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La transhumance, à la fois ancestrale et dans l’ère du temps !

Inscrite depuis le début du mois de décembre au sein du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, cette pratique fait face à des défis collectifs majeurs.
Moutons, Pyrénées, Berger
Après une inscription des savoir-faire de la transhumance en France à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel en 2020, cette pratique est aujourd’hui reconnue dans le monde entier.

Depuis la nuit des temps, les éleveurs des Pyrénées guident leurs troupeaux dans une quête perpétuelle : trouver de quoi les nourrir. À l’ère contemporaine, cette tradition, fortement ancrée dans le patrimoine culturel des Béarnais comme des Basques, est menacée.

Mais revenons tout d’abord aux bases : la transhumance est la migration périodique du bétail entre les pâturages d'hiver et les pâturages d'été. Environ ¾ des troupeaux gagnent les hauteurs du Pays basque et du Béarn pour passer l’été et le début de l’automne en altitude. L’élevage ovin joue un rôle majeur dans l’entretien des 145.000 hectares d’estive qu’il pâture.

La préservation de milieux ouverts et le maintien d’une biodiversité riche dans la montagne et le piémont dépendent en grande partie des pratiques d’élevage et de transhumance. Les espaces pastoraux sont en effet des territoires naturels fragiles et abritent une biodiversité floristique et faunistique remarquable.

La présence des ovins évite ainsi aux buissons et autres fougères de recouvrir les prairies et de refermer les paysages. Ainsi, les montagnes sont plus belles, plus accessibles et entretenues, mais aussi moins sensibles aux incendies. Pendant l’estive, le berger peut laisser pousser l’herbe de ses prairies et récolter du foin et le stocker pour nourrir les bêtes l’hiver.

« À l’époque actuelle, le bien-être animal et la biodiversité sont fortement mis en avant, tout comme la qualité des produits auprès des consommateurs. Au-delà d’être fortement ancrée dans notre histoire locale, la transhumance regroupe ces trois facteurs : les bêtes sont en liberté, elles participent au renouvellement de la flore, ensemencent les sols et les fertilisent », énumère Olivier Maurin, berger à Asasp-Arros, co-président du comité de pilotage et président du Coram.

Dans les Pyrénées, la transhumance est une véritable tradition, un moment de fête, de rendez-vous autour du pastoralisme et l’occasion de découvrir la vie d’un berger. Cette coutume fait partie du patrimoine et de la culture pyrénéenne.

Un travail commun

Dix pays se sont rassemblés autour de cette candidature : l’Albanie, Andorre, l’Autriche, la Croatie, la France, la Grèce, l’Italie, le Luxembourg, la Roumanie et l’Espagne. Tous les massifs français sont concernés par cette démarche collective et réunis au sein du Collectif des races locales de massif (CORAM). La mission de cet organisme est de défendre le système pastoral et la pratique de la transhumance.

« Cette inscription au patrimoine culturel immatériel de l’humanité est le résultat d’un travail de longue haleine initié par la France en 2019 et le Coram. C’est une petite victoire collective, qui ouvre la porte à un travail commun pour répondre aux enjeux de demain. Nous poursuivons une réflexion au niveau national », plaide Olivier Maurin.

Cette reconnaissance doit être une occasion de valoriser les savoirs et savoir-faire associés à la transhumance à l’échelle du territoire français, comprendre et sauvegarder les modes de transmission des savoirs (traditions, coutumes, réglementations sur le travail, le transport, l’environnement). Mais aussi d’identifier et de faire connaître les pratiques des communautés humaines concernées et répondre aux enjeux techniques, économiques, sociétaux et environnementaux des communautés pratiquant la transhumance.

« Je suis fier et reconnaissant du Pays basque et du Béarn, car ils ont su croire en notre territoire et préserver notre patrimoine. À travers cette inscription au registre, c’est l’ensemble des savoir-faire et des fêtes qui sont préservés », confie Olivier Maurin.

La création d'un Observatoire de la transhumance est en cours d’étude, afin d’obtenir des données statistiques claires sur la transhumance, avec un recensement et un suivi des troupeaux. Celui-ci permettra au Coram d’en savoir plus sur ce qu’il représente et de voir l’impact du travail actuel.

La transhumance menacée ?

Au cours de la candidature, un plan de sauvegarde et de valorisation de la transhumance réalisé par le comité de pilotage animé par le Coram. Celui-ci répertorie les risques et menaces qui pèsent sur cette pratique.

La transhumance est une expérience incroyable, mais qui possède aussi son lot d’inconvénients : les événements climatiques extrêmes, le travail tout au long de la journée, la gestion d’imprévus et l’isolement surtout. La difficulté à trouver des éleveurs prêts à s’isoler pendant plusieurs mois dans la montagne pour surveiller les brebis est donc un enjeu de taille, qui pré-occupe de plus en plus les bergers.

Autre menace : une réglementation plus en adéquation avec son temps. En effet, les transhumances sont sujettes à des règles datant de plusieurs siècles (droit coutumier), elles doivent être adaptées aux enjeux actuels, afin de favoriser la cohabitation des activités estivales (randonneurs, engins motorisés…).

Enfin, le réchauffement climatique entraîne une obligation d’adaptation des races locales aux événements extrêmes. Les éleveurs du Coram sont en train d’opérer une sélection des brebis pour leur permettre d’être plus résilientes, notamment aux fortes chaleurs.

Ces espaces possèdent donc de fortes valeurs environnementale, paysagère et touristique, qui sont source de développement de nombreuses activités. Il semble donc important de soutenir de manière adaptée les acteurs et les territoires concernés par les activités relevant du pastoralisme.

2026, année mondiale du pastoralisme

L'Assemblée générale des Nations unies a décidé que 2026 sera l'Année internationale du pastoralisme et des pâturages. L’objectif étant de mieux faire connaître les éleveurs pastoraux et la transhumance à l’échelle internationale.

« Au départ, l’idée était de rendre plus visible cette pratique vertueuse. Les pays pauvres ou en voie de développement empruntent souvent les méthodes des grands élevages, très coûteux et avec un fort impact sur les milieux. La transhumance possède pus d’atouts, mais elle est vue comme peu moderne et comme une agriculture de folklore. C’est tout le contraire, elle apporte une réelle plus-value touristique, économique et alimentaire et est source de développement pour le territoire qui l’utilise ! », souligne le président du Coram.

En attendant, les acteurs de la transhumance vont fêter dignement ce travail de longue haleine, lors de la 60e édition du Salon international de l’agriculture, qui aura lieu du 24 février au 3 mars 2024 à Paris. Plusieurs événements sont programmés, notamment une transhumance en taille réduite et la remise officielle du certificat d’inscription de la transhumance au patrimoine culturel immatériel par le ministère de la Culture.

Noémie Besnard

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