Quelques chiffres pour commencer, afin de situer les choses : l’an dernier en France, le taux d’emploi de nos seniors, âgés donc de 55 à 64 ans (parce qu‘on seniorise tôt dans ce pays), était de 56 %, alors que selon l’OCDE, il s’élève à 71,4 en Hollande, 71,9 % en Allemagne et même 76,9 % en Suède ; en moyenne à 60,5 % dans la zone euro. Les plus touchés étant les salariés entre 60 et 64 ans. D’où la conclusion lapidaire d’Emmanuel Macron, déclarant qu’il faut « travailler plus et plus longtemps ». Et s’il existait d’autres pistes ?
Des économistes, par essence très pointus, se sont penchés sur le problème, et la bourse aux astuces s’est aussitôt considérablement rembourée. Quelquefois avec bonheur, ainsi lorsque l’Institut Montaigne, réputé libéral, propose de baisser les cotisations patronales (contribution vieillesse et chômage) de 2,5 points pour les moins de 30 ans et les plus de 55, et dans le même temps, de les relever d’1 point entre ces deux âges. Un coût neutre pour le Trésor public et les organismes sociaux, et un signe de solidarité entre les générations. Le dossier est sur la table, et présente l’intérêt de régler le sempiternel problème de l’emploi des jeunes, entre prime à l’embauche et exonération de charges salariales. Cette dernière mesure, prônée par le ministère du Travail, donnait des boutons à Bercy, puisqu’une embauche hypothétique de 320 000 jeunes alourdirait la facture de 8 milliards…
À côté de cette modulation des cotisations, d’autres voies restent encore à exploiter, comme la création d’un « index » sur l’emploi des seniors, une mesure portée dès 2019 par l’Association nationale des DRH, qui contiendrait deux séries d’indicateurs : la première concernerait l’accès des seniors à la formation, à la mobilité professionnelle ou aux aménagements du temps de travail. La seconde viserait les employeurs et leur process pour préparer leur personnel au virage des 55 ans. Cela engloberait l’existence d’indicateurs de parcours certifiant, l’acquisition de nouvelles compétences, et enfin la préparation en amont (dès 45 ans) à de nouveaux métiers. Ne reste qu’à mettre en pratique cet index, afin d’en juger les résultats. En attendant, les entreprises se montrent perplexes.
Car des expériences négatives ont déjà été mises en place. Ainsi en 1987 la « contribution Delalande », qui pénalisait les entreprises se séparant de leurs seniors ; le résultat aboutit à l’inverse du but recherché : afin de ne pas être taxées en débauchant leurs quinquas, elles les licenciaient avant 49 ans… On mit le temps pour supprimer la mesure : neuf ans. Ou celle du « contrat de génération » voulu par François Hollande, qui aidait les entreprises à embaucher un jeune en CDI, à condition de maintenir en place un salarié de plus de 57 ans. Les ordonnances travail ont mis fin à cette usine à gaz en 2017.
Le vrai problème, le plus critique et le plus douloureux, c’est celui des seniors foutus à la porte dès leurs 55 ans, par effet de jeunisme ambiant ou de ronronnage routinier trop visible. Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, pose bien le diagnostic : « On ne va pas pouvoir discuter de l’allongement de la durée de carrière, si on ne résout pas le sort de tous ceux qui sont mis dehors avant la retraite. » Il est vrai qu’au moment de faire valoir ses droits à la retraite, un assuré sur deux n’a plus de boulot ; par conséquent, repousser l’âge de départ en retraite ne ferait qu’accentuer le manque d’activité, et même faire basculer certains vers la précarité. Olivier Dussopt, le ministre du Travail, vient toutefois d’ouvrir une porte intéressante dans le JDD : « Nous souhaitons favoriser la retraite progressive et le cumul emploi retraite, pour rendre plus facile la transition entre l’emploi et la retraite. » Bref, les pistes existent, les bonnes volontés ne manquent pas et les seniors attendent toujours pour savoir à quelle sauce ils vont être mangés.
Dominique Padovani
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