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COUP DE CŒURSOPHiA GENETICS révolutionne la médecine basée sur les données

Cette entreprise innovante, cofondée en 2011 par le Basque Jurgi Camblong, est devenue une référence mondiale. Rencontre avec la directrice du site de Bidart, Sophie Chevallier.
COUP DE CŒUR – Sophia GeneticsSOPHiA GENETICS révolutionne la médecine basée sur lesde données
La pépite mondiale de l'innovation médicale accélère au Pays Basque, depuis son nouveau bâtiment, inauguré il y a un an, en face de l’École supérieure des technologies industrielles avancées (ESTIA).
Sophie Chevallier

Sophie Chevallier (43 ans), qui a rejoint SOPHiA GENETICS en octobre dernier, nous fait découvrir les spécificités de cette entreprise cotée au Nasdaq.

Votre parcours ?
Sophie Chevallier –
Je suis originaire du Pays Basque, j’ai grandi ici, à Anglet et fait mes études au collège et au lycée à Biarritz, avant de poursuivre à Toulouse puis à Paris. J’ai été avocate pendant plus de 20 ans dans des cabinets internationaux dans le droit des affaires, avec deux dominantes : des projets d’infrastructures et l’accompagnement de startups françaises dans le domaine de la tech (levées de fonds et recherche de financements…). C’est un volet qui m’est particulièrement utile aujourd’hui.
 
Comment êtes-vous arrivée chez SOPHiA GENETICS ?
S. C. -
Je connaissais l’entreprise et j’avais suivi le parcours de Jurgi Camblong depuis le début. Ma fonction principale est Global Head of Legal, avec donc en charge les affaires juridiques, à la fois pour l’entité française et pour le groupe. Avec des équipes dans les différents bureaux : au siège à Rolle près de Genève, à Boston (Etats-Unis), à Pessac et Bidart. En complément, comme j’avais une expérience managériale et que je connaissais bien le Pays Basque, Jurgi m’a demandé de prendre la fonction de responsable du site d’Izarbel.
 
Vos autres missions au Pays Basque ?
S. C. –
Je m’occupe par exemple des relations avec l’écosystème local, je représente SOPHiA GENETICS dans les différents clusters, comme la French Tech Pays Basque qui est particulièrement active. Nous sommes membres du Bureau et je travaille beaucoup avec eux. Parallèlement, j’essaye d’activer et d'entretenir les relations avec les universités et les écoles autour de nous, et en ce sens, je me suis notamment investie dans des partenariats avec l’Estia et avec l’école polytechnique de Mondragón.

Jurgi Camblong entouré de Paxti Elissalde (ESTIA), Emmanuel Alzuri (Bidart) et Carlos Garcia Crespo (Mondragon)
L'équipe de Bidart

Pouvez-vous nous en dire plus sur ces partenariats ?
S. C. –
Nous avons initié des démarches auprès des universités et des écoles d’ingénieurs de la région, et notamment au Pays Basque Sud. Une collaboratrice est chargée d’animer ces relations au quotidien. Elle a pris contact avec les établissements ayant des formations pouvant nous intéresser et ceux dont sont issus certains de nos salariés. C’est tout naturellement que nous avons contacté Mondragón et l'ESTIA. Ils ont tout de suite été intéressés. Une fois le contact établi, j’ai pris le relais sur les modalités pratiques de la contractualisation et pris part à la mise en place de ce partenariat.
 
Développer des formations ici est une priorité ?
S. C. –
Absolument et j’y suis personnellement très sensible ayant eu un parcours d’études assez long et qui m’a éloigné du Pays Basque. Nous sommes tous très soucieux que les jeunes du territoire puissent trouver ici davantage de formations d’excellent niveau. De plus, j’ai été étonnée d’entendre qu'à l’ESTIA comme à Mondragón, ils ont beaucoup de mal à recruter des doctorants pour faire des thèses. Pour nous, l’objectif du partenariat est de pouvoir embaucher en contrats d’alternance des diplômés à la fois de l’ESTIA et de Mondragón. Cela nous intéresse de pouvoir les avoir trois ans chez nous.
 
Comment attirer les jeunes ?
S. C. -
La difficulté des écoles est de sourcer et de trouver des étudiants intéressés par un cursus aussi long, puisqu’on rajoute trois années après un diplôme d’ingénieur qui prend déjà 5 ans après le bac. Ils ne se bousculent pas au portillon. L’important est qu’il y ait convergence entre nos besoins et la volonté de l’ESTIA et Mondragón de développer des formations plus pointues en matière d’intelligence artificielle, de machine learning ou encore de bioinformatique… des formations absolument nécessaires pour permettre aux étudiants d’affronter les défis auxquels nous serons confrontés. L’idée est aussi d’identifier des thématiques de thèses sur lesquelles les étudiants pourraient travailler et contribuer au développement de nos technologies.

Une approche que vous développez ailleurs ?
S. C. -
Cette démarche existe déjà en Suisse et sera probablement étendue à Boston où sont installées les plus grandes écoles et universités américaines, notamment dans la tech. Notre volonté est de régionaliser cette approche. Nous avons démarré par le Pays Basque parce qu’il y a ce souci de pouvoir attirer davantage d’étudiants du territoire, ce qui n’est pas forcément évident. On constate, en discutant avec nos jeunes salariés, que beaucoup ont envie de partir pendant quelques années, pour mieux revenir plus tard. Arriver à les attirer dès leur sortie de l’école n’est pas forcément l’unique objectif.
 
C’est à dire ?
S. C. -
L’objectif est aussi d’attirer davantage de stagiaires dans des formations de mastère à l’ESTIA. Nous souhaitons accueillir chaque année un étudiant en mastère de l’ESTIA et un étudiant en mastère de Mondragón, dans le cadre des stages de fin d’études. Bien entendu, si le stage se passe bien nous pourrons leur proposer de rester comme collaborateurs ou alternants, dans le cadre de leur thèse : c’est un objectif à court terme pour nous. Mais à moyen terme, l’idée est aussi de laisser s’échapper ces jeunes diplômés qui ont besoin de voir un peu ailleurs et de compléter leur formation académique par des expériences professionnelles diverses, tout en sachant qu’ils pourront revenir au Pays Basque et y trouver une offre professionnelle à la hauteur de leur expertise. C’est quelque chose qui tient particulièrement à coeur à Jurgi, et que je partage à 150%. L’important pour eux est de savoir qu’ils peuvent revenir vite, avec des perspectives réelles de carrière dans des secteurs d'avenir sur le territoire.

La French Tech Pays Basque

Vous cherchez des expertises pointues…
S. C. -
C’est formidable de voir l’évolution des compétences locales dans les métiers de la tech. On le constate par exemple à Izarbel avec beaucoup d’entreprises qui ont développé des technologies particulièrement intéressantes innovantes et qui peuvent offrir des débouchés pour ces étudiants ingénieurs. Notre particularité vient de nos interactions avec le milieu médical et la biologie, puisque nous développons des logiciels dédiés au profilage génomique. Nous avons beaucoup de salariés experts en biologie et avec des compétences pour l’analyse bio-informatique de l’ADN. Ce sont des filières d’avenir que souhaitent développer l’ESTIA et Mondragón ; elles reposent sur l’expertise informatique permettant d’améliorer les outils d’analyse biomédicale et de diagnostic. Ce sont des métiers qui restent encore émergents, et pour lesquels il existe peu de formations dédiées.
 
L’écosystème basque est-il favorable ?
S. C. -
J’ai beaucoup collaboré avec des startups qui avaient leur siège à Paris, mais on a vu des pôles régionaux se développer au cours des 15 dernières années. Le Sud-Est, autour de Montpellier, a généré pas mal de pépites. Puis, Bordeaux et Toulouse ont suivi… Au Pays Basque, on a une carte importante à jouer pour attirer cette industrie propre, qui ne nécessite pas d’infrastructures lourdes, ou de chaînes de production, contrairement au secteur l’aéronautique. Ce qui est positif dans cet élan, c’est qu’il est le plus compatible avec le territoire. De plus, ce sont des métiers qui attirent beaucoup les jeunes générations, avec des profils très qualifiés. Il y a un vrai soutien des pouvoirs publics locaux avec une volonté à différents niveaux : la Préfecture, l’Agglomération, les communes, le Département, la CCI… Les initiatives sont nombreuses avec un discours très positif et souvent enthousiaste.
 
D’autres acteurs majeurs ?
S. C. -
L’ensemble se structure grâce à des associations professionnelles et des initiatives comme la French Tech, qui se reposent sur le dynamisme des entreprises elles-mêmes. Cela permet de se réunir dans des réseaux permettant de soutenir ceux qui démarrent, de partager des problématiques, d’échanger des bonnes pratiques. Pays Basque Digital, qui existe depuis six ans, est particulièrement actif auprès des acteurs locaux du numérique. La convergence de toutes ces démarches et l’implication des entrepreneurs sont des atouts majeurs.

SOPHiA GENETICS est à la fois pionnier et leader…
S. C. –
C’est extrêmement passionnant d’être l’un des pionniers de cette médecine basée sur les données, qui constitue l'une des branches de la médecine de précision… C’est l’avenir de la médecine. Jurgi Camnblong et ceux qui l’ont entouré depuis le début ont été visionnaires dans le sens où ils ont compris que la médecine allait devoir changer et qu’elle pourrait de plus en plus se reposer sur des outils d’analyse numériques, nourris par ces données de santé que nous sommes en mesure de collecter et de numériser. Ces données apportent une richesse incroyable pour mieux comprendre l’évolution des maladies, pour mieux diagnostiquer l’existence d’une pathologie, mais aussi pour mieux comprendre l’évolution des maladies… Et demain, pour accompagner l’émergence de nouveaux médicaments et traitements qui permettront de soigner chaque patient avec une solution quasiment individualisée.
 
Vous avez une longueur d’avance ?
S. C. -
Même si nous avons beaucoup de concurrents dans le monde, nous avons l’avantage d’avoir été les premiers et d’avoir déjà investi près de 400 millions de dollars dans la recherche et le développement pour pouvoir bâtir une plateforme logicielle d’analyse d’ADN, avec identification de tous ces variants qui sont à l'origine des maladies rares ou les cancers. Nous avons un outil extrêmement robuste et précis, largement reconnu, bien plus performant que ceux de nos concurrents. On a effectivement une longueur d’avance et des perspectives d’avenir, avec des projets passionnants.
 
Lesquels ?
S. C. –
Nous poursuivons, bien entendu, dans le domaine de la génomique qui est notre activité principale, en étendant la palette de nos logiciels. L’objectif est d’intégrer dans la plateforme des données de différente nature (données multimodales), et pas seulement des données génétiques. Par exemple, les rapports des médecins et des laboratoires d’analyses, des radios, des analyses pathologiques… tout ça combiné, permettra d’améliorer encore le suivi du patient et de l’accompagner dans le cadre de son parcours de soin. Cette plateforme multimodale est un projet de développement majeur de l’entreprise. Là aussi, nous sommes pionniers.

D’autres projets ?
S. C. -
L’innovation est au cœur de l’entreprise, nous continuons à investir 40% de nos dépenses dans la R&D. Ainsi, on améliore notre plateforme génomique SOPHiA DDMTM, que l'on va basculer sur le web. C’est un très gros chantier qui va faciliter l’utilisation par les hôpitaux et les autres clients. Ce projet permettra d'intégrer plus facilement, à terme, la plateforme multimodale. Nos équipes à Bidart mais aussi à Pessac, travaillent activement sur ces chantiers.
 
Vous développez aussi des partenariats…
S. C. –
Nous innovons aussi en recherchant de nouveaux partenariats pour accomplir notre mission de démocratisation de la médecine basée sur les données. Nous avons par exemple un partenariat avec le plus grand centre de lutte contre le cancer dans le monde, le Memorial Sloan Kettering Cancer Center  à New York, où nous mettons à la disposition d'organisations de tous les continents leurs tests de dépistage du cancer, comme nouvellement avec l’Oncopôle de Toulouse, un des grands centres de lutte contre le cancer en France. La technologie utilisée à Toulouse est le fruit de la combinaison entre les recherches effectuées aux États-Unis et celles réalisées par nos équipes, experts et développeurs, à Bidart et à Pessac.
 
Vous comptez aller plus loin au niveau de l’analyse du génome ?
S. C. –
Beaucoup plus loin. Nous essayons de développer des solutions permettant d’analyser la totalité du génome. Jusqu’à présent, les analyses de profilage ciblaient certains panels de gènes ou certaines séquences d’ADN, parce que c’est déjà extrêmement lourd en termes de calcul. Demain, on espère être capables de faire le profilage de l’intégralité de l’ADN. Ça nécessite des puissances de calcul énormes. C’est pour ça que nous avons noué un partenariat avec Microsoft et NVIDIA, afin de bénéficier de leurs outils et de leur puissance.

Le nouveau bâtiment de Bidart

SOPHiA GENETICS a des équipes jeunes ?
S. C. –
Oui, mais les 30-35 ans sont bien représentés. Nous avons de nombreuses personnes qui ont fait des études longues ou qui nous ont rejoint après une première expérience professionnelle. Ce sont nos experts et nous en avons particulièrement besoin. C’est capital pour continuer à investir en recherche et développement. Au total, le groupe emploie 400 personnes, dont 65 à Bidart et une vingtaine à Pessac. Les autres collaborateurs sont basés à Rolle, siège et établissement principal, et à Boston.
 
Votre développement a été spectaculaire…
S. C. –
Surtout, avant et après notre introduction en bourse. Elle a permis de générer une capacité d’investissements très importante ainsi que de recruter des développeurs et des biologistes qui nous ont permis de continuer à innover. SOPHiA GENETICS a aussi étoffé ses métiers supports, nécessaires pour structurer l’entreprise. Parallèlement, une force de vente importante a été constituée pour commercialiser les produits, avec des équipes dans le monde entier, car nous avons des clients sur les 5 continents. Nous sommes, actuellement, dans une phase de consolidation. C’est une tendance générale dans le domaine de la tech. Après une phase de croissance spectaculaire, la société a franchi un premier palier. Nous devons consolider pour continuer à avancer et à innover !
 
Informations sur SOPHiA GENETICS, cliquez ici

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