Paru en 1953, Jean le Basque est sans doute, avec le Ramuntcho de Loti, l’un des romans français les plus connus prenant pour cadre notre extrême Sud-Ouest. Mais cette fois, nous quittons la terre ancestrale pour nous installer avec le héros dans le lointain Nevada.
Natif d’Aydie, aux confins de l’actuel département des Pyrénées-Atlantiques, Joseph Peyré (1892-1968) est l’un de nos écrivains régionaux les plus célèbres. Fils d’instituteurs et ancien élève de l’actuel lycée Louis Barthou, à Pau, il aura ensuite le philosophe Alain pour professeur… à Henri IV. Le penseur, dit-on, lui avait prédit une carrière littéraire, qu’il embrassa avec les encouragements de ses amis Kessel et Carco, après avoir exercé comme avocat stagiaire au barreau de Pau, comme chef de cabinet à Limoges et surtout comme journaliste (Gringoire, Excelsior, Voilà, Détective…).
L’auteur béarnais a publié une quarantaine de romans. Le plus connu est certainement « Sang et Lumières », qui lui valut le prix Goncourt en 1935, un succès mettant en scène un grand toréro sur le retour. Écrivain du désert africain (L’Escadron blanc, Le Chef à l'étoile d'argent), de l’Espagne (Roc-Gibraltar, L’Homme de choc, Guadalquivir) et des sommets (Mont Everest, Matterhorn), Peyré a commencé dans les années 50 à écrire plus régulièrement sur sa région natale, et en particulier sur le Pays basque.
Roman basque par excellence…
C’est en 1953 que Peyré publia chez Flammarion son Jean le Basque, avec sa désormais célèbre couverture illustrée par Arrue. Le roman s’ouvre devant l’église d’Artazu, village basque où l’heure est à la fête, avec au menu partie de pelote et fandangos. Ce soir-là, Oyamburu vient passer là son film publicitaire : il fait profession de recruter des bergers pour aller garder d’immenses troupeaux dans l’Ouest américain. Jean Iribarren, que Peyré nomme plus simplement le Basque « parce qu’il était basque avant tout », se laisse petit à petit séduire et du côté de l’Izalmendi, sur les hauteurs où il mène son troupeau pour l’été, il commence à méditer sérieusement un futur exil.
Après une mémorable partie de pelote à la grande fête de Saint-Jean-Pied-de-Port, au cours de laquelle il affronte avec son ami et confesseur le curé Arostéguy la redoutable paire formée par les frères Arrambide, Jean le Basque s’envole pour l’Amérique avec Michel, son autre camarade, plus doué pour jouer de l’accordéon que pour tenir ses bêtes dans les dantesques conditions du lointain Nevada, où il faut composer avec les tempêtes de neige et les prédateurs.
Les pages américaines du roman sont captivantes : Peyré, avec son style à la fois riche, simple et vivant, nous décrit parfaitement ce Far West mystérieux et ses paysages, tout en nous faisant toucher du doigt les sentiments des émigrés, entre solitude, nostalgie et mal du pays. Là-bas, les plus pieux perdent leur religion, et le héros de Peyré lui-même peine à s’y recueillir, car « il fallait à l’Iribarren l’ombre de l’église d’Artazu, ses dorures et son luminaire, son parterre de dévotes, ses deux galeries chargées d’hommes, les rangées de bérets au mur, le chœur puissant qui faisait résonner la voûte, et les cantiques, plus chaleureux que les prières ».
Outre-Atlantique, dans l’Entre-deux-guerres, les bergers basques ne semblent plus guère faire fortune. Un oncle de Jean y est déjà parti. Cela fait bien longtemps qu’il n’a plus donné de nouvelles, comme bien d’autres. Jean le retrouvera-t-il par hasard ? Ceux qui rentrent fièrement au pays sont rares : la plupart n’osent pas s’y présenter aussi pauvres qu’ils en sont partis, mais l’Iribarren, fort et courageux comme pas deux, se jure qu’il y parviendra et se souviendra des mots d’encouragement de son curé à l’heure de le quitter : « Bethi aintzina / Zuzen Zuzena / Dabil Eskualduna » (« Toujours en avant / Tout droit / Marche le Basque »). On n’en dit pas plus, pour ceux qui n’auraient pas encore fait ce beau voyage.
Peyré toujours vivant…
Écrivain de talent et dans la plus pure tradition, Peyré avait un peu disparu de la circulation, mais a beaucoup refait parler de lui ces dernières années. En 2017, pour le 125ème anniversaire de sa naissance, une belle manifestation avait été organisée du côté de Garlin, et un timbre à l’effigie de l’écrivain avait même été émis (à la demande d’Emmanuel Macron, encore ministre de l’économie). En 2018, rebelote, cette fois pour les 50 ans du décès de Peyré, avec deux beaux colloques co-organisés par l’UPPA à Pau et à La Courneuve.
Côté publications, plusieurs ouvrages sont parus récemment. Les Éditions Atlantica, établies à Bayonne, ont d’abord publié « Joseph Peyré - Le Béarn pour racines, l'horizon pour destin » (2018), un « dialogue de pure fiction » entre l’oncle et son neveu Pierre Peyré, et ensuite une réédition de « Bataillons noirs » (2020), autre « roman africain » de l’écrivain, originellement paru en feuilleton en 1941 et récemment redécouvert.
Enfin, est aussi paru en novembre dernier (chez L’Harmattan) « Joseph Peyré, l’Africain », étude collective sous la direction de Dolores Thion Soriano-Mollà, Christian Manso et Pierre Peyré.
Quant à Jean le Basque, il ne semble pas avoir été réédité récemment, mais on le trouve aisément au format e-book ou d’occasion, en poche ou dans sa première édition. Et pour aller encore plus vite, il est également accessible en ligne.
Lire en ligne (Gallica) – cliquez ici
Déjà paru cet été
- « Chez nous » avec Joseph de Pesquidoux – cliquez ici
- « Le Capitaine Fracasse » avec Théophile Gautier – cliquez ici
- « Mouti, chat de Paris » et Charles Derennes – cliquez ici
- « Maître Pierre » et Edmond About - cliquez ici
Pour relire les cahiers de vacances de l’été 2020
- Eugène Casalis et ses Souvenirs – cliquez ici
- Alexandre Dumas et Les trois mousquetaires – cliquez ici
- Gustave Flaubert, des Pyrénées à la Corse – cliquez ici
- Jean-Louis Curtis et Les Forêts de la nuit – cliquez ici
- Stendhal et son Voyage dans le Midi – cliquez ici
- Angelo de Sorr et Les Pinadas – cliquez ici
- Francis Jammes et Pipe, chien – cliquez ici
- Paul Margueritte, Sous les pins tranquilles – cliquez ici
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