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HISTOIRES D'ICI ET LÀL’oublié Luis Mariano, oh la la la, c’est toujours magnifique !

Les jeunes générations connaissent-elles le chanteur Basque à la dentition Colgate, gominé, charmeur invétéré et invariablement souriant, Luis Mariano ? Un billet désuet comme on n’en fait plus… C’est bon aussi parfois…
Photo de Luis Mariano

Quelle radio, même ringarde à souhait, oserait aujourd’hui programmer une chanson proclamant que « La vie est là/Qui vous prend par le bras/Oh la la la/C’est magnifique » ? Car l’époque est à la sinistrose, aux restrictions, aux revendications et au politiquement correct. Pourtant, il fut une époque (que nous n’avons pas connue, hélas) où il faisait bon chanter l’amour, le bonheur de vivre (et pas le « vivre ensemble ») et la joie de le faire savoir. Son meilleur représentant est un Basque, dentition Colgate, gominé Pento, charmeur invétéré et invariablement souriant, Luis Mariano.

Précisons : un Basque espagnol, puisque né à Irún, juste de l’autre côté de la frontière, d’où son léger accent roucouleux qu’il entretint sa vie durant, et sa façon de malaxer les rrr, façon Edith Piaf, Dario Moreno ou Georges Guétary. De nos jours, on se moque ; dans les années 50, c’était folklorique et exotique à souhait, faute de pouvoir passer ses vacances dans un caravansérail All inclusive à Punta Cana. En tout cas plus jouissif que l’accent des banlieues déversé chez Hanouna ou lors de ce grand moment téléculturel appelé « Les Marseillais ». C’est ainsi que Mariano (de son vrai nom Mariano Eusebio González y García), fils de garagiste et d’une brodeuse s’impose sur la scène française, avec des titres gravés pour l’éternité, Rossignol de mes amours, L’amour est un bouquet de violettes, Fandango du Pays basque, Maman la plus belle du monde, L’étranger au paradis. Sans oublier La belle de Cadix, une ritournelle que Régis, mon mécanicien, déforme à tue-tête en hurlant « La bielle de Cadix a l’essieu de velours ». Ça faisait déjà rire dans les maternelles, dans les sixties.

Une notoriété certaine et certains doutes

Y aurait-il eu Luis Mariano sans Francis Lopez ? Les deux Basques, qui dès leur première rencontre au Fouquet’s se sont entendus à merveille, vont marquer l’époque avec une ribambelle de succès, à commencer par la déjà citée Belle de Cadix qui va être à l’affiche durant cinq ans, tandis que le disque tiré de l’opérette se vend à 1 250 000 exemplaires. Dès lors, il ne va plus quitter les sommets, avec Fandango, ou Le chanteur de Mexico, suivis d’Andalousie et du Chevalier du Ciel. Ses concerts aux Amériques drainent une foule en délire, ainsi sur le port de Montevideo, ils sont 60 000 à l’attendre débarquer du transatlantique, et 100 000 à l’acclamer au stade de Mexico. Bruel, prends-en de la graîne. Une grave question trouble alors les esprits : Mariano est-il homosexuel ? Ce qui aujourd’hui est banal est alors considéré comme une tare, et caché par bien des interprètes du pays, dont Jean Sablon et Charles Trenet, pour les plus connus. On lui connaît pourtant deux conquêtes féminines, la belle Martine Carol et Carmen Sevilla (qu’il demande même en mariage), mais comme dit l’autre ceci n’empêche pas cela, et peu nous importe.

Arcangues comme souvenir

S’il vit le plus clair de son temps au Vésinet, dans la banlieue parisienne cossue, il a fait construire au début des années 60 la Mariano Etxea, une demeure blanche à volets verts dans le plus pur style basque à Arcangues, au bout d’une impasse sur le chemin de Larrebidea. Elle-même flanquée d’une ferme accueillant trente vaches dont certaines portent le nom de ses partenaires de scène et de l’écran, Carmen (Sevilla), Martine (Carol), Ludmilla (Tcherina) ou Annie (Cordy). Sur le fronton, est inscrite une devise, en euskera, affirmant que « seul le résultat compte ». Euh… la manière aussi. C’est son fidèle chauffeur et ami Patxi Lacan qui est chargé de l’entretenir. La mort du chanteur, survenu d’une hémorragie cérébrale en 1970 à l’âge précoce de 55 ans met fin à ses rêves, et sans doute aussi à ceux de certains de nos parents. Depuis, Patxi et sa femme Françoise ont entretenu le souvenir et leur fils Mariano, que Luis a adopté en 1967 en était le propriétaire, avant sa vente en 2013 à une famille de la région. Les revenus engendrés par l’héritage marianesque étaient en effet trop modestes (de l’ordre de 1 000 euros par an) pour maintenir une telle propriété. Luis avait pensé à tout, mais n’était qu’interprète et ses films appartenaient à Canal+ et à René Château, donc bézèfle pépètes.

Comme la vie n’est pas avare de surprise, sans doute un jour une marianomania surviendra, sans crier gare. D’ores et déjà, Nolween Leroy et Florent Pagny lui ont rendu un bel hommage  lors de la dixième Fête de la chanson française, sur France2. Car les grands artistes ne meurent jamais. Et Luis Mariano était leur prince. Charmant, bien sûr.

Dominique Padovani

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