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HISTOIRES D'ICI ET LÀY’a pas écrit bécasse, ici ! La cuisine de Maïté, celle du temps d’avant

Dominique Padovani lance un grand cri d’amour et de gourmandise à la cuisinière Maïté, internationale landaise…
Photo de Maité dans une cuisine
Autant l’avouer, l’un de mes regrets sur cette terre est de n’avoir jamais fait halte chez Maïté, la chaleureuse gargotière de Rion-des-Landes.

Et ça c’est du remords, du maousse costaud, bien supérieur à d’autres actes manqués : l’escalade de l’Anapurna (voire de la Rhune) ou une nuit d’amour torride avec la capitaine Marleau.

Parce que, déguster dans son estaminet une crépinette au foie gras, une dinde aux cailles, une fricassée d’escargots à la purée d’orties ou un homard, évidemment flambé à l’armagnac, devait constituer un plaisir réservé en exclusivité aux sybarites. Avec un panneau à l’entrée, indiquant « Achtung, minen ! » « Attention, chiens méchants », « Vade retro, Satanas » et « Zut à celui qui le lira ! » afin d’écarter les opportuns et les dédaigneux de l’estomac. C’est qu’elle avait - qu’elle a toujours – son caractère, la Maïté ! Pas du genre à se laisser enquiquiner par qui ou quoi que ce soit. On n’aurait pas aimé être à la place de son souffre-douleur, la résignée Micheline, bourgeoise parisienne qui dans La cuisine des mousquetaires, lui servait de faire-valoir, de gâte-sauce, de commis et d’exutoire. D’amie aussi, sans doute.

Un drôle de destin pour cette ancienne « annonceuse » de la SNCF, noble occupation consistant à prévenir les ouvriers du passage imminent d’un train, à l’aide d’une trompette. Y’a de bien beaux métiers ici-bas. Heureusement en 1983, lors d’un reportage consacré à l‘équipe de rugby locale, pour qui elle a préparé un « léger » frichti, elle crève l’écran par sa faconde et sa joie de vivre. La voilà propulsée aux commandes de sa propre émission, qui va - entre 1983 et 1999 -sur France 3 faire la réjouissance des ménagères en panne d’idées et la joie des autres, qui apprécient sa bonne humeur, sa simplicité, sa truculence et son accent (oui, je sais, il n’y a pas d’accent dans le Sud-Ouest, ce sont les autres qui en ont un).

Pas d’anguille sous roche

L’épisode de l’anguille est resté dans les mémoires. « Ne bouge pas, ma chérie », annonce-t-elle en fracassant son pilon de bois sur la bestiole, qui affolée gigote dans tous les sens sous l’œil des caméras, et celui apeuré de Micheline qui se demande ce qu’elle fout là, puis de lui retirer la peau façon Indiana Jones dépeçant un anaconda dans le bush australien. Ou dégustant, toute honte bue, un ortolan, qu’elle place d’abord contre sa joue, en complète extase, avant de « lui sucer le derrière ». « Hilh de pute, que c’est bon ! », s’exclame-t-elle, en extase, les yeux fermés. Là, on frôle l’orgasme.

Cette année, notre cuistote favorite, bien qu’on n’ait jamais goûté sa marmite, a fêté ses 84 ans et contrairement à ce qu’annonce périodiquement la presse, n’est pas vraiment pressée de tirer sa révérence. Naturellement, elle n’est plus aux fourneaux et consacre l’essentiel de son temps à ses deux petites-filles, dont l’une, Camille, a concourru à l’émission Objectif Top Chef. Bonne chienne chasse de race. De son restaurant, il ne reste rien, que des souvenirs, car liquidé par le tribunal de commerce de Pau en 2015. Les interviews, elle les refuse, sûre qu’on lui remettra dans la tronche son anguille au pilon, son inhumanité envers les bêtes, alors qu’elle n’a fait toute sa vie que donner du plaisir. Et à quoi bon rabacher ? Les vidéos sont là pour nous faire revivre, dans la bonne humeur, de sacrés jolis moments de cuisine roborative et conviviale. Et pour les curieux, les végans et les grincheux, restent les bêtisiers : en ce domaine, notre cultissime landaise Maïté était aussi une star.

Dominique Padovani

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