Dans un très long communiqué (publié ci-dessous), Jean Glavany, ancien ministre et vice-président du Conseil départemental des Hautes-Pyrénées plaide vigoureusement pour une fusion des deux aéroports, mais en gardant deux pistes et deux plateformes.
Nous vous livrons les arguments avancés, et notamment celui de la nécessité d’atteindre le seuil annoncé comme critique du million de passagers par an. Mais, si Pau et Tarbes sont en discussion, il semble difficile d’envisager une solution qui pourrait apparaître tournée contre Biarritz.
Ce qu’il faut savoir…
La décision appartient aux collectivités territoriales qui sont propriétaires des aéroports. Cela à 3 niveaux, de manière plus ou moins importante suivant les sites : les Communautés d’agglomération et de communes, les Conseils départementaux et les Conseils régionaux.
On imagine facilement que le rapprochement naturel et prioritaire, pour la Région Aquitaine et le Département des Pyrénées-Atlantiques, est celui qui unirait Biarritz et Pau. Quelle sera leur position si Pau et Tarbes devaient fusionner ?
Comme le rappelle Jean Glavany, Pau est en train de choisir l’opérateur qui se verra confier la gestion de l’aéroport à partir du 1er janvier 2017. Les Béarnais choisiront-ils le même que Tarbes, le canadien Lavalin ? Ou un autre gestionnaire qui attisera la concurrence et fera exploser en vol les négociations ?
Une chose est sûre, le débat va se poursuivre et s'intensifier dans les prochains mois. Probablement de manière assez vive. Et cette prise de position de Jean Glavany est tout sauf innocente.
Le communiqué de Jean Glavany
« Pau-Pyrénées et Tarbes-Ossun-Lourdes : deux aéroports et un mariage de raison ? »
« Au siècle dernier, les décideurs de l’époque ont créé deux aérodromes à 50 km de distance Pau-Pyrénées et Tarbes-Ossun-Lourdes. Ces créations prolongeaient une aventure industrielle aéronautique née en Béarn dès 1909 avec les frères Wright, puis dans leur sillage, en Bigorre, avec Morane et Saulnier…
Ils l’ont fait essentiellement pour des raisons économiques (C’était en phase avec le boom de l’aéronautique) et non pas d’aménagement du territoire. Aujourd’hui, ces 50 km de distance ont singulièrement été réduits par l’arrivée de l’autoroute : pour aller d’un aéroport à l’autre, il faut une demi-heure en respectant les limitations de vitesse.
Regardant l’avenir comme nos prédécesseurs ne l’ont pas assez fait, notre devoir est de regarder cette situation en face et de savoir dire les choses : ces deux aéroports sont contraints au mariage de raison.
Pourquoi ? Parce qu’ils sont en concurrence. Or, les directives européennes fixent un principe simple : les aéroports sont des activités économiques concurrentielles qui doivent trouver leur équilibre (les subventions ne sont pas définitivement interdites, dès lors qu’elles répondent à certains critères). La CE ne fait pas de distinction entre délégant et délégataire. Les aéroports distants de moins de 100 km ou 60 min doivent notifier individuellement leurs aides.
Et, dans cet environnement de concurrence, l’Europe ayant fait, comme chacun peut le faire, le constat que les aéroports de moins d’un million de passagers peinent généralement à supporter leur coût d’exploitation, a posé le principe d’un régime dérogatoire d’aides plafonnées, au fonctionnement, aux investissements et aux compagnies aériennes, pour une période transitoire de 10 ans à compter de 2014… Ce système prendra fin en, 2024, c’est-à-dire très vite. L’intelligence collective est de s’y préparer.
Un million de passagers ?
Tiens donc. Observons les chiffres. Pau-Pyrénées : 600.000 passagers l’an dernier. Tarbes-Ossun-Lourdes : 400.000… A eux deux nos aéroports peuvent construire l’avenir ; seuls, ils ne le pourront pas. Mais dire cela ne suffit pas. Il faut aussi, regardant les choses en face se dire les choses sans arrière-pensées.
« Sans arrière-pensées » qui veut dire bien entendu en reléguant aux oubliettes les rivalités historiques béarno-bigourdanes, les rivalités identitaires, l’arrogance des sentiments de supériorité ou les complexes des sentiments d’infériorité. Cela veut dire aussi ne pas imaginer des rêves impossibles : on ne va pas fermer un des deux aéroports
ni fermer les deux pour en construire un nouveau. NON.
Ce qu’il faut, c’est un aéroport unique à deux pistes, à deux plateformes. C’est pourquoi il faut réponde clairement aux questions posées :
1. Regrouper les deux aéroports répondrait-il à l’urgence de sauvetage d’un aéroport de Tarbes-Lourdes en situation difficile ? NON. Ce raisonnement ne résiste pas à l’examen objectif. L’analyse des comptes de résultat des deux exploitants montre que les deux aéroports se positionnent sur des volumes de recettes et de charges globalement comparables. Le résultat net avant Impôt sur les sociétés et Participations est compris entre 0,6 M€ et 0,8 M€ pour l’aéroport de Pau en 2012 et 2013, soit un taux de marge compris entre 4 et 6%. Il est compris entre 0,4 M€ et 0,7 M€ pour l’aéroport de Tarbes sur la même période, soit un taux de marge de 4% à 7% équivalent, voir meilleur que celui de Pau en 2013, d’autant que le bénéfice de l’aéroport de Tarbes se construit sans les recettes de parking.
2. Le regroupement des deux serait-il compliqué par le fait que l’aéroport de Tarbes-Lourdes serait « sous perfusion » des collectivités locales ? Là non plus, le raisonnement ne résiste pas à l’examen des faits. Car que financent les collectivités locales à Tarbes-Lourdes-Pyrénées ? L’Obligation de Service Public de la ligne HOP Orly Tarbes, qu’il n’est pas question de mettre dans la corbeille de la mariée… Le syndicat mixte Pyrénia est également aménageur d’une ZAC industrielle à vocation aéronautique de 190 hectares contiguë à la piste de Tarbes-Lourdes-Pyrénées. Les collectivités locales ont décidé de réaliser cette opération en régie et sont, à ce titre, engagées dans un programme d’investissements important. Il convient donc de préciser que la maîtrise d’ouvrage de cet aménagement, qui constitue l’autre compétence statutaire de Pyrénia traduite par un budget annexe spécifique, ne fera pas l’objet de la fusion envisagée et n’impactera aucunement les comptes aéroportuaires. A contrario, il convient tout autant de souligner que cette recherche de valorisation patrimoniale de la zone aéroportuaire et de son environnement proche est certainement de nature à favoriser l’attractivité et la notoriété du territoire et de la destination.
Ainsi n’y a-t-il pas lieu de considérer dans l’état actuel des choses qu’un aéroport est dans une situation meilleure ou pire que son voisin. D’une façon globale, on peut considérer que les deux aéroports sont donc au petit équilibre.
Mais cette appréhension pour certains d’une disparité de la situation financière entre les deux entités peut sans doute s’expliquer par le fait que :
- le syndicat mixte Pyrénia a réalisé en 2011, en relation étroite avec les partenaires institutionnels et industriels, un schéma directeur permettant de préfigurer les aménagements futurs de l’aéroport Tarbes-Lourdes-Pyrénées. Ces extensions capacitaires à long terme (relatives notamment au doublement du taxiway principal et à l’augmentation de capacité des parkings avions) ont été sommairement évaluées à 14 M€, mais ne sont ni nécessaires ni justifiées dans les conditions de trafic observées depuis les 10 dernières années. Naturellement, ce document de programmation aura vocation à être révisé en cas de gouvernance unique afin justement d’éviter tout investissement redondant.
Concernant les engagements antérieurs :
- s’agissant des installations aéroportuaires : la situation de Pau-Pyrénées et Tarbes-Lourdes est assez comparable puisque le principe des amortissements de caducité s’applique à Pau et qu’à l’issue de la concession, l’ensemble des installations aéroportuaires feront retour gratuitement au SMAPP (Syndicat mixte de l’aéroport
Pau Pyrénées) sans réduction de capitaux et que de la même façon, la Délégation de Service Public conclue, à Tarbes-Lourdes, avec SNC Lavalin prévoit que les biens mis à disposition font retour gratuitement à Pyrénia fin 2020, avec une valeur nette comptable nulle sur les investissements réalisés par le délégataire.
- s’agissant des aides aux compagnies aériennes : si aucune aide n’est actuellement versée par des collectivités sur Pau Pyrénées, Pyrénia est lié par l’OSP Tarbes-Paris et par un contrat marketing avec Ryanair. Ces engagements sont totalement financés sur la période de référence et seront échus à l’horizon d’une éventuelle gouvernance unifiée ; il n’y a donc pas de risque à l’horizon.
Voilà pourquoi, les deux aéroports se sont engagés, il y a trois ans dans une réflexion commune sur cette idée raisonnable, celle du « rapprochement ». Les deux syndicats ont donc financé une étude sérieuse et crédible qui visait à analyser la faisabilité et la mise en oeuvre de 3 scénarios :
- Scénario 1 : mise en œuvre d’actions partagées, notamment pour les opérations de commercialisation de la destination aérienne.
- Scénario 2 : mise en œuvre d’actions de complémentarité pour limiter les risques de concurrence
- Scénario 3 : Création d’une seule entité aéroportuaire dotée de deux plateformes avec par exemple la création d’une entité unique comportant une gouvernance commune.
Hélas, alors que les élus bigourdans se sont à l’unanimité prononcés pour le scénario le plus ambitieux, nos amis béarnais ont été moins audacieux. Il faut respecter cette prudence comme l’expression de craintes et de réflexes que nous connaissons bien, et que nous rencontrons assez systématiquement quand il s’agit de regrouper et de mettre concrètement en œuvre le principe « l’union fait la force ». Voyez les difficultés de
l’intercommunalité… Il faut la respecter, mais il faut la dépasser par la force de nos convictions ! Car le temps presse.
Mener à bien un projet de cette ampleur suppose bien sûr d’aplanir certaines difficultés, aucune n’étant insurmontable. La première est d’ordre juridique, car les délégations de service public (DSP) qui permettent la gestion des deux aéroports ne viendront pas à échéance la même année (2020 avec SNC Lavalin pour Tarbes-Lourdes-Pyrénées ; 2028 pour PUF puisque celle-ci est en cours de négociation et sera décidée cette année pour une mise en oeuvre l’an prochain). Il sera donc nécessaire de mettre en place un dispositif de coordination volontariste à court terme. Ensuite – et surtout – il faudra bâtir une stratégie pour le futur aéroport, de façon à positionner chaque plateforme à la fois sans concurrence et sans doublon avec l’autre.
Mais ces difficultés, qui peuvent être résolues, ne sont rien au regard de l’enjeu car les deux plateformes ont tout à gagner à un rapprochement. Elles passeraient ainsi d’une stratégie défensive tournée vers les conditions de leur survie vers un projet commun bénéficiant de la notoriété de Lourdes, celle des Pyrénées et du dynamisme économique du bassin Tarbes-Lourdes-Pau. Ce nouvel aéroport des Pyrénées sera également beaucoup plus attractif pour les compagnies aériennes et les opérateurs du tourisme qui sont la clé de la croissance du trafic !
Au regard de cette analyse de la situation actuelle des deux aéroports Pau-Pyrénées et Tarbes-Lourdes et des échéances à venir, le constat est sans appel : sans rapprochement les deux structures sont, à court terme, condamnées à la concurrence et à la régression. Il faut donc réagir vite afin de mettre en oeuvre une stratégie permettant de bâtir une synergie entre les deux structures. C’est à cela que j’appelle tous les décideurs politiques et économiques de la Bigorre et du Béarn ».
Jean Glavany, ancien ministre, député des Hautes-Pyrénées, vice-président du Conseil départemental des Hautes-Pyrénées
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