L'histoire de la Maison Casteigt est avant tout une affaire de famille et de transmission. L'origine de ce savoir-faire remonte à 1961, lorsque les parents de Jean-Marc Casteigt exerçaient le métier de charcutiers-traiteurs.
C'est auprès d'eux que Jean-Marc apprend les gestes de l'artisan, héritant d'une exigence de qualité et d'un goût prononcé pour les produits travaillés de manière saine, simple et naturelle. « Je me suis fait renvoyer du Lycée Saint-Dominique lorsque j’étais en seconde. J’avais voulu intégrer tout de suite l’entreprise familiale, car je trouvais cette activité très intéressante, pleine de vie, mais mon père n’a pas voulu. J’ai finalement obtenu un BEP de comptable, avant de partir faire mon service militaire. Ce n’est qu’après cette période de j’ai pu travailler avec mes parents », retrace-t-il.
Jean-Marc Casteigt ne s'est pas contenté de perpétuer une tradition. Au fil de son apprentissage, Jean-Marc Casteigt s’intéresse particulièrement au fumage du saumon. « Mon père avait un fumoir et la majeure partie de nos produits étaient transformés sur place, sauf les homards et le saumon fumé, que nous vendions durant les fêtes de fin d’année. Très curieux de nature, j’ai commencé à m’intéresser au procédé de fumage, en faisant de petites expériences après la fermeture du laboratoire. Je me suis lancé en autodidacte ».
Pendant plusieurs années, il multiplie les essais techniques dans le fumoir à viandes familial, affinant sa technique et perfectionnant son savoir-faire jusqu'à développer et en breveter un procédé unique pour le fumage artisanal de ses saumons, en 1991.
Jean-Marc Casteigt décide finalement de se lancer officiellement en 1989, avec la création de l'activité dédiée au saumon fumé à Pau, sous le nom Jean-Marc Casteigt Saumon Fumé. Pour matérialiser sa vision et son approche unique, il construit son propre fumoir en briques et décide de se consacrer alors exclusivement à l'art du saurissage.
Un savoir-faire reconnu et transmis à la nouvelle génération
L’artisan devient le premier Maître Artisan Saurisseur de France, en 1991. « J’ai voulu passer un diplôme, donc je me suis rapproché de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat des Pyrénées-Atlantiques. Après étude de mon dossier, j’ai finalement obtenu ce titre et c’est en voulant créer un club des Maîtres Saurisseur, que je me suis aperçu qu’aucune autre CMA de France n’avait d’artisans avec un tel titre », s’amuse Jean-Marc Casteigt.
Une qualité reconnue officiellement par l'État français à travers le label Entreprise du Patrimoine Vivant, obtenu en 2022, et saluée par des guides gastronomiques influents comme Gault&Millau.
L'avenir de la Maison Casteigt est assuré, puisque la troisième génération a intégré l’entreprise familiale dès 2009. Marie-Sophie, la fille de Jean-Marc, son mari Nicolas, et Pierre, le dernier fils de Jean-Marc Casteigt, constituent la jeune génération.
Leur intégration assure ainsi la pérennité de l'héritage et le maintien du niveau d'excellence qui caractérise l'entreprise familiale. « Je ne sais pas encore combien de temps je resterais dans l’entreprise, car même si je vais avoir 65 ans cette année, je m’y sens encore très bien et nous avons encore de beaux projets à concrétiser », confie l'artisan saurisseur.
Un produit artisanal de qualité
La persévérance et l’expertise de Jean-Marc Casteigt sont couronnées en 1999, lorsqu'il devient le premier artisan en France à recevoir le titre de Maître Artisan Saurisseur. Cette distinction nationale consacre sa maîtrise exceptionnelle du métier.
Puis en 2005, une autre reconnaissance majeure vient valider sa démarche : le saumon fumé Casteigt reçoit le prix Goût & Santé, décerné par la MAAF avec le soutien des Chambres de Métiers et de l'Artisanat (CMA) et reconnu par Gault & Millau. Ce prix souligne spécifiquement l'alliance réussie entre saveur et qualité nutritionnelle, un aspect fondamental de la philosophie de la Maison.
Le saumon fumé Casteigt est le produit emblématique autour duquel la réputation de la Maison s'est construite. Sa qualité exceptionnelle repose sur une philosophie claire : travailler le poisson le plus naturellement possible.
Le cœur du savoir-faire réside dans le procédé de fumage unique au bois de chêne, développé et breveté par Jean-Marc Casteigt. Ce processus se distingue par une technique qui épure la fumée, éliminant la majorité des composés potentiellement nocifs, tels que les benzopyrènes (des hydrocarbures aromatiques polycycliques) issus de la combustion du bois. La fumée est produite à partir de sciure de chêne provenant d'une entreprise locale, renforçant l'ancrage territorial.
L'ensemble du processus est mené selon des méthodes artisanales précises : le salage est effectué par massage, le fumage est constamment surveillé, la maturation est lente et adaptée à chaque poisson, et enfin, la découpe est réalisée exclusivement à la main. Ces gestes méticuleux contrastent fortement avec les méthodes industrielles et visent à sublimer le produit.
« J’ai décidé de bannir le saumon sauvage, car je ne voulais pas faire d’argent sur une espèce en voie de disparition. Aujourd’hui, on le voit bien, car les saumons sauvages ont atteint des seuils critiques. Donc nous utilisons du saumon d’élevage, qui est très décrié. Ce n’est pas parfait, loin de là, mais les professionnels ont eu une prise de conscience de l’impact écologique de leur activité et les normes sont de plus en plus strictes. L’innovation permet également des pratiques optimisées et plus respectueuses de l’environnement », précise l’artisan saurisseur.
Le résultat est un saumon fumé décrit comme frais, noble et gourmand, reconnu pour ses qualités gustatives authentiques, mais aussi pour son profil sain.
Valoriser un déchet en une matière noble
Cette démarche d’exploration s'est poursuivie au fil des années, avec la création de la marque Cuir Casteigt et le brevetage du procédé de tannage du cuir. Ce projet audacieux est né en 2016 d'une volonté profonde du Maître Artisan Saurisseur : réduire les déchets de son activité en valorisant l'intégralité du saumon.
Le défi principal de ce nouveau projet résidait alors dans le processus de tannage. L'entreprise familiale souhaitait impérativement une méthode sans produits chimiques nocifs, notamment sans métaux lourds.
Cependant, les recherches initiales auprès des tanneurs, en France puis à l'étranger, se sont heurtées à un obstacle majeur : personne ne maîtrisait ou n'utilisait une telle méthode pour les peaux de poisson, et les essais avec des méthodes existantes donnaient des résultats de qualité insuffisante.
Face à cette impasse, plutôt que d'abandonner ou de faire des compromis sur ses exigences écologiques, la Maison Casteigt a choisi d'investir dans la recherche et le développement. En collaboration avec des ingénieurs italiens, elle a travaillé pendant près de deux ans pour créer et perfectionner sa propre méthode de tannage, à base de teintures naturelles.
« Une fois tranchées, les peaux sont salées, mises sous vide, congelées et ensuite envoyées à une tannerie italienne. Elles sont ensuite stockées pour être teintes en fonction des besoins des clients. Tout le processus demande deux mois de travail », expose Jean-Marc Casteigt.
Résultat ? Un cuir marin unique, durable, de grande qualité et aux applications quasiment illimitées : des casquettes aux chaussures, en passant par les matériaux de sport, la mode, maroquinerie, des bracelets de montre…
« Les marques de luxe utilisent encore beaucoup les peaux de serpents et de crocodiles, car elles sont une marque de richesse recherchée par leurs clients. Même si les choses avancent lentement, je suis convaincu que le cuir marin va être plébiscité dans les années à venir », souligne celui qui recherche actuellement des solutions pour recycler les têtes et les arêtes de saumon.
Noémie Besnard
COUPS DE POUCE
Le saumon de la Maison Casteigt recherche actuellement de nouveaux distributeurs : épicerie fine, grande et moyenne surface, poissonniers, restaurateurs… « Tous ceux qui veulent acheter nos saumons ! Plus de 90% de notre activité est dédiée aux professionnels ».
En attendant, le public peut dès à présent déguster ses produits chez les deux poissonniers des Halles, au Berry, à l’Hôtel Parc Beaumont, Au Bord de l’Eau, aux Halles de Nay et dans bien d’autres lieux…
Pour le moment, la marque Cuir Casteigt représente surtout un investissement pour l’entreprise familiale Béarnaise. « Nous envoyons régulièrement des échantillons gratuits pour des essais, notamment au Canada, en Suisse et à Hong Kong, mais aussi en local, avec le Soulor 1925. Comme c’est encore récent, nous n’avons pas beaucoup de recul sur l’utilisation de ce matériau sur le long terme. Mais il peut être utilisé de toutes les manières imaginable .Je suis très curieux et ouvert à toutes les collaborations », assure Jean-Marc Casteigt. L'invitation est lancée !
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