Abonnez-vous
Publié le Mis à jour le

EN ACTIONLe secteur aérien face à un défi colossal

L’association internationale du transport aérien (IATA) a chiffré le désastre en cours. Les recettes des compagnies aériennes chuteront de 55% en 2020. Air France perd 1 million par jour…
DUR DUR – Plus de la moitié des vols annulés
Selon l’organisation, qui fédère 290 compagnies assurant plus de 80% du trafic mondial, celles-ci perdront 314 milliards de dollars de chiffre d’affaires cette année. Les États sont appelés à la rescousse, car la faillite guette un grand nombre d’acteurs.

C’est un fait, les compagnies aériennes seront les grandes perdantes de la crise du coronavirus. Si on ne le savait pas encore, les chiffres publiés ce mardi 14 avril par l’IATA sont venus nous le rappeler on ne peut plus clairement. Selon les estimations de l’association internationale du transport aérien, le chiffre d’affaires 2020 des compagnies aériennes pourrait connaître une chute… de 314 milliards de dollars. C’est 62 milliards de plus qu’une première estimation communiquée il y a près d’un mois. Et cela pourrait encore empirer en fonction des scénarios.

Derrière ces projections catastrophiques, on pense évidemment aux coûts d’immobilisation colossaux des appareils et aux frais fixes des compagnies. La moitié d’entre elles seraient déjà menacées. Dans le monde, les compagnies aériennes emploieraient 2,7 millions de personnes. Et au-delà, 25 millions d’emplois en dépendraient indirectement, en particulier dans la filière aéronautique.

Une filière-clé en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine, où l’on rappelle qu’un total de 159.000 personnes œuvrent dans plus de 1.200 entreprises. Du côté de l’IATA, on appelle donc les États à œuvrer par tous les moyens possibles au sauvetage de leurs compagnies, des prêts garantis aux nationalisations en passant par recapitalisations, annulations et reports de charges.

Une crise sans précédent…

La principale compagnie dans l’Hexagone, Air France-KLM, perdrait en ce moment quelque 25 millions d’euros par jour. En quête de trésorerie pour tenir le choc jusqu’au retour de conditions normales, l’entreprise aurait tout récemment rappelé l’État français à l’aide. Car faute de soutien ou d’amélioration du trafic, le robinet à cash pourrait être à sec d’ici deux à 3 mois. Air France-KLM négocierait actuellement une ligne de crédit de 10 milliards d’euros avec les banques. Mais ces dernières jugeraient insuffisante la garantie des États français et néerlandais à hauteur de 6 milliards.

On se souvient qu’une renationalisation d’Air France faisait partie des options envisagées au début de la crise. On ne sait si c’est finalement ce scénario qui surviendra. Celui d’une recapitalisation semble en ce moment tenir la corde. Cette recapitalisation devrait passer par une partie des 20 milliards mobilisés par l’État pour venir en soutien des entreprises stratégiques via l’APE (Agence des participations de l’État). On s’attendait à des annonces plus précises en fin de semaine dernière. Pour mémoire, l’État détient actuellement 14,1% de la compagnie.

La situation est à peu près la même pour l’essentiel des compagnies d’Europe et du globe. Leader continental, Lufthansa perdrait 24 millions par jour et aurait déjà réduit sa flotte de 40 appareils. Le phénomène touche aussi les compagnies low cost. EasyJet ne vole plus du tout, même si la compagnie se dit en mesure de faire face pendant les 9 prochains mois. Elle aurait trouvé un accord avec Airbus pour repousser la livraison de 24 appareils.

Un exemple qui pourrait se répéter et éclaire la décision récente de l’avionneur de réduire un peu la voilure pendant la crise : les compagnies ne sont naturellement pas dans une posture idéale pour réceptionner et entretenir de nouveaux appareils. Le problème concerne d’ailleurs aussi Air France, qui doit recevoir 5 A350 cette année.

Airbus, après avoir gelé ses investissements, vient d’annoncer qu’il allait mettre 3.000 salariés de Toulouse, Nantes et Saint-Nazaire au chômage partiel, de lundi 20 avril jusqu’au 17 mai. Les employés percevront 92% de leur salaire.

Par ricochet, Daher est également impacté et pourrait perdre 400 millions d’euros cette année, soit le tiers de son chiffre d’affaires. Un plan de survie devrait être mis en place avec les représentants des salariés. Environ 1.500 des 10.000 employés du groupe travaillent sur le site de Louey, près de Tarbes.

Survivre le plus longtemps possible…

Du côté du trafic aérien en lui-même, il aurait chuté de 70% dans le monde en mars. Le chiffre atteint 90% en Europe et en Asie, et même 95% aux États-Unis, lesquels ont lancé un plan d’aide de 25 milliards pour leurs compagnies, à commencer par United Airlines, qui perdrait 100 millions de dollars par jour. En France, seule une trentaine d’avions arriveraient encore quotidiennement à Roissy. Il n’y aurait que deux vols quotidiens de Blagnac à Paris, contre 200 vers toutes les destinations d’habitude. Nos autres aéroports régionaux sont fermés.

La Chine, pays frappé le premier par l’épidémie et aujourd’hui en déconfinement, nous donne une petite idée de ce qui nous attend. On n’y enregistre encore que 30% du trafic habituel. Et les dégâts sont là : Hainan Airlines, 4ème compagnie chinoise, serait au bord de la faillite. Les analystes du secteur la voient rachetée à brève échéance par un concurrent local. Et elle est loin d’être la seule de la planète à se trouver dans cette position critique. De nombreuses autres sont menacées à très court terme, notamment en Afrique.

On comprend que pour les compagnies aériennes, l’enjeu va être de survivre le plus longtemps possible. Car le retour de conditions normales ne sera pas pour tout de suite. Il y aura d’abord une réouverture très progressive du trafic aux échelles nationales, puis continentales et mondiale. Les plus optimistes ne voient le trafic intercontinental reprendre qu’en fin d’année… Et la réouverture des aéroports et des vols ne sera pas une fin en soi : des règles drastiques seront mises en place et ralentiront considérablement les flux de passagers. Ces derniers pourraient d’ailleurs mettre un certain temps à décider de remonter à bord.

Sièges centraux condamnés pour le respect des distances, filtrage et reconditionnement de l’air 20 à 30 fois par heure, procédures de prise de température : voilà quelques exemples de mesures que les compagnies seront probablement obligées de prendre à l’heure d’un redécollage qui ne sera pas une partie de plaisir. Et certaines n’arriveront sans doute pas à subsister jusque-là.

Au-delà de liquidations dont le nombre demeure difficile à prévoir, il y a aussi de bonnes chances pour que la consolidation s’accélère sur ce marché des compagnies aériennes. Mais les mieux armées ou aidées d’entre elles pourraient bien trouver l’air un peu plus frais qu’avant à la sortie du tunnel.

Plus d’informations sur le site internet iata.org

 

Commentaires


Réagissez à cet article

Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire

À lire aussi