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COUP DE CŒURAnnie Famose, la Pyrénéenne championne absolue

La Jurançonnaise, championne du monde de slalom et doublement médaillée olympique, a aussi atteint les sommets en affaires : plus qu’une reconversion, la réussite d’un sacré tempérament.
COUP DE CŒUR - Annie Famose, la Pyrénéenne championne absolue
Avec les sœurs Marielle et Christine Goitschel ainsi que la Bigourdane Isabelle Mir, Annie Famose a marqué l’histoire du ski féminin. Aujourd’hui, elle est à la tête d’un groupe remarquable, fait maison.

Autodidacte des affaires, Annie Famose, en toute humilité, est tout simplement un exemple. Elle est clairement une femme inspirante aussi bien pour les sportifs de haut-niveau, que pour bon nombre de chefs d’entreprise.
 
Championne du monde de slalom à Portillo (1966) et doublement médaillée aux Jeux Olympiques de Grenoble (1968), dans sa première vie. Championne de la location de matériel de sports d’hiver (1200 magasins dans le monde entier) et multi-médaillée dans l’hôtellerie-restauration avec de remarquables établissements à Avoriaz, Megève, Saint-Tropez, Biarritz…  dans ses vies suivantes. Annie Famose reste pourtant d’une impressionnante humilité et d’un naturel qui marque les esprits.
 
Rencontre avec une personne d’exception qui a la pudeur de ne pas le montrer. Une montagnarde volontaire qui sait assurer chaque pas, ne pas aller trop vite. Une femme leader qui fédère et s’entoure des meilleurs. Une patronne infatigable qui trace la voie avec bon sens, pragmatisme, une très grande rigueur et le souci du détail qui fait la différence.
 
A 79 ans, Annie Famose respire une fraîcheur hors du temps, d’autant plus qu’elle savoure la prise en main du groupe familiale par ses enfants Sarah et David.

Vous êtes née à Jurançon…
Annie Famose –
En 1944, 10 jours après le Débarquement en Normandie. Mes parents avaient une maison sur la place du Junqué. J’ai été à l’école de Jurançon, j’y ai fait ma communion... C’est là que j’ai passé les 12 premières années de ma vie. Nous avons ensuite déménagé à Billère.
 
Comment êtes-vous arrivée sur les pistes de ski ?
A. F. –
Mon père, Jean, ancien athlète, nous a fait aimer le sport. Avec ma mère, Marie, ils aimaient tous les sports, dont le ski. Ils nous amenaient à Gourette, puis à Barèges où il y avait une grande équipe sportive. J’avais 7 ans de moins que mes grands frères, François et Jean-Pierre, et il me fallait arriver à les suivre… comme je pouvais ! Il m’a fallu trouver toute seule les mécanismes pour aller plus vite. C’est en famille que j’ai relevé mes premiers challenges. Mon père nous organisait tout le temps des compétitions dans différentes disciplines. Il me consentait parfois un petit handicap pour pouvoir rivaliser avec mes frères aînés.

Et la compétition ?
A. F. –
Dans la famille, on a tous été habitués à vivre dans la compétition. J’ai participé à quelques courses de ski locales : par exemple à 12 ans, j’ai gagné la coupe de l’Eclair-des-Pyrénées à Gourette. J’ai ensuite décroché le titre de championne des Pyrénées, ce qui m’a permis de participer aux championnats de France à Valloire dans les Alpes. J’avais 14 ans. J’étais un peu jeune pour ces épreuves. Mais, si je me souviens bien, j’ai dû faire 27e en descente et 27e en slalom. C’est là qu’on a repéré que j’avais quelques aptitudes.
 
Changement de vie…
A. F. –
Oui. Mes parents ont reçu un appel téléphonique : « Si vous voulez, on peut la convoquer à des stages d’espoirs dans les Alpes avec l’équipe de France. Et si ça marche on verra après ». J’avais passé mon brevet assez brillamment et donc il a fallu faire un choix. Pour mes parents, professeurs d’éducation physique, il n’était pas question d’abandonner les études. On a donc décidé que j’allais travailler par correspondance.

C’est là que vous avez rencontré les sœurs Goitschel ?
A. F. –
Nous avons constitué rapidement un véritable trio, avec Marielle qui boostait tout le monde. Nos stages se sont bien passés et, très vite, nous avons été engagées dans des compétitions de plus haut niveau. Je suis entrée en équipe de France à 17 ans. Un an après, j’ai été classée meilleure skieuse en slalom et en descente. En 1964, les Jeux d’hiver à Innsbruck se sont mal passés pour moi, contrairement aux sœurs Goitschel qui ont tout raflé. Mais, je me suis rattrapée après, avec un titre de championne du monde de slalom et une 2e place en descente à Portillo (1966), puis deux médailles aux JO de Grenoble (1968) : l’argent en slalom géant et le bronze en slalom. Parallèlement, j’ai passé le Bac puis le professorat d’éducation physique, le CAPES… pour faire comme tout le monde dans la famille.

Comme s’est passée le début de votre reconversion ?
A. F. –
Nous étions des skieurs amateurs, purs et durs. Les stages et le matériel étaient payés, mais c’était tout. Comme je m’amuse à le dire, on faisait tout cela pour une poignée de main du Général De Gaulle [rires]. C’était notre vie, on l’aimait bien. C’était comme ça. Au final, c’est bien d’avoir fait ce chemin-là. La reconversion n’a pas été simple. J’étais professeur d’éducation physique certifiée et je m’occupais de jeunes. Mais, je n’étais pas Killy, c’était difficile pour moi de faire quelque chose en surfant sur l’image, la notoriété. De plus, à l’époque, les femmes n’avaient pas leur place comme entraîneur. Ce métier était affiché comme trop dur pour elles et donc réservé aux hommes. C’était clairement ainsi.
 
Compliqué, donc…
A. F. –
Quand on arrête la compétition de haut niveau, il y a d’abord un choc. Tout d’un coup, on se retrouve tout seul. Pendant 10 ans, on nous a dit : tu te lèves à telle heure, tu t’habilles comme ceci, tu bouges comme ça, tu vas faire ci, tu vas faire ça... Des personnes géraient notre emploi du temps et notre vie, de A à Z. Là, on se réveille un matin en se disant qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui ? Je pense que tous les sportifs de haut niveau doivent traverser ainsi une période très délicate. On sait qu’il nous reste 50, 60 ou 70 années à vivre et il faut se concentrer, alors, à bien les employer. Assez rapidement, on m’a proposé de faire la promotion des stations de ski françaises qui étaient en train de se créer. Pendant 2 ans, je suis allée en mission un peu partout dans le monde.

Vous vous êtes ensuite lancée avec Isabelle Mir…
A. F. –
Avec Isabelle, nous avions des liens très forts. Elle était un peu plus jeune et, quand elle a rejoint les stages de l’équipe de France, je passais la prendre à Lannemezan pour partir en voiture dans les Alpes. Pendant 5-6 ans, nous étions tout le temps ensemble. En 1974, on nous a proposé de reprendre un magasin de sport à Avoriaz : la reconversion basique. C’était un grand magasin. On n’y connaissait rien, mais rien du tout. Je ne savais pas ce qu’était un chiffre d’affaires, aucune notion sur la TVA… Nous n’avions pas la moindre idée du B. A. BA de la gestion d’une entreprise. Nous avons retroussé les manches. On a foncé. Heureusement, des gens bienveillants nous ont expliqué tout ça. Et très vite, nous avons compris comment ça se passait…
 
Aviez-vous des moyens financiers pour démarrer ?
A. F. –
Aucun. Le magasin, on ne nous l’a pas offert. Il fallait l’acheter, mais nous n’avions pas d’argent, nous devions donc emprunter. On avait porte ouverte chez tous les banquiers, ils nous recevaient très aimablement : « Vous avez été formidables ! ». Mais, la porte se refermait aussitôt : « Chaque fois qu’on a fait des affaires avec des sportifs, ça n’a pas bien marché ». Finalement, on a réussi à obtenir un crédit-bail. Par contre, après la première année, les banquiers ont vu que l’on était sérieuses et appliquées, qu’on voulait bien faire. À partir de ce moment-là, ça a été nettement plus simple pour trouver des financements.

Parlez-nous du Village des enfants…
A. F. –
Pour Isabelle et moi, c’était assez pénible de rester enfermées dans un magasin toute la journée. Nous avions constaté que beaucoup d’enfants qui venaient au ski n’étaient pas heureux. Ce n’était pas normal. Alors, on a imaginé le concept du Village des enfants, en se basant sur la manière dont nous avions nous-mêmes vécu le ski quand on était jeunes, en permettant d’apprendre à skier avec des approches ludiques. On a ainsi mis en place une série de situations. Cela a très bien marché, très vite, un peu trop vite presque. On s’est fait plaisir. C’était bien, ça correspondait à la vie que nous avions aimée. Mais économiquement, c’était plus compliqué.
 
On vous a surnommé la Dame d’Avoriaz ?
A. F. –
Le premier magasin s’est bien développé. Dans cette période de ruée vers l’or blanc, nous avons eu l’opportunité de reprendre d’autres magasins de sport dans la station, puis d’autres enseignes. Ce qui nous a permis d’avoir une position très forte à Avoriaz et une belle réputation. De son côté, Isabelle Mir a voulu revenir dans les Pyrénées, nos chemins se sont alors séparés, mais nous sommes restées des amies très proches. Quant à moi, j’ai continué l’aventure… en diversifiant nos activités.
 
C’est-à-dire ?
A. F. –
J’avais deux enfants en bas âge. J’avais envie de continuer à développer des choses, mais sans passer ma vie sur des routes de montagne enneigées. Qu’est-ce qui marche bien dans une station de ski en dehors d’un magasin de sport ? Les restaurants... Alors, j’ai saisi l’opportunité de reprendre un établissement à Avoriaz, bien que n’ayant aucune compétence dans ce domaine. Puis, j’en ai acheté d’autres dans la station. C’était un peu compliqué au départ. Heureusement, j’ai pu recruter des directeurs compétents qui m’ont permis de comprendre les clés du métier et de développer cette activité. J’ai eu la chance de tomber sur des personnes très bien qui m’ont beaucoup appris.

L’enjeu ?
A. F. –
A cette époque, de grands industriels sont arrivés dans les sports d’hiver, comme la Compagnie des Alpes ou encore Pierre et Vacances. Tout seul dans notre station, nous ne pouvions pas rivaliser. Alors, on s’est regroupé avec d’autres indépendants des grandes stations des Alpes, pour pouvoir peser auprès des tour opérators. Skiset a démarré avec 30 magasins, le réseau en rassemble aujourd’hui 1200.

Le concept ?
A. F. –
Au départ, on louait des skis vieux, usagés. D’un seul coup, nous avons proposé des skis neufs ou de moins de 3 ans, des chaussures séchées, aseptisées… dans des magasins plus modernes. Nous avons été précurseurs. A l’époque, les réservations se faisaient par minitel : une grande aventure ! Nous avons mis en place des équipes pour aller signer des contrats avec les grands tour opérators et les hébergeurs. On a aussi essayé de faire en sorte que tous les magasins soient beaux, bien placés, près des résidences, avec un accès facile. Nous nous sommes ensuite développés en Suisse, en Autriche, en Italie… Nous avons pu ainsi fidéliser une clientèle solide en provenance d’Angleterre, de Belgique, des Pays Bas, de Scandinavie qui aime retrouver la qualité de nos enseignes dans toutes les grandes stations de ski.
 
Vous êtes leader de ce marché de la location ?
A. F. –
Même si l’on a été vite rattrapé par la concurrence, on essaye toujours de garder une longueur d’avance pour rester leader européen. Aujourd’hui, toutes les réservations se font par internet et le réseau apprécie l’ensemble de la commercialisation moderne que nous avons mis en place. La plateforme Skiset regroupe une cinquantaine de personnes avec un siège en région parisienne, un autre à Albertville, au cœur des Alpes, et un troisième international à Lausanne.

Le Blue Cargo

Pourquoi avoir développé l’activité restauration ?
A. F. –
D’abord et toujours, le goût de faire des choses nouvelles. Au-delà des opportunités qui se sont présentées à Avoriaz, et qui ont bien fonctionné avec des directeurs de bon niveau, nous voulions équilibrer le groupe avec des activités d’été. En étant sur des établissements fonctionnant essentiellement l’hiver, les problématiques de trésorerie étaient lourdes. Il se trouve que l’on avait un très bon directeur à Avoriaz, auquel nous étions très attachés. Il s’est marié à Saint-Tropez et du coup nous avons décidé d’y ouvrir un restaurant pendant l’été. Comme vous le voyez, on a fait du marketing de très haut niveau pour arriver à Saint-Tropez [grand sourire]. Comme ça a marché rapidement, le voisin qui vendait est venu nous voir, puis d’autres. Très vite, nous avons été à la tête de plusieurs établissements. On a trouvé les bons concepts pour une restauration festive et de qualité.

Une anecdote concernant une reprise ?
A. F. –
Oui. J’ai une maison à Chiberta. Les enfants adoraient le Blue Cargo, et quand il a été mis en vente, ça a été tout de suite : « oui, oui, il faut l’acheter, oui, oui… ». Encore une fois, du vrai marketing ! Mais, ça marche bien aussi.
 
Où en est le groupe aujourd’hui ?
A. F. –
Je suis en train de céder le Village des enfants. Nous avons développé Skiset et la restauration festive dans des sites emblématiques : Avoriaz, Megève, Courchevel, pour l’hiver ; Saint-Tropez, Biarritz et Saint-Barthélemy, pendant l’été. Le groupe qui emploie 500 personnes dans toute la France, possède une quarantaine d’établissements plébiscités par une clientèle internationale fidèle à nos différentes enseignes.

Le Café de Paris à Biarritz

Vos enfants vous ont rejoint pour piloter le groupe…
A. F. –
C’est une très grande satisfaction. J’en suis fière et heureuse. David a rejoint le groupe assez rapidement, après avoir fait une école de commerce. Il a aussi travaillé pendant 5 ans à la direction générale de Pierre et Vacances où il a été particulièrement bien formé. Puis, il a trouvé que ce serait bien de travailler avec moi. Quant à Sarah, elle a d’abord fait l’École supérieure de commerce de Paris (ESCP), et voulait relever ses propres challenges. Finalement, elle a rejoint le groupe familial. C’est formidable !
 
Vous poursuivez vos investissements au Pays Basque
A. F. –
Après la restauration, nous commençons à investir dans l’hôtellerie, même si nous avions déjà transformé le Café de Paris et ses 19 chambres, avec l’architecte d’intérieur Sarah Lavoine. Depuis juillet, nous avons repris le Radisson à Biarritz, un très bel endroit au-dessus de la côte des Basques.
 
Dans la restauration aussi…
A. F. –
Nous travaillons avec des grandes figures de la gastronomie comme le chef triplement étoilé, Eric Frechon, qui fait notamment les cartes de La Petite Plage au Port Vieux de Biarritz, à Saint-Tropez et Saint-Barth. Il constitue les équipes, forme parfaitement les cuisiniers, ici mais aussi dans d’autres établissements du groupe. Au Café de Paris, Cédric Béchade apporte son savoir-faire et son talent. On essaye de bien suivre ce qu’ils nous apprennent.

Vous avez d’autres mandats, en dehors du groupe ?
A. F. –
Plus maintenant. J’ai fait partie du board de Pierre et Vacances, mais j’ai démissionné après le rachat par un groupe anglo-saxon. J’ai beaucoup appris au contact de cette grande entreprise qui fait référence dans le domaine touristique avec de très beaux produits. Même chose à l’Olympique Lyonnais. Je me suis régalée pendant de nombreuses années au Conseil d'administration avec Jean Michel Aulas. Il est extraordinaire notamment dans son approche combinant sport et entreprise.
 
Avez-vous gardé contact avec le monde du ski ?
A. F. –
Uniquement avec mes copines. Nous nous retrouvons très régulièrement à Biarritz avec Isabelle Mir, Marielle Goitschel et Florence Steurer.
 
Les clés de la réussite ?
A. F. –
Dans chaque métier, nous nous sommes donnés des critères de base solides et simples. J’ai déjà parlé des enseignes Skiset. Pour bien assurer notre philosophie dans la restauration, nous faisons en sorte que chaque établissement soit beau, que ce soit bon, qu’on ait un service de qualité, que le site soit animé et festif.
 
Et celle de votre parcours hors du commun ?
A. F. –
Vous savez, quand on vient de la montagne, on garde en mémoire que la vie y est dure, quand même. On ne doit pas aller trop vite, il faut avancer avec un pas bien assuré. J’ai essayé de rester dans cette philosophie. Comme les affaires marchent, on a beaucoup de propositions, alors on s’efforce de bien les gérer, les unes après les autres. En étant toujours clean dans chacune de ces affaires. Une chose essentielle, c’est aussi d’avoir de très bons collaborateurs, de choisir les meilleurs possibles et de savoir apprendre d’eux. Bien entendu, le sport de haut niveau m’a apporté des qualités de base fondamentales : la volonté, la rigueur et le souci du détail pour aller chercher la performance. Beaucoup de travail aussi, mais cela ne me fait pas peur !
 
Fière de passer le relais à vos enfants ?
A. F. –
Très. Très heureuse de leur transmettre mon expérience. Après, chacun d’eux développe l’activité à sa manière. Ils le font et le feront très bien.
 
Informations sur Skiset
 
Information sur le Groupe Annie Famose

Annie Famose entourée de ses deux enfants, Sarah et David

Commentaires (1)


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didier chauffaille
il y a 6 mois -
C'est un très bel article pour une non moins très belle personne. Quelle belle aventure! Quelle humilité et quelle abnégation! Bravo à cette Grande Dame! Bravo Madame Annie Famose! Vous êtes un exemple et tellement inspirante à travers vos valeurs et vos engagements bienveillants. Merci à Presselib d'organiser de si belles rencontres et de nous les faire partager avec joie et bonheur. Merci Didier du Pays de l'Adour

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