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PORTRAIT PASSIONBouziane Bouteldja, la danse comme valeur citoyenne

Prochainement nommé Citoyen d’Honneur de la Ville de Tarbes, son parcours hautement inspirant et exceptionnel en donne les raisons…

Il a grandi à Soues, au sein d’une famille algérienne de neuf enfants. Des études pas franchement faciles, dans un cadre pas forcément idéal, mais il parvient malgré tout à décrocher son baccalauréat. Au fil des rencontres fortuites, son énergie bouillonnante le hissera sur le devant de la scène, pour y rayonner bien au-delà de la danse.

« L’année avant mon bac, en 1997, on nous a proposé avec des copains de faire un atelier de danse au foyer des jeunes du quartier Mouysset, à Tarbes. Je ne voulais même pas y aller. Le professeur venait de Toulouse. Il s’appelait Tayed Benamara, et faisait du break dance. En une heure de cours, j’ai complètement flashé. Il m’a parlé avec des mots magiques, et  m’a sorti de mes habitudes. C’est de là que tout est parti » raconte Bouziane, avec cette formidable énergie que l’on retrouve jusque dans sa voix.

Il s’entraîne seul, chez lui, intensément, en attendant avec impatience de retrouver les ateliers de danse aux prochaines vacances d’été. « J’ai progressé techniquement, et j’ai invité d’autres jeunes à venir danser avec moi. On n’avait pas de local, beaucoup de gens s’arrêtaient pour nous regarder. On s’est dit alors : pourquoi ne pas louer nous-mêmes  une salle, et nous rembourser avec des cours que l’on donnerait ? ».

Les mairies de Soues et Tarbes répondent présentes, et le succès est phénoménal, d’autant que les tarifs restent accessibles pour n’exclure personne. La trentaine d’élèves la première année fait plus que doubler l’année suivante, puis dépasse largement la centaine, atteint les 400 la quatrième, et finit par s’envoler allègrement jusqu’à 800. En 2005, Bouziane quitte son travail de surveillant de collège, et devient salarié à plein temps de l’association Dans6T, qui en compte aujourd’hui 45.

« En 2008, j’ai arrêté de donner des cours, parce que j’avais vraiment envie d’écrire mes pièces. Je voulais aborder tous les sujets, sans tabou, en me servant de mes expériences pour parler avec sincérité, sans chercher à offenser, tout en sublimant le message par ma chorégraphie ».

Sa sœur Leïla prend alors en charge la partie administrative de l’association (elle en est aujourd’hui directrice), et les rencontres successives l’aident à s’engager dans cette nouvelle voie : Chloé Le Nôtre, du Centre Chorégraphique National de Rennes, qui programme pour la première fois son spectacle devant des professionnels, ou encore Gilles Rondot, qui devient administrateur de la compagnie et son conseiller artistique. Il y a aussi Coraline Lamaison, une dramaturge de Toulouse qui arrive avec son univers, et va lui transmettre un bagage crucial lui permettant de devenir le chorégraphe qu’il est aujourd’hui. « Je la considère comme un mentor » confie Bouziane.

La danse permet d’aller chercher en soi des choses que l’on ne trouve pas forcément dans le sport ou les mots. 

En parallèle, il multiplie les actions avec Dans6T, dans les quartiers, les campagnes les plus reculées, pour essaimer la danse, langage universel, comme une forme de thérapie permettant de s’exprimer, se libérer. La laïcité, la lutte contre la discrimination, l’homophobie, la radicalisation, l’obésité… aucun sujet n’est exclu.

« On veut faire comprendre aux gens que la danse permet d’aller chercher en soi des choses que l’on ne trouve pas forcément dans le sport ou les mots. Le mouvement est inné, on le possède tous à la naissance. La danse, c’est comprendre ce que veut raconter ton mouvement, ce que tu dis avec ton corps, comprendre pourquoi tu bouges. À partir de là, tu peux travailler sur tes émotions, des choses qui te font mal … ».

Souvent, je pense à mon père qui a quitté l’Algérie à 20 ans… 

C’est pour cela que Bouziane considère l’ouverture du centre “Open Danse”, les nouveaux locaux de l’association, comme une victoire bénéfique pour tous. « Ce lieu va nous permettre d’accueillir dans des conditions idéales danseurs professionnels et amateurs qui pourront se côtoyer, les compagnies qui viendront en résidence artistique… Il nous aidera également à poursuivre nos actions - comme l’apprentissage et l’aide numériques - auprès des publics des quartiers et des campagnes, en les décloisonnant ».

Nommé Chevalier des Arts et des Lettres en 2016, le chorégraphe fondateur de Dans6T deviendra prochainement Citoyen d’honneur de la ville de Tarbes. « C’est une fierté par rapport au parcours de toute une équipe qui s’est consacrée à la danse. Mais c’est surtout une fierté pour nos parents qui se sont battus pour que l’on puisse exister ici, dans ce pays. Souvent, je pense à mon père qui a quitté l’Algérie à 20 ans, et qui a donné sa vie pour la France et ses enfants… ».

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