Il a coulé bien de l’eau sous le pont d’Hossegor depuis que Michel Moser y a ouvert sa première agence immobilière. Plusieurs dizaines d’années plus tard, le groupe indépendant Moser Immobilier en compte 4 de plus à Seignosse, Capbreton, Dax et, depuis quelques années, à Angresse. La société emploie 25 personnes et outre la vente, la location et la gestion locative de biens, elle s’occupe de quelque 150 immeubles en qualité de syndic. Michel Moser en conserve la présidence, mais en a transmis la direction générale à son fils et à sa fille aînée, rejoints depuis peu par leur plus jeune sœur.
Chez Moser Immobilier, on n’avait pas forcément vu venir la période d’euphorie qui a suivi le premier confinement, au printemps 2020, mais on n’en a rien manqué : « À l’époque, nous nous demandions encore quels seraient les effets de cette crise sur notre activité. Finalement, les deux mois d’activité perdus se sont reportés sur l’été, au surplus de notre volume d’affaires habituel. On ne s’attendait pas à une telle explosion de la demande et des prix. Il était alors très difficile d’estimer les biens. Les prix de vente, en grande partie dictés par les vendeurs, nous surprenaient nous-mêmes », commente Julien Moser.
Cette période un peu folle s’est poursuivie tout au long de l’année 2021, au cours de laquelle un plafond semble cependant avoir été atteint, dans l’essentiel du fameux « triangle d’or » Capbreton-Hossegor-Seignosse aussi bien que dans les « zones de report » voisines, au nombre desquelles on peut d’abord compter les bourgs de Soorts et de Seignosse, puis les communes de Labenne à Soustons en passant par Bénesse, Angresse et Tosse, et même plus loin dans les terres jusqu’à Tyrosse et Saint-Geours-de-Maremne. « Il n’y a plus que dans les zones très prisées d’Hossegor que nous voyons encore les prix grimper, bien que les délais de vente se soient quelque peu allongés », précise le professionnel. À Hossegor même, le ticket d’entrée pour une maison standard tournerait aujourd’hui autour du million d’euros, mais jusqu’à plus de trois pour un bien d’exception, du type villa basco-landaise donnant sur le lac ou le golf. Des prix qui se sont finalement rapprochés de ceux pratiqués dans une ville comme Biarritz. Le phénomène aurait localement été amplifié par les achats de véritables clients investisseurs en quête de placements sûrs dans la pierre et désireux de profiter des revenus d’une location saisonnière.
Une dynamique se recrée à Dax
Cette hausse des prix dans lesdites zones de report n’est pas seulement liée à la rareté des biens dans les secteurs les plus recherchés de la côte landaise. Pendant cette période exceptionnelle, le profil des acheteurs a aussi évolué : « Il y a une dizaine d’années, l’écrasante majorité des transactions portait sur de la résidence secondaire. Désormais, on se rapproche d’un équilibre avec de la résidence principale pour des actifs aisés ou de jeunes retraités venus de l’extérieur, de Toulouse, de région parisienne ou d’autres centres urbains, populations pour lesquelles la proximité immédiate avec le littoral n’est pas nécessairement un critère aussi important ». L’essor du télétravail et l’aspiration générale à une meilleure qualité de vie sont évidemment passés par là.
Pour la résidence secondaire les pieds dans l’eau (ou pas loin), la sagesse commanderait donc sans doute aujourd’hui « d’explorer les communes du littoral nord, de Léon à Mimizan en passant par Lit-et-Mixe », tandis que pour de nouveaux arrivants désireux de s’établir à l’année sans courir à la ruine, le bassin dacquois, où les prix avaient beaucoup baissé avec la crise de 2008, peut ressembler à une solution. « Une dynamique est en train de se recréer à Dax, avec de nouveaux flux migratoires et davantage de transactions. Le secteur était un peu sinistré mais un renouveau s’est amorcé, avec des travaux tels que ceux réalisés aux halles », expose Julien Moser. Le tout pour un ticket d’entrée à l’achat plus raisonnable, entre 200 et 300.000 euros pour une maison individuelle sur Dax ou Saint-Paul… c’est-à-dire à une demi-heure des plages. Des conditions finalement assez représentatives du reste des Landes intérieures.
Sur l’ensemble du département des Landes, les prix avaient encore grimpé de plus de 10% sur un an au 1er juillet dernier, au même titre que dans une poignée d’autres départements de la façade atlantique seulement. Pour Julien Moser, « les prix ont quand même tendance à se stabiliser un peu. L’offre de biens a recommencé à croître et les acquéreurs ont davantage de choix. Nous avons un fichier commun avec 70 agences de confrères, et les biens proposés, notamment les appartements, se multiplient ». Le marché redeviendrait d’autant plus favorable aux acheteurs potentiels qu’avec la remontée des taux d’intérêt et la conjoncture économique actuelle, ils seraient moins nombreux et plus regardants sur les travaux à réaliser, dont le coût va crescendo avec l’inflation. Les propriétaires ne seraient donc plus complètement maîtres du jeu. Tout cela si, encore une fois, on exclut le « micro-marché » d’Hossegor, où tout reste possible : « Quand on connaît le prix des villas au cap Ferret, il y a encore de la marge… »
Le gâteau a grossi, mais il faut en tirer plus de parts
Voilà donc pour la tendance à l’achat, mais quid de la location ? Cela n’a échappé à personne : la fréquentation a été moindre cet été à Hossegor. Cela n’aurait d’ailleurs pas que des inconvénients. « Sans trop s’avancer, on peut dire que la réouverture des frontières a joué. La clientèle aisée qui était prête à louer très cher à Hossegor pour ses vacances de l’an dernier semble avoir préféré voyager à l’étranger. Avec le taux de remplissage en baisse et une offre saisonnière qui semble redevenue supérieure à la demande, les propriétaires d’Hossegor sont moins sûrs de faire le plein, et certains pourraient retrouver un intérêt à basculer sur de la location à l’année, notamment avec la hausse des loyers », indique Julien Moser.
Car contrairement aux idées reçues, les agents immobiliers déplorent comme tout le monde qu’il soit aussi difficile pour les actifs locaux de louer à l’année, et même pour les saisonniers en courte durée, au vu des prix pratiqués et de la rareté des biens. « Pour l’heure, les propriétaires privilégient la location courte durée à la location à l’année, en particulier sur la côte. Nous avons bien quelques nouvelles mises en location, notamment par le biais de dispositifs de défiscalisation du type Pinel, mais cela ne suffit clairement pas à répondre à la demande. La location de courte durée bénéficie qui plus est d’avantages fiscaux intéressants, mais désormais peu compréhensibles au vu de l’explosion de l’offre constatée ces dernières années », souligne l’expert. On ne parle pas des avantages pratiques : les inconvénients de la location à l’année (risques de litiges, impossibilité de mobiliser son logement à court terme, etc.) ne rassurent pas toujours des propriétaires difficiles à convaincre. « Le fait que des acteurs économiques tels que les restaurateurs cherchent à acquérir des biens pour loger leurs saisonniers est quand même le signe d’un problème », constate Julien Moser. Nous assistons en résumé à un changement de paradigme : « Il n’y a pas si longtemps, on venait s’installer sur la côte landaise et on peinait à y trouver du travail. Désormais, on y vient avec du travail tout trouvé mais sans pouvoir s’y loger ». Là encore, il faudra faire des kilomètres… ou s’armer de patience.
Acheteurs, vendeurs, locataires… Mais au fait, ce marché landais est-il favorable aux agences immobilières elles-mêmes ? « Avec la flambée des prix, les agences se font aussi plus nombreuses. Le gâteau a grossi, mais il faut en tirer plus de parts. Il sera peut-être difficile pour tous les acteurs présents autour d’Hossegor de résister si le marché se contracte. Nous sommes cela dit confiants en ce qui nous concerne, notre modèle économique reposant aussi sur la gestion locative et le rôle de syndic, qui garantissent une stabilité de revenus d’une année sur l’autre ». Et ce n’est pas comme si la maison ne connaissait pas le terrain…
Julien Monchanin
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