Il y a des sondages qui ne servent à rien. Certains nous rétorqueront que ce sont tous les sondages qu’il conviendrait de mettre à la poubelle, tant les marges d’erreur sont gigantesques, et qu’ils ne servent qu’à alimenter des débats télévisuels stériles, bâtis sur du sable. Mais avec un acharnement digne de tous les éloges, la presse nationale continue de nous abreuver de jolies courbes en couleurs, exprimant des grimpettes ou des chutes de cotes de popularité de nos hommes/femmes politiques, comme si cela devait nous passionner.
Le plus cocasse dans l’histoire, c’est qu’ils se contredisent allégremment. Prenons par exemple celle d’Emmanuel Macron. Dans le baromètre YouGov réalisé pour Le HuffPost le 7 Octobre, il ne satisfait que 28 % des Français (son plus bas niveau depuis un an), contre 31 % un mois auparavant. Or, le 21 octobre, un sondage BVA pour RTL et Orange le situe à 36 % d’opinions positives (perdant 7 points). Si l’on comprend bien, à la même question, voilà un gap de 8 points, qu’on ne saurait expliquer. Le grand public ne retiendra donc qu’une seule chose : que sa popularité s’effondre, que son verbe ne passe plus. La preuve, ils sont « 49 % à estimer qu’il a des convictions profondes, contre 55 en mars et 73 % en avril 2018. » Et 41 % à le juger « capable de prendre les décisons qui s’imposent », contre 53 % auparavant. Et pour ajouter à la confusion, citons un troisième son de cloche, celui du baromètre Elabe pour Les Echos et Radio Classique du 3 novembre, où le chef de l’État est crédité de 32 % de satisfaits. Alors, 28 % ? 36 % ou 32 %. On ne nous prendrait pas un peu pour des gogos ?
Emmanuel Macron ne peut même pas se reposer sur son traditionnel garde-feu, le (la) Première ministre, Elisabeth Borne subissant elle aussi une jolie dégringolade, puisqu’au premier sondage cité, elle perd 5 points d’opinions favorables en un mois ; 10 selon le second (à 41 %). Mais voici que surgit, venue du diable-vauvert, une troisième estimation (HuffPost du 2 novembre) qui la place cette fois en nette hausse, avec 26 % d’opinions favorables, gagnant trois points ce mois-ci. Incompréhensible après avoir usé à quatre reprises du 49.3, subi une grève des raffineries, et l’émotion liée au meurtre de la petite Lola, entre autres. L’impression de gogoïsation se confirme.
Il existe aussi un classement façon Hit-parade, « bonjour les p’tits clous » qui est fort divertissant : celui de « l’image des personnalités politiques » des Echos, un canard qui ne fait pas dans le frivole. Dans sa livraison du 2 novembre, il place en tête Edouard Philippe (41 %), devant Marine Le Pen (31), Nicolas Sarkozy (29), Olivier Véran (29 aussi) et Bruno Le Maire (28). Utilité d’un tel sondage ? Nulle, quand on sait que l’ancien chef de l’Etat est démonétisé, qu’il a lâché ses troupes, ou celles de Valérie Pécresse, en pleine campagne, et qu’il n’est plus le bienvenu rue de Vaugirard. Quant à E. Philippe, sa déloyauté à l’égard de son mentor, le président (sur la réforme des retraites en particulier), devrait lui assurer un avenir cahoteux. Et placer MLP à 31 % ne signifie rien, sinon qu’elle est montée sur le podium, ce que l’on sait depuis la présidentielle de 2017.
En fait, il n’y a qu’un sondage instructif & amusant : celui des « Français préférés des Français ». Durant des années, Yannick Noah l’a dominé de sa cool attitude, avant d’être défénestré par Jean-Jacques Goldman, garçon oh combien talentueux et surtout discret, qui mérite cette distinction, qui lui a déjà été accordée à 11 reprises (tout comme Noah). Ce palmarès marque l’époque et confirme la dégradation de certaines valeurs : si le commandant Cousteau est parvenu 20 fois en tête et l’abbé Pierre 16 fois, Zidane l’a été à 6 reprises, et Sophie Marceau et Omar Sy à 3. Jeff Panacloc et Cyril Hanouna ont donc quelques raisons d’espérer. Comment ça, on s’en fout aussi ?
Dominique Padovani
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