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L’artisanat dans les Pyrénées-Atlantiques est-il en danger ?

La transmission des savoir-faire est la principale préoccupation de la Chambre de métiers et de l’artisanat départementale.
Thibaut Dupouy, directeur de la CMA 64 et Jean-Bernard Viven, président de la CMA de Nouvelle-Aquitaine.
Mercredi dernier, la CMA 64 a présenté son étude de conjoncture annuelle sur l’artisanat.

Depuis le 1er janvier 2023, n’importe quelle entreprise doit s’immatriculer auprès du guichet électronique des formalités d’entreprises (ou guichet unique) de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Cette nouvelle norme chamboule quelque peu les habitudes et les données de la CMA, qui, jusqu’alors, était le passage obligé pour immatriculer, modifier ou radier une société artisanale. Depuis plus de 10 ans, c’est la première fois que la courbe de création d’entreprise est décroissante, avec 1.545 entreprises créées sur le territoire en 2023, principalement dans les secteurs du nettoyage de bâtiment, de l’esthétique hors salons et dans la maçonnerie/gros œuvres)

Les équipes de la CMA Nouvelle-Aquitaine expliquent cette tendance par l’instauration de ce guichet unique de l’INPI, qui oblige de passer par cette plateforme numérique. « Aujourd’hui, la qualification, la reconnaissance de la certification et du titre d’artisan ne sont pas reconnus au niveau national. On n’a donc pas le moyen de contrôler l’activité, car elle n’est pas réglementée à ce niveau. C’est en train d’évoluer et l’INPI nous a promis des changements », constate Thibaut Dupouy, directeur de la CMA des Pyrénées-Atlantiques.

Autre nouveauté de cette étude de conjoncture, la part des entreprises artisanales de services est en hausse. En effet, en 2023, les services ont en effet, rattrapé le bâtiment parmi les secteurs d’activités qui enregistrent le plus de création d’entreprise (36 % chacun).

Là encore, l’explication trouve sa source auprès de l’INPI : « Lors de la création de son entreprise sur la plateforme de l’INPI, un entrepreneur peut sélectionner une catégorie ‘’non qualifiée/règlementée’’ pour ne pas avoir à justifier d’un diplôme dans son futur secteur d’activité, ce qui le positionne d’office dans le secteur des services », note-t-il.

La transmission au centre des préoccupations 

L’an dernier, 63% des sociétés établies sur le territoire étaient des microentreprises (contre 50% en 2022) et 67% des nouvelles créations possédaient ce statut. Cette tendance peut s’expliquer par la volonté du gouvernement d’encourager la création de microentreprises, en proposant notamment une fiscalité plus avantageuse.

« Les porteurs de projets ont intérêt à créer une microentreprise afin de bénéficier de programmes nationaux ou régionaux, au début de leur activité. Il y a aussi les retraités qui souhaitent avoir un complément de revenu, sans pour autant chercher à développer leur activité », détaille le directeur de la CMA 64.

Dans le département, 50% des microentreprises ont plus de 10 ans. Elles ont donc atteint leur stade de maturité et l’argument de la jeune entreprise qui doit patienter pour embaucher ne tient dès lors plus la route. L’âge moyen des artisans (46.6 ans) est également un facteur aggravant sur cette question, accentuant ainsi le besoin de transmettre ses compétences pour ne pas les perdre.

« En tant qu’artisan, notre expérience et nos compétences sont notre fonds de commerce. Sans la transmission, c’est la pérennité de l’artisanat est en danger. En tant que Chambre de métiers, la formation des jeunes générations est également cruciale, mais ne peut se faire qu’en intégrant une entreprise. On assiste donc à une perte des savoir-faire assez importante », explique Jean-Bernard Viven, président de la CMA des Pyrénées-Atlantiques.

En plus de sa mission d’accompagnement à la création, au développement et à la transmission des entreprises artisanales, la CMA porte l’ambition d’être un acteur majeur et de confiance de la formation sur le territoire.

Des formations pour tous

En 2023, l’Université des métiers, le centre de formation des apprentis de la CMA, a accueilli 1.182 apprenants, dont une centaine d’adultes, dans ses CFA de Bayonne et de Pau. Ces derniers proposent différents parcours allant du CAF au BTS dans les domaines de la mode, de la beauté, des métiers de bouche et dans le secteur automobile.

« L’artisanat continue de séduire les jeunes. Depuis le covid, la proportion d’adultes en quête d’un métier ayant du sens a beaucoup augmenté. D’autre part, 85% des nouveaux diplômés trouvent un emploi dans les six mois après leur formation », assure Jean-Bernard Viven.

Cependant, les régulières baisses de financement de l’apprentissage de la part de France Compétence, compliquent le travail du directeur de la CMA 64 : « On a essuyé en septembre dernier une baisse moyenne de 5% des coûts-contrats, c’est-à-dire de notre rémunération sur l’ensemble de nos formations et le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, vient de faire de nouvelles annonces. Cette situation nous impacte grandement, puisque sur nos 12 diplômes les plus rentables, dix sont désormais déficitaires (le CAP coiffure notamment). Si on veut pouvoir continuer à former de façon qualitative, notre seul levier est d’augmenter le nombre d’apprenants. Ce défi a du bon, car il va accélérer la modernisation de notre modèle économique et pédagogique, pour être davantage compétitif ».

La CMA accompagne les artisans tout au long de leur vie professionnelle, du projet à la transmission de leur entreprise. La chambre consulaire leur propose ainsi des formations courtes dans de nombreux domaines (parcours créateurs, rh management, comptabilité et gestion, commercial, numérique, règlementation…), afin de les aider à développer leur activité.

Cette année, 43% des artisans souhaitent s’inscrire à des formations de la CMA 64. À noter que la moitié des entreprises accompagnées par la chambre sont toujours en activité cinq ans après leur création. « En 2024, nous souhaitons monter en puissance sur notre capacité à accompagner les entreprises n’importe où dans le département. Les artisans sont en demande, donc à nous d’y répondre », insiste le directeur de la CMA 64.

Noémie Besnard

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