Soyons francs : je ne sais pas si raconter la vie professionnelle du Bayonnais Christophe Hondelatte peut passionner le lecteur de PresseLib’. Parce que le côté voyeur, ou ramasseur de ragots, très peu pour moi. Et puis, savoir qu’il est passé de Radio France à RTL, puis à Europe 1, à France 2, France 3 ou 13e rue, et sans doute ailleurs, ne peut passionner qu’un chasseur de têtes. Non, l’intérêt est ailleurs : comment ce conteur hors pair fait-il pour nous tenir en haleine, chaque jour pendant vingt minutes, avec de repoussantes histoires de meurtres et de crimes ? Fort heureusement, il nous en révèle les arcanes dans une série de podcasts produits par Europe1 Studio. En voici le résumé, passionnant.
Avant tout, il s’agit de trouver le bon sujet. « Il y a les bonnes histoires, et celles qu’on ne pourra jamais raconter, une histoire avec du wouahou, qui fait vibrer et sort de l’ordinaire », assure-t-il. Pour cela, il peut compter sur une équipe, menée par Nicolas Loupien le rédacteur en chef de l’émission, qui cadre d’emblée : « On ne raconte que des histoires définitivement jugées, avec une vérité judiciaire, de la matière : je m’efforce de les trouver et de les présenter à Christophe, qui tranche (…) Il faut qu’on puisse s’identifier, qu’on puisse comprendre, qu’il y ait des réponses à la fin. Et s’il y a du doute, c’est encore mieux. Quand il n’y a pas de réponse, on ne raconte pas. »
Il est bien sûr entouré d’une petite bande d‘auteurs, dont Tugdual de Dieuleveult (le fils de Philippe), qui passe son temps à lire, et à lire encore, dans des livres oubliés, car nombreux sont ceux qui, souvent à compte d’auteur, ont couché leur vie sur du papier. Et à choisir. Après quoi il faut récrire le récit, le séquencer, placer des dialogues, et le mettre si possible, à la première personne. Et enfin le soumettre au maître, qui valide, ou pas. Et l’écrit lui-même, en s’appropriant l’histoire avec ses mots à lui, sans la trahir. Pour l’habillage, on soigne le ton, avec des bruitages et des musiques qui entretiennent le suspense. La tache incombe à Céline Le Bras, la réalisatrice, qui place des sons « tantôt effrayants, tantôt inquiétants, tantôt légers, tantôt nostalgiques » trouvés dans la bibliothèque sonore de la station. Plus de 3 000 ont déjà été utilisés. C’est le moment de l’enregistrement, effectué dans les sous-sols du siège de la rue des Cévennes (adieu, la rue François Ier), avant le montage définitif, qui l’accapare trois heures durant. Il n’y a plus qu’à écouter en petit comité, avec un invité en lien avec l’histoire, en studio ou au téléphone, qui est interviewé à la suite et bénéficie d’un temps de réponse assez long, d’une vingtaine de minutes, un privilège à la radio.
Et puis il y a la fameuse controverse des accents… Tous interprétés par Christophe, qui amusent certains et en agaçent d’autres. Introduits la première fois à propos d’un événement paysan du XIXe siècle, qui le fait adopter une grosse voix et rouler les R. Il faut croire que le genre lui a plu, puisqu’il le généralise par la suite, sans crainte du ridicule, passant du nobliau de bocage à l’intonation pincée à l’avocat grandiloquant ou au bouseux illétré. Cela le met en joie, et illustre avec justesse le récit. Sinon, cela deviendrait du théâtre radiophonique, style France Inter du dimanche soir dans les années 60, un genre surrané.
On dit Hondelatte désagréable, caractériel, au caractère de cochon. Pourtant, les trois-quatre fois où nous nous sommes croisés (chez Darrigade à Biarritz, au château d’Abbadia, aux Fêtes de Bayonne, entre autres), il s’est montré courtois et assez chaleureux, en tout cas davantage qu’Yves Calvi ou Christine Ockrent qui, d’un regard, vous font mesurer l’immensité de leur magistère et rentrer à la niche. Sur le net, on pourra trouver en podcast près de 800 récits de Hondelatte raconte. Un bon début, et que ça ne finisse jamais !
Dominique Padovani
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