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Publié le Mis à jour le

DécouverteCette étonnante Ile aux Faisans

Sur la Bidassoa, une toute petite île chargée d’Histoire. Du 1er août au 1er février, elle dépend de la France, le reste du temps de l’Espagne
ILE FAISANS 2
L’automobiliste qui longe la frontière espagnole, côté Hendaye, ne la distingue pas, cachée par des bâtiments industriels et des immeubles d’habitation. Dommage, il faut alors redevenir piéton et emprunter le chemin de la Baie pour la découvrir.

En fait, ce n’est qu’une fois passée la frontière, en partant vers Irun qu’on la distingue sur sa droite. Quoi ? Ben la fameuse Ile aux Faisans, chargée d’Histoire. On vous en narre certaines.

Au fait, inutile de chercher là des faisans. Il n’y en a d’ailleurs jamais eus ! Le nom vient du vieil espagnol « faceros », signifiant avoir la main sur une tractation. Et des tractations, ce n’est pas ce qui manque en ce lieu.

A commencer, en 1526, par un échange d’hommes : celui de François I, fait prisonnier à Pavie par Charles Quint (d’Allemagne, et Charles I d’Espagne) contre ses deux fils, le dauphin François et son cadet, le futur Henri II (8 et 7 ans). Il faudra attendre quatre ans pour que, sur le même lieu, une rançon de deux millions d’écus d’or soit remise au roi d’Espagne, en échange des deux petits princes et de leur future belle-mère, Eléonor d’Autriche.

Naturellement, chacun a surtout en mémoire l’événement qui a marqué l’Ile. Le mariage, le 9 juin 1660, de Louis XIV, alors âgé de vingt-et-un ans, avec la fille aînée de Philippe IV, l’infante Marie-Thérèse en l’église de Saint-Jean-de-Luz, suivi d’une fête somptueuse rassemblant cours espagnole et française, sur les huit mille m² de l’île. Qui l’espace de quelques jours n’en est plus une, puisque l’on a fabriqué un pont temporaire, fait de bateaux serrés les uns contre les autres. Elle a pour la circonstance été divisée en deux, avec au centre une salle mitoyenne où la frontière entre les deux pays est délimitée par des tapis. Rouge pour l’Espagne, à motifs pour la France.

Depuis, l’île a rapetissé. Elle faisait alors 120 mètres sur 34, aujourd’hui moins de 80 sur 5. Même Flaubert s’en étonnait, n’y voyant « qu’une petite touffe d’herbe dans un fleuve. » Encore qu’on ait tenté de la solidifier. Ainsi tant Napoléon III qu’Isabel II la surélèvent, consolident ses rives avec de la pierre, font planter des arbres. Lui redonnent un peu d’allure, si l’on veut.

Au fait, est-elle espagnole ou française ? Les deux, mon lecteur, puisqu’un traité datant de 1856 en a fixé les frontières : du 1er août au 1er février, elle dépend de la France, le reste du temps de l’Espagne. Ce qui faisait dire à Paul Morand que « ici, les poissons ont deux pays. »

On vous a donné envie de la visiter ? Navré, mais le lieu est sauvegardé, pas de touristes, pas de curieux, pas de sapajous. Et pas de passe-droit pour le lecteur de Presse Lib’, malgré nos relations… Désolé !

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