Depuis 30 ans, le Conseil de développement du Pays Basque (CDPB) – ou Garapen Kontseilua, pour les bascophones – œuvre à donner de la voix à celles et ceux qui font battre le cœur du territoire. Une instance atypique, sans pouvoirs institutionnels mais avec une mission de taille : faire entendre la société civile dans les grandes orientations du territoire. Né en 1994, le Conseil n’a cessé d’élargir ses horizons, jusqu’à intégrer aujourd’hui 419 membres, dont un tiers de citoyen·nes, tous issus d’une kyrielle de secteurs et d’expériences, comme autant de visages du Pays Basque intérieur et côtier.
Dans le sillage de ses travaux « Pays Basque 2010 » puis « Pays Basque 2020 », le CDPB trace aujourd’hui une nouvelle route : Iparralde 2040, une vaste démarche de prospective citoyenne. L’enjeu est de co-construire une vision partagée et désirable de ce que pourrait être le territoire dans 15 ans. Une utopie réaliste, enracinée et collective.
Une démarche pas comme les autres
Ce qui rend Iparralde 2040 unique, c’est d’abord sa nature profondément citoyenne. C’est un appel à la palabre et à la projection, porté par une association qui met la démocratie participative au centre de son fonctionnement. À l’heure où les défis climatiques, sociaux et économiques imposent des virages souvent abrupts, cette démarche vise à poser les bonnes questions, sans toutefois prétendre apporter toutes les réponses.
C’est aussi un processus qui ne s’arrête pas aux portes des salles de réunion. Au contraire, il va à la rencontre des habitant·es, des associations, des structures éducatives, économiques et culturelles, pour donner la parole aux voix les plus diverses. Car l’avenir du territoire se rêve et se débat à plusieurs, entre doutes, enthousiasmes et désaccords.
La prospective a parfois mauvaise presse, rythmée par des graphiques froids ou des scénarios-catastrophes. Mais ici, la méthode est toute autre : Iparralde 2040 mise sur le jeu coopératif, les ateliers sensibles, les discussions ouvertes, les interrogations collectives. L’objectif est de faire émerger une matière vivante, un récit à plusieurs voix, un carnet de bord pour demain.
Depuis le printemps 2024, une commission d’une vingtaine de bénévoles planche sur les premiers jalons. Diagnostic du territoire, partages d’expériences, mise en lumière des aspirations : tout passe par la réflexion collective. Les premiers grands rendez-vous ont eu lieu à Bidart et Saint-Palais, en mode « esprit d’équipe ». On y a parlé alimentation, résilience, culture, jeunesse, démocratie, solidarités…
Un territoire à ciel ouvert
L’été 2024 a marqué le lancement d’une nouvelle phase, résolument tournée vers l’extérieur. Pas question de se replier sur des cercles d’initié·es parce que l’ambition est de toucher un maximum de publics, y compris celles et ceux qui ne participent jamais aux grands débats. Cela passe par des animations décentralisées, des rencontres sur les places de village ou dans les quartiers, des actions portées par des structures locales partenaires. Le territoire devient alors un vaste terrain de jeu – ou plutôt de dialogue –, où chaque parole compte, qu’elle vienne d’un·e jeune d’Ustaritz, d’un·e agriculteur·rice d’Iholdy ou d’un·e retraité·e d’Hendaye.
C’est là toute la richesse d’Iparralde 2040 : cette volonté d’« aller vers », de recueillir la parole là où elle vit, de la faire circuler, se confronter, s’enrichir. Le jeu coopératif Iparralde 2040, développé spécialement pour la démarche, incarne bien cet esprit. En effet, il permet de débattre tout en jouant, d’explorer les enjeux de demain sans tomber dans le sérieux. Il invite à formuler ses espoirs, ses peurs, ses envies pour le territoire.
La démarche s’appuie aussi sur un ensemble de ressources partagées, disponibles en ligne, pour nourrir la réflexion : cartes, données, récits, témoignages… Un véritable grenier à idées où chacun peut venir puiser pour animer une discussion, organiser un atelier ou simplement s’informer. La plateforme Iparralde 2040 devient alors un repère dans le brouillard prospectif, un lieu de rendez-vous virtuel pour qui veut contribuer.
Récolter la parole, semer l’avenir
Jusqu’à l’été 2025, les actions vont se multiplier. L’idée est de mailler le territoire dans toutes ses dimensions, géographiques, sociales, économiques. Ateliers avec des jeunes, rencontres dans des foyers ruraux, débats en milieux associatifs ou culturels : tout est bon pour que l’avenir se pense à plusieurs. Ce maillage s’appuie sur les partenaires du CDPB, mais aussi sur des structures volontaires qui acceptent d’être relais ou hôtes d’un jour.
Et chaque idée viendra nourrir la grande trame du futur commun. C’est ce tissage collectif qui donnera, en 2025, la trame d’un récit partagé. Non pas un programme politique, mais un socle de réflexion à partir duquel les institutions et les décideurs pourront bâtir des politiques publiques plus en phase avec les attentes du territoire.
L’automne 2025 marquera un temps fort avec le partage des conclusions. Tous les matériaux récoltés seront analysés, synthétisés, puis restitués aux habitant·es, aux acteur·rices, aux structures du territoire. Le but ? Que personne ne se sente dépossédé·e de ce qu'il adviendra. L’histoire commencée ensemble doit continuer à s’écrire collectivement.
Dans un monde où les fractures s’installent et les décisions se prennent parfois trop loin des réalités vécues, Iparralde 2040 propose une autre voie. Celle d’un territoire qui s’écoute, se parle, se questionne. Un territoire qui n’a pas peur de rêver, un territoire qui, face aux vents contraires, choisit de se hisser collectivement vers demain.
Sébastien Soumagnas
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