avec ce projet, nous allons donc insister sur la mixité des usages et la capacité à passer d’un commerce à des bureaux ou à des appartements. C’est un retour à la générosité de l’architecture du 17e siècle », souligne le maire de Pau.

Les immeubles « d’architecture faubourienne », seront divisés en différentes strates : des rez-de-chaussée dédiés aux parkings (les voitures ne pourront pas stationner dans les rues), aux commerces et à la vie en communauté. De beaux volumes seront adaptés à tous les usages et de grandes terrasses doivent être ouvertes sur la nature. Pour les familles souhaitant additionner les atouts de la ville et de la campagne, le plan guide prévoit la construction de maisons groupées avec de l’espace et des jardins.

Par ailleurs, 5 000 m² seront dédiés aux aménagements sportifs, ludiques, voies vertes, promenades. Des pistes ou bandes cyclables vont être mises en œuvre dans le quartier afin de relier la voie verte du parc naturel urbain, les voies cyclables en cours de création sur Bizanos, et la piste cyclable du pôle d’échanges multimodal. Une deuxième passerelle devrait voir le jour pour relier les Haras de Gelos et faire en sorte que le gave ne soit plus un obstacle infranchissable. Le prolongement du Fébus, le bus à haut niveau de service (BHNS), depuis la gare, est également au programme.

Si on doit attendre deux décennies pour que ce nouveau quartier sorte de terre, les berges de l’Ousse pourraient, quant à elles, rapidement être réaménagées, symbolisant un premier pas vers la reconquête de cet espace abandonné.

En attendant, ce projet d’aménagement urbain, ambitieux et novateur, fera l’objet d’une concertation, qui sera organisée dans les prochains mois pour recueillir les avis des habitants de l’agglomération.

Noémie Besnard

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