Il y a des gens, comme ça, à qui tout réussit. Té, pour prendre un exemple, voici Rishi Sunak, le nouveau Premier ministre britannique, dont on a tout à connaître. Aussi sachez qu’il est jeune (42 ans), mince, a le cheveu dru, la peau bronzée, porte le complet-veston à la perfection (le privilège de ceux qui n’ont pas de bidon), est surdiplômé, à l’aise financièrement parce qu’ancien banquier, et riche par son travail et son mariage avec une héritière. Voilà pour la carte de visite. Mais de tout cela, peu importe, car on attend tout simplement du plus jeune Premier ministre qu’ait connu le pays qu’il sauve le royaume bien mal en point de Sa nouvelle Majesté Charles III.
Il faut dire que l’héritage laissé tant par Boris Johnson que par l’éphémère Liz Truss est lourd à porter, avec des réductions massives d’impôts totalement irréalistes, coincidant avec une augmentation des dépenses, cocktail détonnant en temps d’inflation (+10,01 % en 1 an). Des mesures qui avaient déclenché une tempête sur les marchés, fait chuter la livre et les salaires, et entraîné Liz à quitter assez piteusement le 10 Downing Street au bout de 44 jours d’amateurisme et de crispantes divagations. Une situation que Sunak avait anticipée, prévenant début septembre que le programme de sa concurrente relevait du conte de fée. Aussi son nom s’est-il imposé fort logiquement pour prendre la relève, sans la moindre opposition, Bojo préférant grommeler dans son coin, en rêvant de revanche.
Rishi Sunak, c’est une « success story » comme on les aime dans les foyers brittons : des grands-parents venus d’Inde, dans les années 1960, un père médecin généraliste, une mère pharmacienne, bref un bel exemple de la bourgeoisie immigrée, avant de monter en gamme. Tout d’abord en fréquentant l’élite au Winchester College, pensionnat chic pour garçons, puis des études de PPE (philosophie, sciences politiques et économie) à Oxford et à Standford, aux États-Unis. Après quoi un bel avenir professionnel s’ouvre à lui, dans la finance chez Goldman, Sachs, puis à la tête de sa propre société d’investissement. Une bonne gâche puisqu’il serait aujourd’hui détenteur d’une petite fortune de 230 millions d’euros. Au moins, lui ne tapera pas dans la caisse. Continuons dans ce côté presse rose, avec la présentation de son épouse, Akshata Murty (riche héritière de N.R Narayana Murthy, le propriétaire d’Infosys, géant indien des technologies), dont la fortune de 600 millions d’euros serait deux fois plus importante que celle de feu la Queen. Quant à sa mère, Sudha Murthy, elle a permis la construction en Inde de plus de 60 000 bibliothèques. Respect.
Reste maintenant à Rishi Sunak, réputé pour être un bourreau de travail, à réunifier son parti en ruines, à rassurer les marchés, imposer un sérieux budgétaire, juguler l’inflation et à imprimer sa marque. Quelle voie va-t-il choisir ? D’ici les prochaines élections, dans deux ans, il va devoir choisir et imposer un « business model » post-Brexit, avec deux options possibles. La première consisterait à fonder un Singapore sur la Tamise, sorte de zone franche offrant les impôts les plus bas au monde, pro-business et ouvert aux multinationales. C’était le projet de Liz Truss, voué dès le départ à l’échec en raison de la conjoncture économique. La seconde voudrait qu’il adopte des mesures rassurantes, apporte un semblant de calme à l’économie, augmente légèrement les minima sociaux et rétablisse une stabilité politique, ce qui n’a rien d’évident devant l’augmentation du coût de la vie, de la facture énergétique et des crédits hypothécaires, prêts à s’enflammer. D’ores et déjà, il a annoncé vouloir, d’ici 2019, faire baisser le taux minimum d’impôt sur les revenus de 20 à 16 %, comme bon libéral qu’il est, et n’entend absolument pas faire revenir la Grande-Bretagne dans le giron européen. L’homme de la situation ? Chez les bookmakers, les paris sont ouverts.
Dominique Padovani
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