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Décryptage’eusko a fait une percée spectaculaire

La devise complémentaire du Pays basque a passé le cap du million d’unités échangées. Elle devient ainsi la première monnaie locale d’Europe…
3 millions d'euskos en circulation au Pays basque
2018 restera une année importante pour l’histoire du Pays Basque. Cinq ans après sa naissance, elle a en effet franchi en octobre dernier une étape majeure. Utilisée déjà par 3.000 personnes, cette monnaie est devenue une référence en France et en Europe.

Cette réussite est en partie due au lancement en mars 2017, de la carte de paiement en eusko, utilisée comme une carte bancaire classique. A cette période, 544.000 euskos étaient en circulation sous forme de billets. Dès lors, le nombre d’euskos en circulation a doublé.

De plus, la Ville de Bayonne a établi une convention avec Euskal moneta, l’association qui a créé et gère l’euskos, pour permettre aux professionnels de demander à la Mairie des paiements dans la monnaie locale.

Une démarche participative…

L’association Euskal moneta a lancé l’initiative en septembre 2011, et l’eusko a été mis en circulation après un an et demi d’un travail le 31 janvier 2013 sur l’ensemble du Pays Basque français. Parallèlement, une campagne participative a été lancée pour choisir le nom de la monnaie.

Cette démarche démocratique a mobilisé un grand nombre de personnes et attiré l’attention des médias. Quelque 380 noms différents ont été proposés spontanément, puis un jury en a retenu sept, et les quelque 2.000 personnes participant au vote ont choisi eusko, qui signifie « basque » en euskara.

A ses débuts, l’eusko comptait 800 utilisateurs et 192 prestataires (principalement des militants). Mais l’eusko, a en quelques mois, a largement dépassé ce premier cercle. Les 126.500 euskos imprimés prévus pour tenir deux ans sont partis en trois mois, et 350.000 ont dû être réimprimés en urgence.

Aujourd’hui, 780 commerces et entreprises et plus de 150 associations utilisent l’Eusko dans l'agglomération du Pays basque.

Comment ça marche ?

Quand on change 100 euros, on reçoit 100 euskos pour faire des achats dans un réseau de professionnels engagés pour l’environnement, l’euskara (langue locale) et l’emploi local.

Ces 100 euros sont placés par Euskal moneta dans un fonds de réserve pour répondre à l’obligation légale de détenir un euro pour chaque eusko en circulation. Euskal moneta dépose ces euros : pour la plus grande partie sur un livret de la Caisse solidaire, qui s’engage alors à investir l’équivalent des euros déposés sous forme de prêts solidaires à des entreprises et associations du Pays Basque.

Ces prêts de la Caisse solidaire sont décidés par un comité d’engagement réunissant des acteurs économiques du Pays Basque, dont un représentant d’Euskal moneta. L’eusko donne ainsi l’occasion favoriser des projets utiles.

Une fois les billets d’1, 2, 5, 10 et 20 euskos échangés, les particuliers qui utilisent l’eusko ne peuvent plus faire l’échange inverse. Les entreprises, commerces, associations, municipalités, producteurs, ou les artisans qui adhèrent à la Charte de la monnaie locale peuvent recevoir ces billets comme moyen de paiement. Eux par contre peuvent les échanger contre des euros, mais en perdant dans ce cas-là 2% de leur valeur. Ils sont donc incités à les remettre en circulation.

Depuis le 19 mars 2017, existe également l’eusko numérique : avec des comptes eusko en ligne gérés directement par Euskal moneta, et une carte de paiement reliée pour régler ses achats dans les commerces, « l’euskokart ».

L’association gère toutes les décisions relatives à cette monnaie, ainsi que l’habilitation des structures et personnes pouvant la recevoir comme moyen de paiement.

Pour être habilitées à recevoir cette monnaie locale, les entreprises doivent en effet obéir à un cahier des charges, comprenant un certain nombre de règles d’inéligibilités : entreprises très polluantes ou connues pour leurs pratiques sociales déplorables, grandes chaînes internationales, agriculture industrielle, producteurs ou commerçants ne se fournissant pas du tout auprès d’autres producteurs locaux.

Un pan social…

Quand on adhère à l’Eusko, on choisit une association que l’on souhaite parrainer. Si cette association a 30 parrainages et adhère à Euskal moneta, elle recevra tous les 6 mois l’équivalent de 3% de la monnaie changée par ses parrains. Par exemple, si une association a 30 parrains qui changent 100 euros par mois, elle recevra un don de 1.080 euskos pour l’année. Ces dons sont, pour la plus grande partie, financés par la commission de 5% que paient les entreprises quand elles reconvertissent leurs euskoe en euros au lieu de les réutiliser.

Plus de 44.000 eusko de dons ont été distribués depuis 2013 à une trentaine d’associations. Par ailleurs, l’eusko possède un système de défis qui permet a une entreprise ou une association qui rejoint l’opération d’entamer une démarche de progrès, en relevant au moins deux défis en deux ans. Pour l’environnement d’une part, comme par exemple utiliser 3 produits locaux, faire travailler 3 membres du réseau eusko ou réaliser le tri des déchets dans l’entreprise. Pour l’euskara d’autre part, en proposant un affichage bilingue, (français/euskara) pour ses clients ou en assurant un accueil en basque (pour les associations, relever un défi pour l’euskara n’est pas obligatoire).

Au 31 janvier 2017, 317 entreprises et associations étaient engagées dans la mise en place d’un affichage bilingue grâce aux défis de l’eusko et avec le soutien de l’Office public de la langue basque.

Valoriser le territoire et sa culture…

L’eusko est avant tout un moyen pour les professionnels et les particuliers de participer à un projet collectif pour un développement du Pays Basque, la défense de l’environnement, de la langue basque, du commerce de proximité et de l’agriculture paysanne sur le territoire et plus globalement la qualité de la vie.

De plus, l’entreprise, le commerce, le travailleur indépendant, le petit producteur qui rejoignent la démarche constituent un réseau important. Les particuliers ne peuvent dépenser leurs euskos que dans ce réseau. Cela peut permettre à ces professionnels et associations de fidéliser leur clientèle, voire de gagner de nouveaux clients.

De plus, l’eusko a un effet « label », garantissant un certain état d’esprit et une certaine qualité des pratiques des entreprises membres du réseau. L’eusko permet aussi de se poser la question de l’origine et de la manière dont sont fabriqués et distribués les produits et services consommés au quotidien. L’eusko représente la garantie de faire ses achats auprès d’entreprises manifestant un intérêt minimum pour le territoire où elles sont installées, ainsi que pour la diversité linguistique et culturelle, et les valeurs écologiques et sociales.

Cette monnaie lui permet de manifester au quotidien, par un geste des plus concrets et visibles, par un instrument des plus simples à porter et à utiliser, son attachement à son territoire et à un certain modèle de société et d’économie. Le consommateur quotidien devient acteur.

Informations sur le site internet – cliquez ici

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