Cet éclairage est essentiel pour imaginer, mais aussi comprendre, ce fil rouge intime qui va le guider à Matignon, en plus de ses priorités de premier ministre, chargé de tenir la barre d’un pays en pleine tempête.
Quelles que soient les opinions portées sur le président du MoDem, les Français ne peuvent que souhaiter que François Bayrou réussisse dans cette mission complexe au terme d’une année qui restera dans l’histoire, avec 4 locataires successifs à Matignon. Un record !
Le maire de Pau (73 ans), sans majorité et représentant l’une des composantes les plus petites à l’Assemblée nationale (36 députés, 6% du Parlement), a-t-il la moindre chance de s’imposer pour au moins éviter une nouvelle censure ? Il a, dans tous les cas, un atout : sa capacité à parlementer et à négocier, parfois avec vigueur. Comme vient, une nouvelle fois, de l’expérimenter à ses dépens Emmanuel Macron.
Si l’on en croit les médias nationaux ayant de multiples oreilles (cette fois-ci plutôt concordantes) dans les couloirs du palais de l’Élysée, ce vendredi 13, le Béarnais aurait forcé sa chance, en « tordant le bras » du président pour imposer sa nomination. Convoqué à 8h30, à l’Élysée, pour lui faire avaler la pilule de n’être que le N°2 du prochain gouvernement, François Bayrou aurait menacé d’annoncer son divorce avec le président, et de faire ainsi définitivement exploser le camp macroniste. On imagine assez bien la scène.
D’où cette matinée lunaire, suivie en direct par les médias français et de nombreux pays. Finalement, juste avant 13 heures, le président a cédé et a fait machine arrière, offrant à son « allié » les clés de la partie, plutôt qu’à son ami Lecornu adoubé par Sarkozy.
Il faudra suivre dans les prochains jours comment se traduira cet épisode qui laissera forcément des traces. En vue des élections présidentielles, le Béarnais a tout intérêt à montrer qu’il s’affranchit du président, qu’il ne dépend plus de lui pour nommer les ministres et pour définir son projet de gouvernement. Mais, inversement, il peut être fragilisé par les foudres venant de la rue du Faubourg Saint-Honoré.
Pourquoi ce bras de fer ? Cette année, François Bayrou a postulé ouvertement avant la nomination de chacun de ses trois prédécesseurs, Élisabeth Borne, Gabriel Attal et Michel Barnier. Trois lourdes déceptions dont il ne se cachait pas. Allait-il une nouvelle fois subir ce qu’il considère comme autant d’humiliations ? Fallait-il tenter le tout pour le tout ? C’est cette option qu’il a choisi, et Emmanuel Macron a visiblement compris que son visiteur ne bluffait pas.
Mais, cet acte, d’autant plus audacieux qu’il ne pouvait pas échapper aux « observateurs » de la presse accréditée à l’Élysée, a été inspiré par la conviction de l’enfant de Bordères que les planètes étaient enfin alignées pour lui. Dans un pays fragilisé, sans majorité, revenu au régime des partis politiques façon IVe République, il est convaincu que lui seul peut sortir la France de l’impasse. Il faut reconnaître qu’il est aussi à l’aise qu’un poisson dans l’eau... dans un tel bain de carnassiers.
On peut imaginer aisément que sa stratégie sera de forger son personnage - d’État -, en vue de la prochaine Présidentielle (anticipée ou pas) et d’arriver à tenir jusque-là en montrant qu’il est l’homme de la « réconciliation » et de l’apaisement. Donc, son obsession quotidienne sera d’éviter les remous et les déferlantes, d’esquiver les attaques et les peaux de bananes, de viser des consensus improbables aux multiples facettes pour tenir jusqu’à l’échéance suprême.
Aussitôt nommé, François Bayrou a convoqué Henri IV : « Dans des temps plus difficiles que ceux que nous vivons aujourd’hui, il a fondé sa rencontre avec la France sur la nécessité de sortir des guerres stupides pour se retrouver sur l’essentiel qu’est l’avenir du pays ».
La présentation de sa biographie du roi de France et de Navarre, en 1994, est éloquente : « Ce livre n’est pas seulement l’histoire d’une vie. Il est aussi une tentative pour comprendre l’entreprise de réconciliation nationale, et le plus spectaculaire redressement financier, économique, politique et moral, que notre pays ait connu ».
Tout est dit.
L’accession de François Bayrou au trône de Matignon un 13 décembre, jour du 471e anniversaire de la naissance du bon roi Henri à Pau, est un signe (même s’il a été légèrement forcé). Le « destin » ?
Reste que cette dernière marche vers le sacre, s’annonce bien haute. Les très nombreux concurrents dans la course à l’Élysée vont vite mesurer le danger et lancer leurs tirs de barrage. On peut (hélas) redouter que la guerre de succession prenne le pas sur le combat indispensable et urgentissime pour sortir la France de l’ornière.
François Bayrou a du pain sur la planche pour écrire la dernière marche menant à son destin. Nous ne pouvons que lui souhaiter de trouver la bonne voie… dans l’intérêt de la France.
Réagissez à cet article
Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire