Le monde est lourd, le ciel est drôlement gris pour la saison, on voudrait bien rire, mais ça coince un peu. Ouf, dans toute cette grisaille, un peu de légèreté sous la forme d’une crème. Pas chantilly, pas fouettée, non, une crème à tartiner sur la figure, une crème miracle comme toutes les crèmes, mais celle-là, j’ai chaussé mes lunettes pour aller y voir de plus près.
Vous en connaissez beaucoup vous des crèmes associées « à un parfum actif aux effets euphorisants scientifiquement prouvés » ? C’est ça qu’ils cherchent les chercheurs, les effets euphorisants des crèmes anti-rides, anti-fatigue, anti-radicaux libres, anti-radicaux de gauche, anti-radicaux de partout ?
« Dès l’application, vous rayonnerez de bonheur », je vous jure, c’est écrit sur la notice, parce que vous imaginez bien que j’ai acheté la crème en question. Il n’y a pas de prix pour rayonner de bonheur ! « Délicieusement vivifiant, son parfum euphorisant inspire le bonheur », vous voyez, ça ne s’invente pas. Je suis un peu inquiète quand même, parce que « aérienne et fondante » « fraîche, gourmande et soyeuse », j’ai peur qu’on ne se fiche de moi, là, vous ne croyez pas ? Et c’est bien la force du marketing, il nous prend pour des cruches et ça marche.
« Epanouie et en pleine forme, votre peau est heureuse, pétillante et lumineuse », cruche je suis, mais bon, il faut un début à tout et avoir une peau heureuse et pétillante, même si on se sent comme une vieille serpillière trop essorée, c’est mieux que rien, non ? Bref, contrairement à certains compléments alimentaires, on pourrait dire de cette crème, qu’on voit à l’extérieur ce qu’elle ne fait pas à l’intérieur.
Et l’extérieur, c’est important, n’en déplaise à ceux qui ne veulent que du profond et du sérieux. La futilité, c’est drôlement important et le superflu absolument indispensable. On organise même des séances d’esthétique pour SDF, prisonniers, personnes en fin de vie, preuve que prendre soin de soi, si ça ne tourne pas à la monomanie, c’est bon pour le moral. Une manière de reconnaître sa dignité, sa propre existence, s’obliger à prendre conscience de son corps.
Doit-on donc béatifier Estée Lauder qui a disparu à l’âge (caché et ça ne se voyait pas) de 97 ans ? Elle a oeuvré pour que les femmes se sentent plus belles et après tout, si ce n’était pas Marie Curie, ce fut une chercheuse tout de même…
Pasquine L’Islet
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