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L’Université, le BEC et les gens du voyage

Sécuriser la pratique du sport pour tous dans le plan d’occupation du campus universitaire
L’Université, le BEC et les gens du voyage
Cet article décrit la grande errance du Bordeaux Étudiants Club (BEC) dans le malentendu persistant qui l’oppose à l’Université de Bordeaux concernant l'utilisation des installations sportives sur le campus universitaire, en particulier à Rocquencourt.

Deux événements récents ont intensifié ce conflit. Tout d'abord, l'Université a organisé le Tournoi mondial de rugby universitaire sans informer le BEC, ce qui a entraîné la réquisition de terrains essentiels pour le club. Deuxièmement, le terrain d'honneur de Rocquencourt a été illégalement occupé par des gens du voyage, perturbant davantage les activités du club.
 
Au bout de dix ans de négociations, le BEC a finalement obtenu une autorisation d'occupation du territoire pour 40 ans, mais à des conditions très défavorables, le traitant comme un simple “utilisateur-payeur” du campus universitaire. De plus, cette autorisation implique la destruction du club house actuel du BEC. Et ces conditions n'ont pas résolu la question de l'occupation illégale de Rocquencourt par les gens du voyage, qui s'est déjà posée à plusieurs reprises dans le passé.
 
L'article souligne le mépris de l'Université envers le BEC et l'importance du sport pour tous par contraste avec l'accent mis sur le sport d'élite en préparation des Jeux olympiques de Paris 2024. Il y est souligné que le campus universitaire devrait être animé toute l'année et que le BEC pourrait jouer un rôle clé dans cette animation. Un changement de modèle est suggéré pour aménager et occuper le campus de manière plus productive, en s'inspirant de modèles internationaux réussis.
 
En fin de compte, l'article plaide pour une résolution du conflit entre l'Université et le BEC, tout en soulignant l'importance de préserver le sport pour tous et l'histoire du club universitaire de Bordeaux. Il rappelle la nécessité de trouver des solutions durables pour l'occupation du campus universitaire, en particulier en ce qui concerne les problèmes récurrents liés à l'occupation illégale de Rocquencourt par les gens du voyage.

La jungle de Rocquencourt :  un usage arbitraire des terrains de sports du campus 


La longue errance forcée du Bordeaux Étudiants Club sur le territoire du campus universitaire de Pessac se poursuit. Le théâtre des opérations est celui du domaine de Rocquencourt au coeur du campus. L’occasion cette fois est celle de deux faits divers qui impactent considérablement sur le bon déroulement des compétitions des grandes disciplines sportives dans lesquelles est engagé le club omnisports du BEC.

Il s’agit, d’une part, de l’organisation par l’Université de Bordeaux du Tournoi mondial de rugby universitaire sur invitation (WURIT) (1) qui a eu lieu du 21 au 28 septembre en marge de la coupe du monde de rugby; d’autre part, de l’occupation illégale du terrain d’honneur de Rocquencourt, le stade André Lasserre du nom d’un grand entraîneur de rugby béciste.

Ces évènements nous rappellent l’urgence de trouver enfin des pistes pour : sécuriser, aménager, occuper et animer durablement le campus autour d’une réelle politique du sport pour tous et de la santé physique et morale des jeunes.

Le prix de l’errance

Le BEC, doyen des clubs universitaires de France, appartient au paysage sportif et éducatif de Bordeaux depuis 126 ans. Sa distinction par le Conseil général de la Gironde comme « Club sportif du siècle » en 2000, situe la valeur de son apport, notamment à l’histoire du mouvement olympique, à quelques mois de l’organisation en France des JO de Paris 2024.



Une analyse approfondie des relations fragilisées entre le BEC et l’Université a été publiée sur le Journal du BEC (2). Aujourd’hui, le Doyen des clubs universitaires de France, à l’issue de discussions trop longtemps stériles —depuis 2014 ! —, de tergiversations et d’intersessions du politique auprès de l’Université (Région, Mairie de Bordeaux), a pu :

  • en premier lieu, de sa propre initiative, retrouver un siège social intra-muros à Bordeaux ;


  • - en second lieu, recouvrer son droit de disposer d’une autorisation d’occuper le territoire pour 40 ans (AOT), mais à quel prix ! : comme simple « utilisateur-payeur » (3) ; en acquittant un loyer exorbitant pour une association sportive à but non lucratif ; autour de 110.000 € par an pour la location du terrain du club house et la location de locaux provisoires ; 80.000€ par an pour les frais d’occupation des terrains de jeu ; à condition de fermer et reconstruire son club house de Rocquencourt ; le coût de construction d’un nouveau club house étant estimé à 1million d’euros (4) ; et d’utiliser les installations sportives selon des calendrier saisonniers que l’université se réservera le droit unilatéral de préempter si l’on se réfère à la jurisprudence de la pratique imposée depuis quelques années au Lille Université Club.

C’est dans ce contexte que s’est effectuée la rentrée sportive des équipes du BEC, notamment dans les disciplines collectives du rugby et du football essentiellement dépendantes des installations traditionnellement disponibles sur le territoire de Rocquencourt.
 
 A l’orée de la saison 2023-2024, malgré les inquiétudes habituelles sur la disponibilité des terrains, le BEC pensait repartir pour une saison où l’on pourrait commencer à envisager un avenir à plus long terme dans un cadre juridique sécurisé. Mais, en cette année de coupe du monde, l’Université avait pris l’engagement de recevoir le Tournoi mondial de Rugby Universitaire avec 6 équipes de filles et 6 équipes de garçons. Extraordinairement, ayant pour l’occasion décidé de réquisitionner 4 terrains utilisés normalement par le BEC, l’Université n’a pas jugé utile d’en informer au préalable le club. Ni de lui communiquer un programme d'utilisation des terrains. Ni de l’associer à son organisation.

Ce n’est qu’avec le battage médiatique fait autour de ce que l’on a erronément présenté comme une « coupe du monde universitaire de rugby », que le BEC a pris connaissance du caractère officiel de ces opérations. Les sections de rugby et de football du club se sont ainsi vu réquisitionner sans préavis tous leurs terrains disponibles.
 
On est choqué par l’incroyable mépris et l’immense irresponsabilité reflétés par une telle attitude.

Sport d’élite ou sport pour tous ?
 
Lorsqu’on lit un récent rapport Braconnier (5) commandité par la conférence des présidents
d’Université (présidée en 2022 par Manuel Tunon de Lara, ancien président de l’Université de Bordeaux pendant dix ans) sur l’état du sport à l’université, on réalise que tout, actuellement, est mis en oeuvre à la hâte pour favoriser l’élite du sport universitaire en vue des JO 2024 de Paris. Une telle précipitation si tard (8 mois avant Paris 2024) dénote une étonnante fébrilité de la part des autorités universitaires qui n’ont visiblement pas été préparées à voir leur politique sportive remise si brutalement en question. Seul ce contexte politique et évènementiel peut expliquer, sinon excuser, une telle attitude de négligence hautaine et de mépris à l’égard de la seule association sportive présente à longueur d’année sur le territoire du campus universitaire.
 
Plus grave encore est le signal clair envoyé au citoyen ordinaire, au bénévole sportif et à l’étudiant bordelais en quête d’activités sportives non réservées à l’élite. Le sport pour tous, celui qui à terme fournit le terreau des activités bénéfiques à la santé et du sport de haut niveau, est ainsi sacrifié avec ses bénévoles et ses associations sur l’autel d’une politique de rattrapage court termiste. Et que dire, dans la course aux apparences évènementielles jusqu’à Paris 2024, de cette nième provocation envers le BEC, de l’oubli pur et simple du club historique de Bordeaux s’il en est, pourvoyeur d’une multitude de médailles olympiques au cours de ses 126 ans d’histoire.

Nomadisme sociétal ou plan d’aménagement et d’occupation du campus ?

Un deuxième fait divers est venu se rappeler à l’attention des autorités universitaires: l’occupation du terrain d’honneur de Rocquencourt par les gens du voyage.
 
Le drame sociétal que provoque l’occupation récurrente du territoire par les caravanes quasiment inamovibles des gens du voyage, s’est à nouveau invité à la Une des media à l’occasion du tournoi universitaire (6) précité.
 
Longtemps pénalisante pour le BEC, cette occupation le fut cette fois pour l’Université, organisatrice de l’évènement. Mais fi de ce détail puisque les autres terrains sur lesquels se sont repliés les « rugbymen universitaires » du tournoi sont des terrains affectés aux sections de rugby et football bécistes qui se le virent confisquer sans information préalable pendant une durée de 15 jours cruciale à la préparation notamment de la saison de rugby en septembre 2023.
 
Le rugby n’est pas ici le sujet. Il s’agit, d’une part, d’une question de respect du droit et de l’ordre public ; d’autre part, de la transmission des valeurs de l’histoire et de la culture régionales.
 
Et voici qu’on s’émeut dans la presse parce que l’Université est affectée par l’occupation de « son » terrain d’honneur de rugby par les gens du voyage. Or ce n’est pas la première fois, loin de là. Le terrain d’honneur en question fait partie du territoire de Rocquencourt dont le Club House du BEC, fut récemment « banni » par décision judiciaire puis seulement toléré désormais à un certain nombre de conditions léonines mentionnées plus haut. On pourra utilement se référer aux expériences multiples du passé où l’Université et les municipalités concernées ne volèrent ni efficacement, ni rapidement au secours du BEC qui voyait les terrains de ses disciplines sportives envahis au cours de plusieurs étés.
 
Le journal Sud Ouest des 20 et 21 septembre 2023, puis du 4 novembre; ActuBordeaux, le 1er novembre, France Info le 2 novembre (7) , évoquent la dimension évènementielle de l’affaire. La presse accroche cette nouvelle dérive car elle y a trouvé, initialement, un piquant proche de la farce estudiantine à travers l’épisode de l’entrainement des rugbymen bécistes sur la place des Quinconces à Bordeaux où l’ironie de la situation les a poussés.
 
Mais peut-on encore sourire de ce club centenaire errant de stade en stade, des Quinconces au Creps de Talence et de Rocquencourt à Chaban, poussé au nomadisme sociétal par l’incurie d’une situation récurrente aggravée par la gouvernance universitaire ?
 
Ce problème sociétal était déjà au coeur des négociations engagées depuis 2014 pour le renouvellement du bail emphytéotique (AOT) d’installation du Club house du BEC à Rocquencourt (bail expiré au 31 12 2021). Plusieurs propositions avaient alors été faites autour d’un projet intégré. L’occupation et l’animation du territoire et des infrastructures du campus en période de vacance universitaire en faisait partie.

Changer de modèle : une nouvelle politique d’aménagement du territoire du campus universitaire

La querelle larvée et fratricide des acteurs universitaires du sport autour du territoire du campus est une hérésie de gouvernance. Il existe une voie pour sortir de cette crise par le haut.
 
1. Un campus animé à longueur d’année

Le BEC, seule entité ou association présente à Rocquencourt à longueur d’année ne peut continuer à être laissé en marge. Il peut être partie prenante dans une formule gagnante-gagnante. Dans le texte du projet Erasmus esquissé en 2014 un troisième volet ouvrait la voie d’une perspective d’aménagement, d’occupation et d’animation du campus universitaire, notamment dans les périodes de vacance universitaire et de sous-utilisation des infrastructures et bâtiments de l’Université dans la période estivale prolongée. Le
BEC avait réfléchi à une telle perspective sous l’impulsion de l’ancien Directeur de Cap Sciences Bordeaux, Bernard Allaux. Une telle initiative aurait aussi donné au club une occasion unique de sortir de la routinière obligation comptable de l’équilibre budgétaire annuel d’une petite association sportive lentement délaissée par les appuis publics. Elle aurait permis à l’ensemble du monde associatif et universitaire de dialoguer à la recherche d’un nouveau « logiciel », sans doute transposable aussi à la situation des autres clubs universitaires français.
 
On nous disait que l’Université, la mairie de Bordeaux et les autres municipalités autour du campus, avaient trouvé un grand intérêt à ces propositions. Mais de la coupe aux lèvres, il restait un geste. Ce geste qu’on n’a toujours pas esquissé à ce jour.
 
 
2. S’inspirer des meilleures pratiques universitaires
 
Les Universités françaises, pressées de répondre à l’appel gouvernemental de la mobilisation du mouvement sportif et civique en vue de Paris 2024, n’ont pas trouvé mieux que des recettes institutionnelles recyclées par les rapports Braconnier et Piozin (8) totalement fermés au devoir d’en appeler aux meilleures pratiques hors de France. Une phrase du premier rapport interpelle dans sa crue naïveté : «A moins de 600 jours des JO et Paralympiques de Paris, les universités doivent donc se mettre en position de faire du sport un axe stratégique de leur développement et de leur promotion… ». Le réveil semble bien tardif, les recettes peu novatrices, les actions attendues, le sport pour tous sacrifié.
 
On aurait pu attendre de telles analyses quelques références à des modèles performants existants : le modèle des universités américaines pour le sport d’élite ; le modèle d’autres universités européennes pour le lien gouvernance-sport-santé ; le modèle suédois pour le lien entre développement économique et sport innovant.
 
A Bordeaux, un campus universitaire repensé pour son animation et son occupation à longueur d’année, se prêterait avec la participation de tous les acteurs économiques, publics, associatifs et de la Région, à la conception d’un modèle de synthèse aquitain inspiré d’une université suédoise : le développement d’une académie du sport et de la santé sur le modèle de l’Université Dalarna (9). Le club universitaire en serait l’un des animateurs-clés sur le territoire du campus.
 
L’opération, appuyée par les fonds du programme européen Erasmus et potentiellement de la Région et des entreprises, offrirait un laboratoire de développement des start-ups économiques (incubateur) en matière d’innovation dans le domaine des technologies du sport et de la santé. Des expérimentations in situ seraient effectuées avec la participation des athlètes-étudiants. Une « arena » comprenant toutes les facilités sportives et techniques d’expérimentation, d’entrainement et de compétition en serait le centre de gravité ; le BEC contribuerait à son animation.

Les leçons des dernières semaines sont claires : l’Université est aujourd’hui, au mieux la victime de sa propre négligence et de sa politique de l’autruche ; au pire, de son mépris de 126 ans d’histoire du sport universitaire et du mouvement olympique à Bordeaux. L’Université a donc fermé les yeux sur sa propre histoire et celle de Bordeaux. Sortir de la routine institutionnelle des rapports de mission et autres réflexions en circuit fermé est possible et nécessaire car ils ne règlent notamment pas la question de l’occupation illégale des terrains de sport. Des pistes existent qui préviennent la perpétuation du nomadisme sociétal …

L’avenir du campus universitaire de Bordeaux et du BEC s’inscrit bien au-delà de l’horizon de Paris 2024.
 
Philippe Darmuzey

1 - WURIT: World University Rugby Invitational Tournament ou Tournoi mondial de rugby universitaire sur invitation (6 équipes d’Universités) et non pas une Coupe du Monde du Rugby Universitaire comme cela fut erronément annoncé par les media. Le bilan officiel de la coupe du monde de rugby publié par le Gouvernement et WB le 31 octobre, ne mentionne pas cet évènement mineur.
 
2 - Le BEC aux quatre coins d’Bordeaux, éparpillé façon puzzle —chronique d’un déni de gouvernance, Philippe Darmuzey, Journal du BEC, 6 décembre 2022
 
3 - Le BEC, petite association sans but lucratif, dispose d’un budget annuel d’environ 1 Million €, face à son désormais « Propiétaire-loueur » de Rocquencourt, l’Université de Bordeaux au budget 683 fois plus élevé (2023). Les subventions publiques aux associations sportives comme le BEC s’amenuisent gravement d’année en année.
 
4 - Le Club house actuel du BEC qui doit être détruit, fut construit aux frais du club avec des apports extérieurs qui sont loin d’être à nouveau disponibles (Région, FEDER, FFR ?) pour le nouveau projet.
 
5 - Le Sport : une ambition pour l’université, rapport de Stéphane Braconnier, président de l’Université Paris-Panthéon-Assas, membre du Conseil d’administration de
France Universités Février 2023 ;
- Le développement de la pratique sportive étudiante : Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche: Éric PIOZIN, Édouard LEROY, Carole SÈVE,
Inspecteurs généraux de l’éducation, Janvier 2023.
 
6 - cf WIRUT cité plus haut
 
7 - BORDEAUX Sans terrain, l’équipe de rugby étudiante s’entraîne en ville, Emmanuel Commissaire, Sud Ouest, 21 septembre 2023 ; Terrain saccagé par des gens du voyage : après des mois d'occupation, le BEC Rugby voit enfin "le bout du tunnel » le 2 novembre 2023 Alicia Girardeau

Voir aussi

8 - op cit note 3 supra.
 
9 - op cit note 2, Le BEC aux quatre coins d’Bordeaux… pp. 3-4

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