Tarbais de naissance, Théophile Gautier a passé près de 30 ans à méditer son chef-d’œuvre, lequel ne fut publié qu’en 1863 par Charpentier. L’éditeur avait insisté, dit-on, pour que l’illustre auteur lui donne une fin plus heureuse que celle prévue à l’origine.
Né à Tarbes, Théophile Gautier (1811-1872) n’y demeura certes pas longtemps. Son père, employé aux contributions directes, y avait été nommé, s’y maria et en repartit avec sa famille alors que le futur poète n’était encore âgé que de 3 ans. Théophile Gautier n’y reviendra qu’en 1860, pour une journée à peine. Mais sur place, où le lycée porte toujours son nom et où une discrète plaque signale sa maison natale, sa gloire avait naturellement suffi à en faire un véritable enfant du pays…
Il ne faut évidemment pas déduire de cette longue absence que le grand écrivain se désintéressait de sa région natale. D’abord, il passa par le Pays basque en 1840, en se rendant en Andalousie, périple dont ressortira son célèbre « Voyage en Espagne », paru 3 ans plus tard (sous le premier titre de « Tra los montes »).
En 1844, Gautier séjourna ensuite en Chalosse avec son cousin Henri de Poudens, le temps de s’imprégner des mœurs locales et de l’atmosphère du château de Castillon, à Arengosse, qui inspira celui du héros du Capitaine Fracasse.
Sigognac, vertueux matamore…
L’histoire de ce chef-d’œuvre, tout le monde la connaît. Comme celles des Trois Mousquetaires de Dumas et du Cinq-Mars de Vigny, elle se déroule sous le règne de Louis XIII. Le baron de Sigognac, dernier représentant de sa lignée, est un jeune aristocrate vertueux mais désargenté. Il cache sa misère dans le manoir familial chalossais, vieille bâtisse décrépite où il demeure avec chien, chat et serviteur.
Un soir, il y reçoit la visite d’une troupe de théâtre surprise par les intempéries. Il héberge celle-ci pour la nuit et la suivra dans ses pérégrinations jusqu’à Paris, dans l’espoir de s’y faire une situation et par amour pour Isabelle, une des comédiennes de la troupe. Pour celle-ci, il tiendra dans le groupe le rôle du matamore en lieu et place d’un des comédiens fraîchement décédé.
Mais avant d’aller affronter le froid et les galères d’une troupe de théâtre un peu plus au nord, nous baignons donc dans les Landes, où Sigognac est dédaigné par la hautaine Yolande de Foix, nom probablement suggéré à Gautier par Euphrasie de Foix-Candale, une demoiselle d’Hagetmau dont il a entendu parler pendant son séjour.
En la personne du duc de Vallombreuse, c’est un genre de matamore bien réel qui dispute la belle Isabelle à Sigognac, allant jusqu’à l’enlever, bien sûr pour forcer notre jeune héros à venir la délivrer, avant un ultime rebondissement dans le plus pur esprit romantique, inscrivant le roman de Gautier dans la continuité de grandes œuvres comme l’Ivanhoé de Scott ou les Chouans de Balzac.
Gautier, pourtant, penchait pour donner à son « Capitan » une fin des plus sombres. C’est Charpentier qui l’a convaincu de la changer pour mieux satisfaire le lecteur de l’époque. Et même si tout cela finit peut-être un peu trop bien, l’on ne peut qu’être admiratif devant les ficelles imaginées par notre grand écrivain pour boucler son roman tout en suivant le conseil de son éditeur.
Un chantier de 3 décennies…
Paru en 1863, « Le Capitaine Fracasse » fut certainement la plus grande affaire de Gautier. Imprimé en deux volumes 27 ans après la première annonce de sa publication, il a résulté d’un fort long cheminement intellectuel.
À l’arrivée tout y est, dans un style plein de verve, foisonnant de détails soutenus par l’extraordinaire richesse du vocabulaire. L’œuvre tient évidemment davantage du conte que de la peinture ultra-réaliste, mais le tableau merveilleux frappe tout de même par le soin tout particulier qu’a accordé Gautier aux détails historiques.
Les deux exigences de divertissement et de véracité, en apparence contradictoires, font finalement de la parodie prévue du « Roman comique » de Scarron une œuvre vraiment unique en son genre. Néanmoins, on aura bien compris qu’ « il ne faut pas lire Le Capitaine Fracasse comme un roman vraisemblable », comme l’écrit à juste titre Antoine Adam dans sa préface de l’édition Folio.
Pour finir sur une touche d’actualité, on notera la récente et réjouissante adaptation théâtrale du roman par Jean-Christophe Hembert (l’excellent Karadoc de la série Kaamelott), assez dans l’esprit du roman. Si la tournée a été un peu plombée par le covid, ce spectacle doit être joué cet été aux fêtes nocturnes de Grignan, dans la Drôme. Pour les Chalossais (et les autres !) qui passeraient leurs vacances d’été en Ardèche…
Pour découvrir l’édition d’Antoine Adam – c’est ici
Plus d’informations sur l’adaptation de Christophe Hembert – cliquez ici
Déjà paru cet été
- « Chez nous » avec Joseph de Pesquidoux - cliquez ici
Pour relire les cahiers de vacances de l’été 2020
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