Mais là où ceux-ci balancent les décibels, Nadau œuvre dans le mélodieux, le populaire, dans la ritournelle que l’on se surprend à fredonner en voiture ou sous la douche – rapide, la douche, faut économiser le gaz du chauffe-eau et sauver la planète -. Même si on ne l’a entendu qu’une seule fois, instinctivement, voilà-t’y pas qu’on reprend le refrain, la plupart du temps en yaourt, faute d’avoir choisi gascon ou béarnais en langue optionnelle à l‘école. C’est qu’à cette époque, on s’en tamponait le coquillard, de la tradition, du terroir et de l’enracinement ; on sublimait le marketing, la réussite à la Tapie, la pilule et le Rubiks Cube. Deo gracias.
Revenons à notre cher Nadau, diantrement plus emballant. Quiconque a assisté à l’un de leurs concerts n’en est pas sorti indemne. Ainsi à l’Olympia parisien, rempli à ras-bords à quatre reprises, la dernière fois en 2014, quand un public tout acquis à sa cause reprenait à tue-tête De cap tà l’immortéla (le nom de l’edelweiss en occitan) devenue l’hymne naturel de la Section paloise, et L’encantada, entonnée lors des matchs de l’Élan béarnais ; leurs deux succès quasi planétaires, on exagère à peine. On ne cassait pas les fauteuils comme au temps de Gilbert Bécaud et de Vince Taylor, mais pas loin. Lors d’un nouveau show dans la même antre, en 2005, un train de 900 fans était descendu à Paris (descendu, car on vit plus haut dans les Pyrénées), chaque billet d’entrée donnait droit à un disque de 14 titres de chansons à apprendre et à reprendre en chœur. Innovants, en plus !
À la composition (160 chansons à ce jour), à la baguette, à l’accordéon et au chant, soulevons notre béret devant une sacrée personnalité : Joan de Nadau, ex prof de maths durant 38 ans à l’École normale de Foix et au collège d’Arthez-de-Béarn, propulsé dès sa retraite au statut de star pépère, ou à tout le moins capitaine charismatique de la frégate Nadau, qui pousse la politesse jusqu’à raconter en français les paroles de la chanson qu’il va interpréter. Les malentendants hors Sud-Ouest apprécient. Derrière, ça assure façon pro, avec un combo de haute volée, qui accueillit un temps le batteur des Chaussettes noires, Gilbert Bastelica, à qui succède Fabrice Manconi, formé aujourd’hui de Ninon Maffrand (Mme Joan à la ville), au chant et aux claviers, Sèrgi Cabos et Jean-Pèir Medou aux guitares, Cédric Privé au violon et Michaël Tempette à la cornemuse.
Malgré l’âge canonique du groupe, l’heure n’est pas encore au bilan, même s’il peut se vanter d’avoir assuré plus de mille soirées, sorti 13 albums (dont 8 en CD), 3 vidéos, 2 DVD et vendu 60 000 disques. Un petit score, venez-vous de penser dans votre barbe, comparé à ceux d’Orelsan (340 000 ventes de de son Civilisation), ou de Grand Corps malade (500 000 de Mesdames). Mais voilà, Nadau ne se vautre pas dans la facilité du rap, fait des pieds de nez à l’industrie musicale mercantile et n’en a que faire d’être invité à la Star Ac’. Question de génération. De talent, aussi.
Ne vous reste plus qu’à participer à la fête : pour célébrer ses 50 ans d’existence, Nadau va l’an prochain incendier le Zénith de Pau les 3, 4 et 5 novembre 2023. Deux heures d’un rendez-vous chargé d’humour, de tendresse et de poésie, on ne manquera ça pour rien au monde. « On est du pays de ceux qui nous ont aimés » affirme l’une de leurs chansons. Tu es donc partout chez toi, cher et enchanteur Nadau.
Dominique Padovani
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