« Parfois l'amour ne suffit pas », l'histoire poignante d'une mère face au suicide de sa fille

En 1994, Isabelle Dehez Machado décide d'adopter Amandine, une toute jeune polynésienne. Après une enfance partagée entre Toulouse et Mimizan, c'est à l'adolescence que leur histoire commune va basculer. En effet, aux alentours de ses 13 ans, Amandine commence à manifester un certain mal-être : violences, insultes, etc. « Très rapidement j'ai commencé à prendre des notes », commence Isabelle Dehez Machado. « D'une part ça me permettait d'avoir une trace de ce qui se passait, et de faire gagner du temps aux professionnels chez qui nous allions, d'une autre part cela me permettait de prendre du recul. C'était un défouloir pour moi, j'écrivais pour exprimer ma colère ailleurs que sur les médecins ».

Une colère qui s'explique par une inactivité générale des professionnels consultés. « Je savais que quelque chose n'allait pas, mais tout ce qu'on nous disait, c'était qu'Amandine était en crise d'adolescence, ou que son adoption était la cause de son mal-être. Tous les diagnostics que nous avons eus étaient contradictoires. Il a fallu attendre une dizaine d'années pour que l'on est un diagnostic réel de sa schizophrénie, et ce n'est qu'après son décès que les médecins se sont mis d'accord sur le fait qu'elle avait des troubles schizo-affectifs... », déplore celle qui est également mère d'un garçon.

C'est au mois de juillet 2021 qu'Amandine met fin à ses jours après un ultime passage inefficace à l'hôpital. « Mon fils m'a demandé ce que j'allais faire de toutes ces notes. Au début je pensais les mettre en forme pour nous, pour la famille, pour garder une trace de ce qui s'était passé. Puis mon avocate m'a persuadé qu'il fallait publier ces écrits afin de parler des soucis rencontrés, de sensibiliser les gens, d'informer les familles, et d'aider à faire changer les choses ».

Si je peux aider (…), c'est déjà une victoire

C'est ainsi qu'en octobre 2022, « Parfois l'amour ne suffit pas » est publié chez City Éditions. « Il fallait plus que de l'amour, il fallait des soins ! C'est ce que je raconte dans le livre. Je raconte les problèmes rencontrés pour les mettre en lumière, car l'histoire d'Amandine est l'histoire de plein de familles. Aujourd'hui, je me demande comment rien n'a pu être fait... Beaucoup de professionnels refusaient d'apporter des soins à Amandine car elle ne voulait pas, ou car elle était agitée, sauf que ce sont des symptômes de la maladie. C'est un cercle vicieux en ce sens... »

Mais Isabelle Dehez Machado raconte aussi les belles rencontres, les médecins pleins de bonne volonté parfois démunis face au système, qui ne pouvaient pas faire grand-chose. « Et puis je présente des associations, des programmes, qui aident les familles à trouver des solutions. Ce sont des choses que j'ai malheureusement découvertes trop tard, donc si je peux aider, permettre à d'autres de tomber dessus au bon moment, c'est déjà une victoire ».

« Car je ne sais pas si je vais pouvoir rester autour de cette histoire. C'est difficile, peut-être qu'il faudra que je tourne la page et que je me tourne vers autre chose. Mon métier est déjà très lourd, alors cumuler autant de combats, cela risque d'être trop difficile pour moi », confie celle qui est éducatrice spécialisée pour enfants, adolescents, et jeunes adultes en situation de handicap. « Ce qui est certain, c'est que je continuerai de me tenir informé de ce qui se passe dans le monde de la psychiatrie, car il faut réellement que les choses avancent », concluent Isabelle Dehez Machado, plein de détermination.

Timothé Linard