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Publié le Mis à jour le

PAUSE CAFÉLa bientraitance, mieux que la bienveillance ?

Un nouveau mot, que l’on commence à entendre deci, delà… Mais serait-il galvaudé avant même d’être né ? Enquête sur l’avènement d’une idée…
Photo d'une personne prenant un café avec une personne âgée

J’ai décidé – une fois n’est pas coutume – de ne pas être drôle du tout. J’aime les mots et la langue française, je suis du genre suranné qui considère encore un livre comme un meilleur ami, alors je ne pouvais rester silencieuse devant la naissance d’un joli mot, au concept pourtant encore bien vague : la bientraitance.


C’est à l’occasion de la Journée Mondiale d’Alzheimer que le mot a commencé à se répandre… Il avait été évoqué lors de précédents scandales des maisons de retraite, sous son nom anglais, comme si on avait encore honte de l’utiliser : positive care, ou mieux dit et assumé en français, le soin par la bienveillance, la bientraitance en totale opposition à la maltraitance.


État d’esprit éthique, dont nous avons cruellement besoin, certes envers les personnes âgées, malades, mais peut-être aussi en valeur sociétale, dans tout notre entourage. Respecter les goûts des autres, leur histoire, leur liberté et leur intimité, c’est valable en milieu hospitalier mais pourquoi pas aussi dans la vie quotidienne ? Un environnement chaleureux, fait de douceur, de considération et de bien-être, où l’autre peut s’exprimer et s’épanouir… Franchement, c’est demander la lune ?

Je fais cela pour ton bien = phrase dangereuse


N’est-ce valable que pour celles et ceux qui dépendent de l’autre ? Ne dépendons-nous pas tous des autres ? L’interdépendance ou interconnexion chère aux bouddhistes n’est-elle pas une réalité qui doit nous faire changer nos paradigmes les plus primaires ? Mais très vite, je me suis pourtant rendu compte que je préférais mille fois le terme de « bientraitance » à celui de « bienveillance ». Le second a, hélas, acquis une certaine connotation entre comportement doucereux et légère supériorité intellectuelle. La phrase « je fais cela pour ton bien » est si péjorative, si teintée de manipulation, qu’elle en devient dangereuse. La bienveillance saupoudrée d’ignorance conduit, à bien y regarder, à la maltraitance.


En revanche, le mot bientraitance sous-entend une action à l’égard d’autrui. Bien traiter l’autre. Pas au filtre de nos souhaits, de notre passé, mais simplement en « entrant dans son paysage ». Ce fut l’une des premières leçons de journalisme que je reçus, il y a longtemps… Si longtemps qu’aujourd’hui je me demande quelle tête feraient les aspirants scribouillards qui recevraient cette leçon : « pour être un bon journaliste, entrez dans le paysage de l’autre »… Et pourtant… Un autre exemple ? Facile… La planète ! La bienveillance ne lui suffit plus, petite posture lointaine, sans réelle action. Elle nécessite une bientraitance active, où l’on ne fait pas n’importe quoi, où les mesures prises ne sont plus seulement des hypocrisies déguisées.


Quelle définition ?


Mais attention, la bientraitance, puisque le mot est nouveau, va devoir se doter d’une sérieuse définition. Les risques sont nombreux de tomber dans un abîme d’exagération conduisant à un effet opposé. Posons-nous les bonnes questions ! L’acharnement thérapeutique, exemple parmi tant d’autres, n’est pas de la bientraitance…. Pourtant, les familles confrontées à la perspective de la perte d’un être cher peuvent le considérer comme tel. Une mère ultra-possessive à l’égard de sa progéniture n’est ni bienveillante ni bientraitante… Celui qui refuse un traitement salvateur par ignorance ou théorie du complot n’est ni dans la bienveillance ni dans la bientraitance. Celui qui manipule l’autre, le dirige selon ses propres attentes, et sans considération pour ses souhaits profonds n’est ni dans la bienveillance ni dans la bientraitance. Résumons, la bientraitance avec des fondements égoïstes, égotiques, et sans solidarité et empathie, n’est qu’une malveillance déguisée.


La bientraitance ne peut exister sans déontologie, sans compétence, sans travail d’équipe, sans conscience et sans respect. Eh ben ! Qui a dit « C’est pas gagné ! » au fond de la salle ?
Pourtant, dépêchons-nous de bien y réfléchir, et pas seulement dans les Ehpad ou à l’occasion d’une journée mondiale quelconque. Il en va de notre avenir d’êtres humains… Une fois de plus.


Gracianne Hastoy

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